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Variance et gestion des risques

Dans le document Psychologie statistique avec R (Page 109-113)

D. Kahneman

Dans un jeu de dé, on peut chercher à évaluer le gain espéré, mais aussi de combien le gain réel risque d’être différent en moyenne de ce gain espéré, autrement dit la dispersion des gains autour de la valeur espérée.

Lorsque l’on souhaite décrire comment des scores observés {xi}, i = 1, ..., N, sont dispersés autour d’une moyenne dans une distribution empirique, on utilise un indice de moyenne des écarts au carré :

s2N = Lorsque les données sont regroupées sous la forme d’une distribution d’effectifs, enK couples valeur-effectif(uk, nk),k= 1, ..., K, cette formule peut être réécrite

On appelle variance (en probabilité)l’espérance : V(X) = E

En développant, on peut aussi réécrire la variance comme espérance des carrés moins le carré de l’espérance :

V(X) = K k=1

πku2k[E(X)]2.

La variance peut être vue comme une mesure de risque, en situation d’incertitude, qui complète l’information fournie par l’espérance de gain.

Exemple 5.6

On a déjà vu un statisticien de taille 1,70 m se noyer dans un fleuve de profondeur moyenne 1,60 m...

En situation de décision, nous souhaitons donc mesurer à la fois l’espérance de gain et ledegré de certitudeque nous avons de l’obtenir à chaque essai.

Calcul de la variance dans le cas continu

Dans le cas d’une variable numérique continue, disons Y, sur un ensemble infini UY de modalités, en notant que dans ce cas P(Y = y) = f(y)dy (voir section 4.5.4), la variance s’écrit :

V(Y) =

UY

(y−μY)2P(Y =y) =

UY

(y−μY)2f(y)dy.

On admettra sans démonstration que les propriétés ci-dessous définies sont les mêmes pour des variables discrètes et continues.

Propriété de la variance

Une propriété importante à connaître de la variance est : V(aX+b) =a2V(X).

En effet :

V(aX+b) = E

(aX+b−E(aX+b))2

= E

(aX+b−aE(X)−b)2

= E

a2(X−E(X))2

= a2E(X−E(X)2)

= a2V(X). (5.1)

L’ajout d’une constante ne change pas la variance. La multiplication par une constante change la variance, d’un facteur égal au carré de cette constante. D’autres propriétés de la variance se déduisent des propriétés de la covariance évoquées dans la section suivante.

Application : la gestion des risques

Imaginez que vous ayez à choisir entre deux scénarios qui tous deux entraînent une perte. L’un vous fait perdre 50 euros avec probabilité 1/2 ou gagner 100 euros avec probabilité 1/2. L’autre vous fait perdre 2450 euros avec probabilité 1/100 ou gagner 50 euros avec probabilité 99/100. On note X1 et X2 les variables de résultats à ces deux jeux.

Les espérances de gain sont les mêmes :

Si vous aviez le choix, quel jeu choisiriez-vous ? La perte est peu probable dans le jeu 2, mais elle aura des conséquences désastreuses sur mon capital si elle survient et je vais y regarder à deux fois avant de me lancer dans ce jeu. A choisir et à espérance égale, le premier jeu me semble nettement moins risqué. On peut résumer l’incertitude sur les gains à ces deux jeux par l’écart type :

V(X1) =

Pour une même espérance de gain, la variation moyenne des pertes de 75 ou 250 euros n’a pas du tout les mêmes conséquences sur mon porte-monnaie. On peut même imaginer des jeux bénéficiaires en espérance, mais qui pourraient se traduire à l’échelle d’un seul essai par une perte telle que je ne pourrais plus me refaire sur le long terme. On voit que l’appréciation du gain dans une situation doit donc conjointement prendre en compte l’espérance et la variance. On peut aussi réunir en une seule mesure les deux informations par le coefficient de variation.

Définition 5.3 (Coefficient de variation) On appelle coefficient de variation la quantité :

CV =

Ce coefficient exprime en quelque sorte l’incertitude en proportion de l’espérance.

On peut le multiplier par 100 pour obtenir un pourcentage. Sur nos deux jeux, cela donne :

100CV1 = 100×75 25 = 300, 100CV2 = 100×250

25 = 1000.

Pour donner un repère pratique, un financier décide en général d’un investissement avec un certain revenu espéré si le risque est inférieur à 15% de l’espérance. C’est une mesure très conservatrice et le sujet humain dans sa vie quotidienne est beau-coup moins exigeant. Le rapport psychologique entre bénéfice attendu et risque a été étudié extensivement sur près de 40 ans par Kahnemann et Tversky (1979).

Kahnemann est d’ailleurs le seul psychologue à avoir reçu la prestigieuse distinc-tion du prix Nobel (en économie car il n’y a pas de prix Nobel de psychologie) pour l’ensemble de ses travaux sur l’économie et le comportement. Ils ont montré que la relation entre gain certain et gain espéré n’est pas l’identité : psychologiquement, on accepte en moyenne d’échanger un gain certain de 80 euros avec un gain de 100 euros de probabilité 0.9 (autrement dit d’espérance 90). La relation plus générale sur ces échanges pour des valeurs de gains variables est représentée en fig. 5.1.

Fig. 5.1– Echangeabilité psychologique de gains certains et espérés Le jeu qui permet de gagner 100 euros avec probabilité 0.90 a un risque de :

100CV = 100

V(X) E(X)

= 100×

1002×10090

902

90 33.33.

On accepte donc psychologiquement d’échanger un gain certain de 80 euros contre un gain probable de 90 euros avec un risque de 33%. On voit que c’est une valeur de risque nettement plus élevée que celle qui a cours dans les milieux financiers...

On peut d’ailleurs utiliser des protocoles semblables pour mesurer chez certains individus l’attitude face au risque.

Dans la célèbre « tâche du pari » (gambling task) par exemple, on montre quatre paquets de cartes A, B, C et D à des sujets (Bechara et al. 1994). Ils doivent tirer 100 cartes successivement dans n’importe quel paquet et leur choix se solde par certaines conséquences. Dans les paquets A et B, on gagne régulièrement des sommes importantes, mais des pénalités importantes interviennent irrégulièrement de telle sorte que l’espérance est négative. Dans les paquets C et D, on gagne régu-lièrement de petites sommes et quelques pénalités interviennent irrégurégu-lièrement, mais l’espérance reste positive.

On observe classiquement que certaines populations montrent une préférence mar-quée pour les récompenses immédiates : les adolescents présentant des troubles

du comportement, certains profils de toxicomanie et certains patients cérébrolésés dans les zones responsables de l’inhibition comportementale.

Dans le document Psychologie statistique avec R (Page 109-113)