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CHAPITRE 4 : RÉSULTATS ET DISCUSSION

4.1. Première période de croissance du saule : Effets des doses de soufre élémentaire

4.1.1. Variation du pH des échantillons de sol

Bien que le soufre élémentaire (S0) puisse augmenter l’activité microbienne du sol et par le

fait favoriser son oxydation en acide sulfurique (H2SO4) (Lucheta et Lambais, 2012; Ullah

et al., 2014), la baisse du pH des échantillons de sol traités avec le S0 n’est pas assez

marquée, en fonction du temps de croissance du saule (Figure 4.1). Les valeurs du pH des sols sont demeurées légèrement au-dessus de la neutralité jusqu’à 340 jours de croissance du saule (Figure 4.1). Les quantités de S0 (0 à 50 g de S0/kg) n’ont pas eu un effet

significatif (valeur de F non significative au niveau de P≤ 0,05) sur les valeurs du pH des échantillons de sols après les premiers 75 jours de croissance du saule (1ère récolte), i.e. après 106 jours de l’application du S0 au sol.

Figure 4.1: Valeurs du pH des sols cultivés à deux temps de croissance du saule (1ère et 5e

récolte des feuilles), en fonction de doses de S0 (pH

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Les valeurs du pH des sols cultivés mesurées à la première récolte des feuilles du saule ont varié entre: 7,36 et 7,50 pour le sol témoin (S0); 7,32 et 7,49 pour S1; 7,38 et 7,45 pour S2; 7,25 et 7,50 pour S3; 7,40 et 7,50 pour S4. L’absence d’effet significatif après 106 jours de l’ajout de S0 s’est reflétée par l’absence d’une corrélation significative au niveau de P≤0,05

entre les quantités de S ajoutées et les valeurs de pH1 des échantillons du sol (r = -0,013).

Les valeurs du pH des sols cultivés mesurées à la 5e récolte (après 340 jours de croissance du saule) ont varié entre: 7,30 et 7,41 pour T0; 7,22 et 7,35 pour S1; 7,10 et 7,30 pour S2; 7,02 et 7,18 pour S3; 6,95 et 7,10 pour S4. En général, les valeurs moyennes du pH ont diminué dans l’ordre suivant : S4 (7,01±0,08) ˂ S3 (7,09±0,08) ˂ S2 (7,20±0,10) ˂ S1 7,27±0.068) ˂ S0 (7,36±0.057).

Les quantités de S0 ont eu un effet significatif (valeur de F significative au niveau de

P≤0,05) sur les valeurs du pH des échantillons de sols après 340 jours de croissance du

saule (5e récolte) (Figure 4.1). Cet effet significatif s’est confirmé par la présence d’une corrélation négative très hautement significative (P≤0,001) entre les quantités de S0 ajoutées et les valeurs de pH5 des échantillons du sol (r = -0,890). La relation négative indique que les valeurs du pH du sol diminuent avec l’augmentation de la quantité de S0

ajoutée au sol due à la production de H2SO4. Toutefois, la faible baisse du pH des sols

cultivés par rapport au pH initial du sol composite (7,55) est normale étant donné que l’oxydation microbienne du S0 génère des ions H+ (S1 à S4) qui peuvent neutraliser

lentement l’effet alcalin des CaCO3 et que l’activité des racines des plantes produisent et

excrètent des ions H+ et des acides organiques dans la rhizosphère (S0 à S4) conduisant à l’abaissement du pH du sol (Jones 1998). Également, il est à souligner que les exsudats des racines des plantes peuvent également affecter l'oxydation du S0 (Jones, 1998).

Bien que les ions H+ dans les solutions de sols ont la capacité d’échanger les éléments traces métalliques des sites échangeables du sol (Olofsson, 2016), les valeurs du pH des sols cultivés ont demeuré, en général, au-dessus de la neutralité jusqu’à 340 jours de croissance du saule (Figure 4.1), soit après 370 jours de l’application du S0. Cette faible baisse du pH et le maintien de valeurs du pH neutres expliquent les concentrations

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négligeables du Pb dans les feuilles du saule qui sont demeurées à < 1 mg/kg (en dessous de la limite de détection) jusqu’à la 5e récolte.

Plusieurs travaux de recherche laissent indiquer que le degré d'acidification du sol varie en fonction de la quantité de S0 appliquée, du pouvoir tampon du sol, et des caractéristiques du sol (texture et contenu en MO, température du sol, potentiel hydrique) et de l’état d’aération du sol (Germida et Janzen, 1993 ; Yang et al., 2007 ; Kim et Chung, 2011) ainsi que de l’abondance, la composition et l'activité de la communauté microbienne responsable de l’oxydation S0 (Adamczyk-Winiarska et al., 1975; Germida et Janzen, 1993 ; Yang et

al., 2010 ; Ullah et al., 2014). L’activité microbienne du sol est connue pour être largement responsable de l’oxydation du S0 dans le sol. Plusieurs études ont montré une augmentation

de l'oxydation du S0 dans les sols alcalins ou en réponse à l'ajout de CaCO3 (Freney, 1967;

Adamczyk-Winiarska et al., 1975; Nor et Tabatabai, 1977; Czaban et Kobus, 2000; Yang et al., 2007).

Dans la présente étude, la faible baisse du pH des sols cultivés notée jusqu’à la 5e récolte peut aussi être due au pouvoir tampon du sol calcaire et à la grosseur des particules de S0

ajoutées au sol qui n’aurait pas favorisé l’oxydation rapide du S0 par les microorganismes

du sol.

D’une part, il est connu que les sols contenant des carbonates résistent aux changements rapides du pH (i.e. à l’acidification) en raison de l’effet tampon ‘carbonate/bicarbonate’ résultant de la dissolution acide des carbonates, suivi du remplacement des cations basiques [calcium (Ca2+), magnésium (Mg2+), potassium (K+) et sodium (Na+)] sur le complexe d’échange du sol par les protons (H+) produits à la suite de l’oxydation du S0

(Goulding, 2016). Yang et al. (2007) ont noté que les applications de CaCO3 ont réussi à

contrebalancer l'effet acidifiant de l'oxydation du S0 ajouté au sol, et les valeurs du pH du sol ont été maintenues dans la plage optimale avec un pH d'environ 6,4. On peut avancer l’hypothèse selon laquelle les sols qui contiennent du CaCO3 actif nécessitent de fortes

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D’autre part, selon Germida et Janzen (1993), la réaction d’oxydation est favorisée par la réduction de la taille des particules de S0 et l'abondance des populations de bactéries et de

champignons hétérotrophes capables d'oxyder le S0. Dans un essai d’incubation réalisé en laboratoire, Chapman (1989) a trouvé que le taux d’oxydation du S micronisé (i.e. microsphères ayant un diamètre de 1-6 μ) ajouté à trois sols de texture loam sableux et loam limono sableux, acides à légèrement acides (pH 5,1 à 6,4) était 4 fois plus élevé que celui de fleurs de S de plus grosse taille. Comme le constatent certains auteurs (Lee et al., 1988 ; Edwards, 1998), en raison de leur grande surface spécifique, l’oxydation du S0 présente une vitesse de réaction beaucoup plus importante lorsque la taille des particules de S0 est petite par rapport à celles de plus grosse taille. Dans un essai cultural en champ, Lee et al. (1988) ont évalué l’effet de la granulométrie des particules de S0 (0,01 à 2,00 mm)

ajoutées au sol (50 kg S/ha) sur le nombre de thiobacilles, de son oxydation en sulfate, de l’absorption du S par la végétation et du rendement en matière sèche (m.s.) des plantes. Après 340 jours, ils ont obtenu une augmentation considérable de la quantité de S0 oxydée (80 à 90% du S appliqué) dans les parcelles de sols amendés avec les particules de S0 fines (< 0,15 mm). En revanche, seuls 24 à 55% du S0 appliqué étaient oxydés dans les sols amendés avec des particules de S0 ayant un diamètre > 0,15 mm (particules grossières). Ils

ont attribué ces résultats à la surface spécifique plus élevée des particules de S0 fines. En outre, ils ont trouvé un nombre de thiobacilles et une quantité de sulfate largement plus élevés dans les sols amendés avec les particules de S0 fines que dans les sols amendés avec

les particules grossières, à la plupart des dates d'échantillonnage de sols. L’expérience menée par Yang et al. (2010) montre que l’ajout de Thiobacillus spp. et de bactéries hétérotrophes aérobies capable d’oxyder le S0 au sol accélère l’oxydation biologique du S0 et par conséquent la production d’une quantité appréciable de H2SO4. Les valeurs

moyennes du pH du sol avaient diminué de 3,6 à 4,0 unités en l’espace de 2 semaines d’incubation sous des conditions contrôlées. Ils ont aussi trouvé que l’oxydation du S0 était

un processus à deux étapes, la première rapide et la deuxième plus lente.

Finalement, le taux d’oxydation du S0 est dépendant du temps de réaction (Goulding,

2016). Chapman (1989) a décrit les courbes de cinétique de l’oxydation de plusieurs formes de S ajoutées à trois sols par des isothermes ayant la forme S comme suit :

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Sox = A/[1 + e(B-kt)], où Sox est la quantité de S oxydée (μg S/g), t est le temps de réaction

(jours) et A (μg S/g), B (sans unité) et k (jour-1) sont des constantes représentant la quantité

maximale de S oxydé à un temps infini, l’ordonnée à l’origine et le taux d’oxydation du S, respectivement. Le temps de l’oxydation complète du S0 peut être long si les conditions

optimales de l’oxydation du S0 ne sont pas réunies dans le sol. Plusieurs guides

mentionnent que l’oxydation du S0 peut prendre jusqu’à 2 ans avant de produire de l’acide

sulfurique et abaisser le pH du sol (https://homeguides.sfgate.com/add-sulfur-soil- 26894.html).

Un rapport final (AGRINOVA, 2015) faisant état des résultats finaux d’un projet de recherche et développement portant sur l’adaptation de l’aménagement et de l’implantation de cannebergières biologiques sur sable sous les conditions du Saguenay–Lac Saint-Jean, suite à ses six années de réalisation (2009 à 2014), a mis en évidence l’oxydation très lente du S0 (presque plus de 3 ans) dans le sol. Dans un site expérimental établi dans le centre du Québec, environ 544,3 kg de S /ha furent appliqués en 2009, suivie de deux applications de 90,7 kg/ha en 2010. Dans un autre site localisé au Lac-Saint-Jean, une application de 1350 lb/acre (soit l’équivalent de 612 kg/ha) de S0 fut réalisée en 2010 afin de pouvoir atteindre

un pH de 4,0 en 2011. Les valeurs du pH des sables mesurées en août 2010, soit 12 mois après l’application du S0, avait baissé de seulement 0,6 unité, alors qu’une diminution d’au

moins 1,2 unité était anticipée. Il aura fallu appliquer une dose additionnelle de S0 (113,4

kg/ha) en 2011 et en 2012 pour atteindre un pH de 4,6 à l’automne 2012. En conclusion, le rapport mentionne que les bactéries présentes dans le sol n’ont pas trouvé les conditions idéales pour oxyder et transformer les quantités considérables de S0 ajoutées en acide sulfurique, et que l’acidification du sol est un processus à long terme dépendant des conditions climatiques annuelles.

Dans une étude conduite au champ pendant quatre ans sur la canne à sucre (Saccharum spp.) cultivée sur un sol calcaire dans laquelle du S était appliqué à des doses allant jusqu'à 1120 kg de S0/ha, Wiedenfeld (2011) a observé que les effets de l'application de S0 sur le pH du sol ont été graduels et n'ont entraîné qu'une légère réduction seulement dans la zone d'application du S0 après un an, mais l’effet acidifiant s’est manifesté à long terme,

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entraînant une baisse substantielle du pH du sol dans une zone adjacente quatre ans après la première application du S0.

Dans la présente étude, la comparaison des 4 traitements place le traitement S4 (plus forte dose de S0) comme étant le meilleur acidifiant avec une capacité de réduction du pH de 0,54 unité après 340 jours de croissance du saule (Figure 4.1). Il est probable que la plus grande quantité de S0 présente dans le sol pollué ait stimulé davantage le développement des racines du saule et par conséquent l’activité microbienne du sol. Yang et al. (2007) ont observé une activité microbienne accrue dans le sol à la suite de l’application répétée de S0.

Ils ont trouvé que le nombre de Thiobacillus spp. et de bactéries hétérotrophes aérobies oxydant le S0 avait augmenté avec les applications répétées de S0, d’où l’acidification prononcée du sol.