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Chapitre III : Caractéristiques géochimiques des eaux, des sédiments et des roches de la Tafna

III. 1.2.1.5 Conductivité

V.2. Principaux résultats et conclusion

L’étude de la contamination des sédiments par les ETM (Pb, Cd, Zn, Cu, As, Cr, Ni, Co) a montré que les concentrations moyennes des ETM dans la Tafna sont dans la gamme d’autres bassins versants méditerranéens similaires (Llobregat, Spain, Casas et al., 2003 ; Rhône, France, Ferrand et al., 2012). Les éléments les plus enrichis dans la Tafna sont dans l’ordre d’enrichissement suivant : Pb> Cd> Zn> Cu (EF>2) ; alors que Cr, Co, Ni, As ont un enrichissement faible. L’utilisation des roches locales comme matériel de référence a indiqué un faible enrichissement en Arsenic, confirmant ses origines naturelles. L’enrichissement des ETM est accentué dans les stations de la moyenne Tafna, et surtout dans les stations MG, S2, T6 et le barrage DamB.

Les différents indices utilisés (EF, Igeo, CD et SPI) convergent vers les mêmes résultats, indiquant une contamination due à des activités anthropiques. Plusieurs sources de contamination ont été identifiées qui dépendent de la station et de l’élément trace métallique.

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Généralement, la présence d’une pollution locale permanente ou occasionnelle (unités industrielles, rejets domestiques et activités agricoles) ou d’une pollution diffuse (dépôts atmosphériques, essence récente et ancienne, exploitation des déchets miniers, incinérateurs et usines), a été démontrée. Afin d’avoir une vision précise de la présence de la contamination anthropique ponctuelle ou diffuse, multiple (par plusieurs ETM) ou unique par un seul élément, et enfin de proposer un état de situation à risque pour les organismes, nous avons recommandé l’utilisation de plusieurs indices en combinaison.

Les isotopes du plomb (206Pb/207Pb et 208Pb/207Pb) ont permis de tracer ses sources naturelles et anthropiques. Les sédiments de la Tafna présentent les stigmates d’une contamination atmosphérique globale en Pb issu des essences récentes, mais également d’essences plus anciènnes, ainsi que de sources locales (incinérateurs, usines et minerais). En effet, les sédiments proviennent de l'érosion des sols et témoignent ainsi des dépôts atmosphériques de plomb accumulés dans les sols, puis dans les sédiments pendant des décennies dans le bassin versant. Le pourcentage de plomb anthropique varie entre 4% et 78% ; cette gamme a révélé la présence de quatre groupes de stations sur la rivière et de barrages, avec le classement suivant en terme pression anthropique décroissante : (MG et S2)> (DamB, T6, I5, T1, T5) > (T1, T3, T7, T8, M2, T5) > (DamS).

Les corrélations de Spearman et l’ACP (analyse des composantes principales) entre les ETM et les différents composés chimiques (Fe, Al, Mn, P, S, POC), ont montré que Cd, Zn, Cu étaient influencés par des apports d'engrais et/ou pesticides qui sont fortement utilisées dans le bassin et surtout dans la partie moyenne de la Tafna. Les autres ETM (Co, Ni, Cr et As), qui présentent un faible niveau de contamination, sont contrôlés par les oxydes d'Al, Fe et Mn et/ou les minéraux argileux.

La présence d’une ancienne exploitation minière (d’El Abed) située à la frontière entre l’Agérie et le Maroc peut constituer une source de Pb et Zn dans cette zone (Mimouni and Mahboubi, 2014). Globalement, les caractéristiques gîtologiques avec notamment la présence des gîtes métallifères (Bouterfas, 2015) localisés peuvent constituer des sources d’éléments traces métalliques dans le bassin.

L’hydrologie a une influence sur l’enrichissement des ETM dans les sédiments. Cd, Zn, Cu sont plus enrichis en hautes eaux qu’en basses eaux, alors que le contraire a été observé pour le plomb. Les processus de dilution/remobilisation contrôlent la concentration des ETM dans les différentes conditions hydrologiques.

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La géomorphologie du bassin a également une influence sur le transfert des éléments traces métalliques : la présence des méandres entre les stations T6 et T7 a contribué aux stockages des sédiments, et donc des ETM adsorbés. Toutefois ce stockage est temporaire. Durant les hautes eaux, les ETM sont potentiellement remobilisés et transportés vers la méditerranée. De plus, les barrages DamB et DamS jouent un rôle important dans le transfert des ETM. Le barrage DamB présente une contamination métallique importante et peut être considéré comme une source secondaire d’ETM pour la partie aval de la Tafna (station T6). En effet en hautes eaux, la libération de l’eau des barrages pour des raisons de gestion provoque une remobilisation des sédiments et entraîne un transfert en aval de particules fines enrichies en ETM. Cependant pour l’arsenic un faible enrichissement après le barrage a été observé. Ceci peut être expliqué par le fait que le transfert de As s’effectue préférentiellement en phase dissoute. Dans le cas du barrage DamS, la forte érosion en amont de l’affluent Isser provoque un apport accru de particules qui contribue à la dilution de la forte contamination présente à la station S2, et diminue ainsi la contamination à la station aval I5. Le transfert fluvial de la contamination métallique est retardé vers aval en raison de la présence de barrages. Le transfert naturel d'eau est ainsi limité et diminue ainsi la vitesse d'écoulement et par conséquent augmente le temps de séjour des sédiments et favorise leurs dépôts.

L‘extraction des ETM des sédiments par lessivage à l’EDTA a montré que Cd et Pb sont les éléments les plus extractibles (14–74%, 2–70%, respectivement). Cette fraction « non résiduelle » de Pb et Cd est adsorbée/complexée principalement sur la matière organique et les oxydes. D’autres ETM comme As, Co, Ni, Cr sont très peu extractibles, ce qui suggère qu’ils soient associés en grande partie aux réseaux cristallins des minéraux ou à des fractions non extractibles à l’EDTA. Leur disponibilité pour les organismes reste donc faible. La fraction la plus disponible de Pb et Cd se trouve dans les sédiments des stations T8 (aval du bassin) et T1 et T3 (amont du bassin). Ces stations ne sont pas les stations les plus enrichies en éléments traces métalliques, suggérant qu’un faible enrichissement en ETM ne veut pas dire absence de disponibilité des ETM et risque pour les organismes.