Les patients du groupe A étaient caractérisés par un déclin des fonctions cognitives
plus important comparé au groupe C avec un déclin annuel moyen du MMS de 3,6 ± 3,8 pour le groupe A et 0,1 ± 2,6 pour le groupe C (p<0,0001) (tableau n°10 ).
Les troubles du comportement progressaient plus chez les patients du groupe A que
chez les patients du groupe C, avec une variation annuelle moyenne du score total
du NPI de +4,5 ± 14,2 pour le groupe A versus –2,2 ± 14,1 pour le groupe C, p=0,015.
La proportion de patients traités par anticholinestérasique au moment de l’inclusion
était comparable dans chacun des 3 groupes A, B et C, avec respectivement 83%,
86% et 90% (p=0,4). Ces proportions au moment de l’évaluation à 1 an étaient
respectivement de 91,5%, 97,5% et 94%. En l’occurrence, dans le groupe A, 77%
Tableau n°10
Progression des variables et hospitalisations pendant l’année de suivi selon la vitesse de perte d’autonomie Groupe A ∆∆∆∆ IADL ≤≤≤≤ -4 (n=82) Groupe B ∆∆∆∆ IADL –3 à –1 (n=124) Groupe C ∆∆∆∆ IADL ≥≥≥≥ 0 (n=90) ∆∆∆∆ IADL -5,6 ± 1,6 [-6 ; -5 ; -4] -1,9 ± 0,8 [-3 ; -2 ; -1] 0,7 ± 0,9 [0 ; 0 ; 1] ∆∆∆∆ ADL -1,4 ± 1,3 [-2 ; -1 ; -0,5] -0,3 ± 0,7 [-0,5 ; 0 ; 0] 0 ± 0,4 [0 ; 0 ; 0] ∆∆∆∆ MMS -3,6 ± 3,8 [-6 ; -3 ; -1] -1,4 ± 3,3 [-3 ; -1 ; 0] -0,1 ± 2,6 [-2 ; 0 ; 2] ∆∆∆∆ CDR 0,6 ± 0,6 [0 ; 0,5 ; 1] 0,2 ± 0,5 [0 ; 0 ; 0,5] 0,1 ± 0,3 [0 ; 0 ; 0] ∆∆∆∆ ADAS-cog 4,7 ± 7,2 [0 ; 4 ; 8] 1,3 ± 5,6 [-2 ; 1 ; 4] -0,1 ± 4,3 [-3 ; 0 ; 3] ∆∆∆∆ NPI 4,5 ± 14,2 [-5 ; 2 ; 14] 1,3 ± 15,4 [-7 ; 0 ; 8] -2,2 ± 14,1 [-6 ; 0 ; 6] p=0,015 ∆∆∆∆ Zarit 5,4 ± 11,1 [-1 ; 4 ; 10] 0,5 ± 10,7 [-5 ; 0 ; 5] -1,9 ± 11,2 [-9 ; -0,5 ; 6]
Patients hospitalisés durant l’année (%) – patients dont la donnée « hospitalisation » était
disponible pour l’analyse
3) Discussion
Dans cette cohorte, 82 patients (28%) avaient eu durant la première année de suivi
un déclin du score d’IADL de 4 points ou plus, 124 patients (42%) un déclin de 1 à 3
points, et 90 patients (30%) n’avaient pas eu de déclin du score IADL. Si nous
retenions le terme de déclineurs rapides pour ces patients dont le score d’IADL a
chuté d’au moins 4 points en 1 an, nous aurions donc une proportion de plus d’1/4
des patients appartenant au groupe des déclineurs rapides. Beaucoup d’études
classent les patients en déclineurs rapides et déclineurs lents en fonction de la
médiane du score de l’effectif. Il n’y a aujourd’hui pas de consensus quant à la
définition de déclineur rapide. Citons l’étude de Bhargava et collaborateurs, réalisée
sur 247 patients suivis plusieurs années, avec une étude de la survie. Il s’agissait
d’une étude rétrospective (Bhargava, Weiner et al. 2006). La progression rapide ou
lente était définie par la médiane du déclin de MMS. Le groupe des patients
« déclineurs rapides » était caractérisé par un score initial de MMS plus bas et une
survie plus faible. Il voulait étudier l’impact des comorbidités cardiovasculaires sur
l’évolution de la maladie. Il n’a trouvé aucun rôle de ces pathologies, ni de l’âge, du
tabagisme, de l’âge de début de la maladie, sur la vitesse du déclin des patients. Il
est remarquable que dans son étude, Bhargava ait retrouvé comme seul facteur
prédictif d’un déclin rapide, une valeur initiale basse du MMS.
Dans une autre étude, Suh et collaborateurs ont étudié la progression de la maladie
chez 107 patients coréens, avec pour échelles de mesure des fonctions cognitives le
MMS et l’ADAS-cog (Suh, Ju et al. 2004). Le statut fonctionnel était mesuré avec
du MMS était de 2,3 et l’auteur retenait essentiellement que celui-ci était parallèle au
déclin fonctionnel.
Dans notre étude une chute d’IADL d’au moins 4 points ne dépendait pas de la
valeur initiale de celui-ci (p=0,49). Les patients avec un CDR égal à 0,5 (39%)
avaient une chute d’au moins 4 points de l’IADL dans 21% des cas, contre 33% et
31% respectivement quand le CDR valait 1 (43% des patients) et 2 (18% des
patients). Ces proportions n’étaient pas significativement différentes (p<0,12 avec un
test du Khi2). Un stade CDR de démence déjà élevé était relevé par certains auteurs
comme un facteur de progression rapide de la maladie d’Alzheimer, progression
évaluée par la détérioration cognitive (Doody, Massman et al. 2001), (Teri, McCurry
et al. 1995; Adak, Illouz et al. 2004). Nos résultats montraient également qu’une
perte d’IADL d’au moins 4 points en 1 an était liée de façon limite à l’état initial des
fonctions cognitives évaluées par l’ADAS-cog (p<0,10) mais non quand les fonctions
cognitives étaient évaluées par le MMS (p=0,44).
La rapidité de perte d’autonomie des patients n’était pas liée à leur capacité à
maintenir une station monopodale pendant 5 secondes. Ce test, quand il est positif,
est associé à un risque accru de chute et pourrait être un marqueur de fragilité chez
les sujet âgé (Feldman, Gauthier et al. 2003). Cependant, dans notre étude, ce test
ne nous permettait pas de dépister les patients qui avaient une perte rapide
d’autonomie.
Dans la littérature, les facteurs prédictifs d’une progression rapide de la maladie
rapide d’autonomie (p=0,32). Dans cette étude, nous avons étudié principalement
des femmes alors que Jones n’a pas trouvé retrouvé le genre des malades comme
facteur prédictif d’une progression rapide de la maladie.
Nous avons retrouvé dans notre étude que les déterminants d’une perte rapide
d’autonomie étaient une détérioration rapide des fonctions cognitives, et une
progression marquée des troubles du comportement. Néanmoins, Green a conclu
que le rôle des troubles du comportement dans la perte d’autonomie pour les
activités de la vie quotidienne était limité lorsque l’on tenait compte des troubles
cognitifs (Green, Marin et al. 1999). Ces résultats concordaient avec ceux de notre
première étude sur la même cohorte (Lechowski, Dieudonne et al. 2003). Les plus
grands déterminants de perte d’autonomie sont donc l’âge et les troubles cognitifs.
L’étude présente confirme donc les résultats de l’analyse précédente, l’âge n’étant
plus considéré puisque tous les patients vieillissent d’un an. Les hospitalisations
étaient plus fréquentes dans le groupe de patients dont l’autonomie chutait le plus
rapidement. La causalité ne pouvait être étudié ici. Dans la littérature, les
comorbidités et les hospitalisations répétées n’étaient pas associées à une
progression rapide de la maladie d’Alzheimer. Cependant chez de tels patients, une
perte d’autonomie était prédictive d’hospitalisations en urgence (Andrieu, Reynish et
al. 2002).
Enfin, en dépit du fait que la plupart des patients étaient traités par
anticholinestérasique, un tel traitement ne semblait pas protéger le groupe qui avait
une forte perte d’autonomie. Dans cette cohorte, l’efficacité de ces traitements était
impossible à évaluer puisque environ 15% des patients seulement n’avaient pas de
traitement anticholinestérasique. D’autre part, il ne s’agissait bien sûr pas d’un essai
retrouvé un bénéfice d’un traitement anticholinestérasique notamment sur les
fonctions cognitives, les troubles du comportement et la perte d’autonomie
(Grossberg, Irwin et al. 2004) (Raskind, Peskind et al. 2004).
En divisant les patients en 3 groupes selon la vitesse de perte d’autonomie pour les
activités de la vie quotidienne, nous avons pu isoler les patients qui avaient dans leur
évolution de maladie, une chute rapide d’autonomie. La définition de ces 3 groupes
était arbitraire mais dans notre expérience clinique, une chute de 4 points ou plus sur
le score de l’IADL en 1 an de suivi indique une perte marquée de l’autonomie. Dans
ce groupe, la détérioration cognitive était également rapide et semblait suivre la perte
d’autonomie. Ces éléments renforcent notre conviction que la perte d’autonomie pour
les activités de la vie quotidienne dans la maladie d’Alzheimer est directement liée à