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Etiquetage social négatif et « compliance »

Dans le document Psychologie statistique avec R (Page 180-183)

7.5 Modèles généraux et factoriels

7.5.1 Etiquetage social négatif et « compliance »

Dans un certain nombre de ces cas, les groupes indépendants comparés résultent d’un croisement factoriel. Cela ne change pas la méthode : il s’agit simplement d’une comparaison de K probabilités inconnues sur des groupes indépendants ; on cherche le bon jeu de contraintes d’égalité qui permet de rendre compte des données avec aussi peu de paramètres que possible. Nous illustrons cette démarche ci-dessous.

7.5.1 Etiquetage social négatif et « compliance »

Guéguen (2001) étudie l’effet d’un étiquetage social négatif sur la « compliance » avec une requête. Cette expérience se déroule en plusieurs étapes :

– Etape 1 : le recrutement. Un compère se promène dans la rue avec un sac visiblement très lourd avec une inscription « viande de cheval » bien visible. Il

demande à une personne au hasard dans la rue (qui devient sujet de l’expérience) de bien vouloir garder son sac pendant qu’il fait une course.

– Etape 2 : l’étiquetage social négatif. Pendant ce temps, un autre compère passe, s’arrête, dévisage le sujet et lui fait comprendre par tous arguments qu’il devrait avoir honte de manger de la viande de cheval (étiquetage social négatif), puis s’en va. Dans une condition contrôle, cet épisode n’a pas lieu. Le premier compère, revenu, vient remercier chaleureusement le sujet pour son aide et s’en va.

– Etape 3 : la requête. Au coin de la rue, un troisième compère sollicite le même sujet pour signer une pétition concernant, selon les conditions :

la défense de la cause animale (requête convergente avec l’étiquetage), la pollution dans le quartier (requête dissociée de l’étiquetage).

Les conditions définissent des groupes indépendants (il y a 40 sujets par groupe).

Ces groupes sont construits par croisement de deux facteurs : marquage négatif (oui/non) et type de requête (animal/pollution), notés M et R. La variable dé-pendanteX est le nombre de sujets qui dans chaque condition acceptent de signer la pétition.

Le plan d’expérience intergroupe s’écrit :

M2∗R2→UX ={0, ...,40}.

Compte tenu de la littérature existante, l’auteur formule les hypothèses théoriques suivantes :

– un marquage négatif n’a d’effet sur le comportement que si on donne l’occa-sion au sujet d’émettre un comportement qui contredit le marquage (« je suis bienveillant à l’égard des animaux ») ;

– toute autre requête sans rapport ne devrait donc pas avoir d’influence sur l’ac-ceptation, et cette acceptation devrait être aussi probable que celle d’un sujet n’ayant pas subi de marquage.

Si ces hypothèses théoriques sont correctes, on devrait observer : i) qu’on accepte plus souvent de signer la pétition sur la défense des animaux que celle contre la pollution quand il y a eu marquage négatif sur ce point, ii) la signature de la pétition contre la pollution devrait être aussi probable avec ou sans étiquetage négatif, car cette requête est sans rapport avec le marquage.

7.5.2 Modélisation

On enregistre les nombres de personnes (sur 40) qui acceptent de signer :

Cause animale Pollution

Etiquetage 28 16

Contrôle 14 11

Comme les personnes ont été démarchées séparément, on admet que leurs décisions sont indépendantes. On admet également (hypothèse fondamentale de la démarche

expérimentale) que la probabilité de signer dans chaque condition est unique. Cela revient à dire que toute personne placée dans la même condition matérielle voit sa réponse gouvernée par le même mécanisme probabiliste de réponse.

A ces conditions, le modèle de distribution sur ces comptages est binomial. Le type de problème posé est celui de la comparaison de probabilités inconnues dans un plan factoriel à groupes indépendants.

En réalité, ce n’est pas un nouveau type de problème car la structure factorielle des données n’est qu’une manière commode pour l’expérimentateur de présenter les choses, en qualifiant les groupes par des attributs psychologiques qui ont du sens dans sa théorie. D’un point de vue statistique, il s’agit simplement de comparer des probabilités sur groupes indépendants, en introduisant des contraintes d’égalité dans le modèle.

Pour définir ces contraintes, il est commode de présenter les conditions en tableau linéaire :

Etiquetage négatif OUI NON

Requête Animal Pollution Animal Pollution

Probabilités π1 π2 π3 π4

On note que les deux hypothèses opérationnelles peuvent être réunies dans un modèle de la forme :

Etiquetage négatif OUI NON

Requête Animal Pollution Animal Pollution

M1 π1 π24 π3 π24

Pour tester la qualité de ce modèle, on doit montrerqu’il est meilleur que n’importe quel autre. En particulier, on doit montrer qu’il permet de rejeter le modèle nul de l’absence d’effet expérimental (test de l’existence d’un effet) et qu’il est meilleur que le modèle saturé (test de l’égalité des conditions 2 et 4). Un autre modèle est compatible avec les attentes théoriques. Si l’on attend au minimumπ1> π24, une version plus contrainte du modèle existe, qui correspondrait à l’hypothèse selon laquelle les deux pétitions ont initialement le même pouvoir attractif sur les sujets.

Cela ajouterait la contrainteπ24=π3.

Dans la situation de comparaison de quatre groupes, il y a 15 modèles possibles selon les contraintes d’égalité que l’on pose sur les paramètres (voir sous-section suivante). Mais d’un point de vue théorique, on met en concurrence au minimum les modèles suivants, dont les comparaisons ont du sens :

Etiquetage négatif OUI NON

Requête Animal Pollution Animal Pollution

Ms π1 π2 π3 π4

M2 π1 π234 π234 π234

M1 π1 π24 π3 π24

M0 π1234 π1234 π1234 π1234

Les paramètres de ces modèles sont inconnus et la méthode de décision va donc s’appuyer sur le calcul d’une vraisemblance qui intègre toutes les valeurs possibles de ces paramètres, en leur affectanta priorila même probabilité (hypothèse de loi a priori uniforme). Le calcul des facteurs de Bayes pour les 15 modèles possibles révèle queM2est le plus probablement vrai (B20= 529.6,P(M2|D) = 0.975). Les hypothèses de l’auteur paraissent donc extrêmement plausibles : il n’y a d’effet de l’étiquetage sur la compliance que lorsque la requête concernait la pétition pour la défense des animaux.

Fig. 7.14– Comparaison de quarte probabilités inconnues dans un plan factoriel Des calculs semblables à ceux des sections précédentes permettent d’obtenir la déviance nulle de ces données Rs0 = 17.21 et la déviance résiduelle du modèle finalM2:Rs2= 1.42. On voit que l’hypothèse de l’auteur, traduite par le modèle M2, permet d’expliquer une large proportion de l’information présente dans les données :

η2= 1 1.42 17.21

= 15.79

17.21 0.92.

Dans le document Psychologie statistique avec R (Page 180-183)