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2.3 Le wolof

2.3.2 Variantes dialectales

Puisque la majorité de la population du Sénégal utilise le wolof comme langue d’interac-tion, des différences existent à Dakar mais également selon les régions (Guérin, 2016). Dans cette étude, nous utiliserons le terme « standard » pour le wolof parlé à Dakar par des lo-cuteurs natifs de la langue et le terme « urbain » pour le wolof parlé par des lolo-cuteurs non natifs. Malgré l’existence de variétés dialectales, l’intercompréhension reste totale entre les personnes vivant dans les différentes régions (Dramé, 2012). Nous nous sommes intéressés, dans la présente étude, aux variantes que sont le faana-faana et le lébou. Le faana-faana, égale-ment appeléwolof du Saloumest parlé dans la région de Kaolack, à l’Est du Sénégal. Le lébou, quant à lui, est principalement parlé sur les côtes du Sénégal. Différentes variétés de lébou existent, selon les régions dans lesquelles il est parlé. Ainsi, nous distinguons par exemple le lébou parlé à Ouakam du lébou parlé à Yénn. Les différences observées dans ces langues par les linguistes, en comparaison avec le wolof « standard », sont des variations phonétiques ou morphophonologiques, mettant l’accent sur le vocalisme et sur certaines formes d’inflexion verbale (Robert, 2011). Très récemment, des variations morphologiques et syntaxiques ont été démontrées parVoisin et Dramé (en prép.) etVoisin (en prép.).

2.3.3 Phonologie

Les études descriptives de la phonologie et de la phonétique du wolof sont encore peu nombreuses et sont, à l’heure actuelle, toujours source de débats.

2.3.3.1 Unités phonologiques

Le wolof ne possède ni de tons ni de diphtongues. Au total, 60 phonèmes sont inventoriés en wolof (Guérin, 2011). Les phonèmes peuvent varier en longueur (Cissé, 2006). La pronon-ciation brève ou allongée du phonème peut conduire à une signification différente du mot. Les paragraphes ci-après décrivent les inventaires des systèmes consonantiques et vocaliques du wolof, selon les descriptions les plus récentes de la littérature.

2.3. Le wolof 38

Inventaire consonantique

Le wolof comprend 45 consonnes, divisées en deux catégories : les consonnes dites « simples » (ou « faibles ») et celles dites « complexes » (ou « fortes »). Les consonnes simples (25 au total) regroupent les phonèmes constitués d’une seule unité, tandis que les consonnes complexes (au nombre de 20) regroupent les consonnes géminées et les consonnes prénasales. Les consonnes complexes peuvent être considérées de deux sortes, selon l’analyse de Maddie-son dans la base de données LAPSyD (Maddiesonet al.2013) : les occlusives prénasales voisées constituent un élément unique tandis que les géminées et la séquencenasale+occlusive sourde constituent un groupe (addition de deux éléments). Ce dernier type de consonne complexe (considéré comme un groupe) n’apparaît d’ailleurs jamais en position initiale (mot ou syllabe). Toutes les consonnes simples peuvent devenir des géminées, excepté les fricatives. La gémi-nation entraîne un allongement de la prononciation de la consonne.

Tableau 2.3 – Inventaire consonantique du wolof

Labiale Dentale Palatale Vélaire Uvulaire Glottale

Nasale m n ɲ ŋ

Occl. prénasale mb nd ɲɟ ŋg

Occlusive p b t d c ɟ k g ʔ

Fricative f ɾ s χ

Approximante l j w

Le tableau 2.3 présente l’inventaire phonologique des consonnes du wolof. Il provient de plusieurs sources, notamment Maddieson et al. (2013) et Guérin (2016). Les phonèmes à gauche de la cellule correspondent aux consonnes sourdes tandis que ceux de droite correspondent aux consonnes voisées. Nous pouvons remarquer que seules les occlusives connaissent une opposition de voisement.

Robert (2011) explique que les consonnes voisées, en position finale, se dévoisent et sont pro-noncées implosées. Les occlusives (simples) deviennent géminées en position médiane et finale de radical. Enfin, la présence de consonnes complexes en début de mot ou devant une voyelle longue est impossible.

Nous avons pris le parti de reprendre la description deKa (1994) et de ne représenter, dans le

tableau 2.3, que les occlusives prénasales voisées comme consonnes complexes, estimant que les prénasales sourdes relèvent plus de la paire de phonèmes. Nous avons choisi de présen-ter un tableau reflétant la prononciation du wolof. Notre inventaire est ainsi constitué de la consonne fricative uvulaire non voisée /χ/ — et non de la fricative vélaire non voisée /x/ —; la consonne /s/ est classée en tant que palatale et non comme alvéolaire; la consonne /ɾ/ est définie comme une fricative et non comme une battue.

2.3. Le wolof 39 Tableau 2.4 – Inventaire vocalique du wolof

(a) Voyelles brèves

Antérieure Centrale Postérieure

Fermée i u Mi-fermée e o ə Mi-ouverte ɛ ɔ Ouverte a (b) Voyelles longues

Antérieure Centrale Postérieure

iː uː

eː oː

ɛː ɔː

Inventaire vocalique

En wolof, le système vocalique est composé de 15 voyelles (8 phonèmes brefs et 7 phonèmes longs). Le tableau 2.4représente l’inventaire vocalique du wolof que nous avons utilisé dans nos travaux. Cet inventaire est largement tiré de celui de Diagne (1971), mais nous avons pris le parti de ne pas représenter la voyelle /à/ (afin d’être cohérent avec notre dictionnaire de prononciation construit pour les expérimentations décrites auchapitre 4). Nous pouvons remarquer que les voyelles brèves peuvent toutes être allongées, excepté /ə/.

Le wolof est une langue à harmonie vocalique, dans laquelle les voyelles peuvent se distin-guer par l’avancée de la racine de la langue (trait souvent désigné par le terme anglais ATR (Advanced Tongue Root)).

Il existe, selon les régions, des variations de prononciation en wolof. Les voyelles sont les plus touchées par ces variations. Par exemple, /ə/ peut ne pas être réalisé dans certains parlers wolof. Ces variations de prononciation entraînent des désaccords dans les études descriptives. La voyelle /a/ est la plus controversée (ceci fait l’objet d’un paragraphe à la page40).

Enfin, comme pour les consonnes, l’allongement est représenté orthographiquement par une duplication du graphème. Ainsi, la prononciation du mot « fit » (signifiant « bravoure », « courage ») et celle du mot « fiit » (qui veut dire « piège ») ne diffère qu’au niveau de la longueur de la voyelle. De la même façon, les verbes « boroos » (« brosser ») et « boros » (« brocher »), ou encore les verbes « set » (être propre) et « seet » (chercher) sont des paires minimales qui ne se distinguent, respectivement, que par la durée de la voyelle /o/ et /e/.

2.3.3.2 Syllabification

La structure canonique d’une syllabe en wolof est la suivante : CV(:)C(C). L’attaque de la première syllabe du mot ne peut être composée que d’une consonne simple ou d’une occlusive prénasale voisée, tel que présenté dans letableau 2.3(et stipulé à la page38). Pour un mot poly-syllabique, les attaques suivantes peuvent être constituées de n’importe quel type de consonne (simple ou complexe). En ce qui concerne le noyau de la syllabe, il peut être construit avec une voyelle brève ou longue. En théorie, sauf pour /aː/, une voyelle longue ne peut qu’apparaître devant une consonne simple ou une occlusive prénasale voisée (Ka, 1994), bien que Diouf (2003) démontre qu’il existe de nombreux mots où la règle n’est pas respectée, tel que le verbe

2.3. Le wolof 40 intransitif « jebbi » [jɛːbbi] (se dit pour une plante, signifierepousser, reprendre vie) ou le nom commun « kócc » qui se prononce [koːcc] (signifie, en français,mérou commun).

2.3.3.3 Morphophonologie

Le processus de suffixation peut entraîner un phénomène d’alternance consonantique. Deux types d’alternances existent : (1) Une consonne simple devient complexe en position initiale (« baax » (être bon) → « mbaax » (bonté)) ou lors de l’ajout d’un inversif ou d’un correctif en final de radical (« lem»(plier)→ « lemmi »(déplier); « saf»(être agréable)→ « sappi »(être désagréable)). (2) Une consonne complexe devient simple lors du processus de dérivation verbale ou nominale (« làggi »(infirme)→ « laago »(infirmité)).

En wolof, une suite de voyelles différentes est impossible. Un phénomène d’assimilation vocalique se produit alors. En conséquence, dans le cadre de l’affixation, les voyelles fusionnent pour en créer une nouvelle. Ceci est courant dans les mots polysyllabiques se terminant par un phonème vocalique. La règle de coalescence9est la suivante :

/i/ + /a/ → /eː//u/ + /a/ → /oː/ � /e/ + /a/ → /eː/ � /u/ + /e/ → /oː/ � /oː/ + /a/ → /oː/ � /o/ + /a/ → /oː/ � /a/ + /a/ → /aː/

Cas particulier du phonème /a/

Le phonème bref /a/ en wolof possède un statut particulier, sujet à controverse.Sauvageot (1965), par exemple, décrit un système vocalique où la paire /a/~/aː/ s’oppose uniquement sur le trait de longueur. De son côté,Diagne (1971) propose l’ajout d’un phonème bref, noté /à/, plus ouvert que son homologue bref /a/. Dans sa représentation, les deux phonèmes ouverts et brefs /a/ et /à/ s’opposent à un seul phonème ouvert et long /aː/.

Le statut phonologique du phonème /a/ suscitant toujours des discussions, nous avons opté, dans ces travaux, pour opposer ce phonème uniquement sur le trait de longueur. Ainsi, comme le montre letableau 2.4, nous opposons /a/ (bref) et /aː/ (long).

Étant donné la règle, /a/ devant consonne géminée devrait être prononcé bref, et d’un point de vue orthographique prendre un accent grave. Pourtant, des exceptions existent, comme nous pouvons l’observer à travers les exemples suivants, tirés du dictionnaire deDiouf (2003) : « bàkku » [baːkku] (faire son propre éloge), « wàll » [waːllə](contaminer), « sàdd » [saːddə] (orner, embellir), « ràgg » [raːggə](être chétif).

2.4. Synthèse 41

2.3.4 Morphologie

Le wolof est une langue à classes nominales. La dérivation verbale et nominale est très fréquente et ne fonctionne que par suffixation (il n’y a pas de préfixation en wolof). 8 consonnes servent à classifier les noms au singulier (b-, k-, l-, w-, m-, g-, s-, j-) et 2 consonnes au pluriel (y- et ñ-). La dérivation peut être construite de 5 manières (Guérin, 2016) :

par suffixation;

� par alternance consonantique à l’initiale; � par réduplication;

� par composition;

� par conversion (les classificateurs nominaux peuvent s’alterner pour créer un nouveau nom).