• Aucun résultat trouvé

Groupes contrôle

7.4 Variables avec influence indéterminée

7.4.1 Lieu des études et groupe contrôle

Toutes les études, comparées entre elles selon les deux axes, ont été menées dans des pays différents bien que tous européens. Nous nous sommes interrogées sur l’influence de la culture du pays et des modalités de soins sur la manière de vivre un traumatisme par brûlure. Deux études suisses (Graf et al., 2011 ; Landolt et al., 2009) comparent leurs résultats avec une population de référence constituée d’enfants américains ou néerlandais.

En sachant que les troubles du comportement sont évalués sur la base d’un contexte social et culturel, les normes ne sont pas nécessairement les mêmes selon le milieu (maison, école…) dans lequel se trouve l’enfant (Dumas, 2013). En effet, on s’attend à ce que l’enfant respecte les normes sociales de l’endroit où il vit. Baudry (2007) explique que le statut accordé aux enfants américains à l’école peut surprendre les français. Ainsi, le comportement social sera jugé « impoli » par les uns tandis que les autres le qualifierait d’adéquat et positif. Il en va de même pour l’appréciation des qualités d’interactions sociales chez l’enfant, qui auront des références sensiblement différentes selon le pays évalué.

Ceci démontre bien l’importance du choix du « groupe contrôle » qui doit être comparable à la population étudiée. Nous devons donc être prudentes lors de l’interprétation des résultats des deux études suisses de Graf et al. (2011) et Landolt et al. (2009) pour qui la provenance des groupes «brûlés» et «contrôle» diffère. Il ne nous est pourtant pas possible de connaître l’influence qu’a ce biais sur les résultats de leurs études.

7.4.2 Outils de mesure

Les questionnaires utilisés dans les études retenues sont tous destinés à évaluer des enfants ou des adolescents. Pourtant, il aurait été pertinent d’utiliser un outil spécifique à la brûlure, valide et fiable, comme par exemple le « Health Outcomes Burn Questionnaire for Infants and Children » (Kazis et al., 2002). Des questions plus spécifiques et plus ciblées sur le contexte de l’enfant brûlé, en lien avec

38

l’image corporelle altérée et le vécu du traumatisme, permettraient sans doute d’obtenir des données plus sensibles à la variation du comportement social de l’enfant. En effet, les résultats d’un outil générique sont influencés par d’autres facteurs pris en compte, et pas uniquement la qualité des interactions sociales chez le brûlé. Cependant, il ne répondrait pas directement à notre question de recherche car les résultats ne pourraient pas être comparés avec une population de référence saine.

Compétences sociales

On remarque que deux questionnaires utilisés pour évaluer les compétences sociales des enfants sont des outils de mesure génériques utilisés pour apprécier la qualité de vie chez une population avec ou sans handicap (Landolt et al., 2009 ; Pope et al., 2007). Seule l’étude d’Andersson et al. (2003) cible spécifiquement les compétences sociales de l’enfant par le questionnaire SCI. Cet outil fait émerger, de manière significative, des difficultés en société chez l’enfant brûlé, et notamment l’initiative sociale. Il met en exergue des aspects relationnels difficiles pour l’enfant brûlé, comme l’approche et l’ouverture aux autres. De par sa spécificité, ses résultats sont peut-être sensibles à la variation des compétences sociales de l’enfant et aussi plus spécifiques à notre question de recherche que ceux relevés au travers d’outils génériques. Le TACQOL utilisé par Landolt et al. (2009) exprime la même tendance bien qu’il ait été validé pour une population légèrement plus jeune que celle qu’il évalue effectivement (Annexe IV).

De ce fait, il semble plus pertinent d’accorder plus de crédit à l’étude d’Andersson et al. (2003) qui démontre des compétences sociales diminuées chez le groupe brûlé avec des résultats généralisables, sauf pour les compétences prosociales (p>0.05).

Troubles externes

Les outils de mesure (CBCL, YSR et CBQ), utilisés dans les trois études à propos des troubles externes, sont tous des questionnaires valides et fiables (Graf et al., 2011 ; Liber et al., 2008 ; Andersson et al., 2003). Pourtant, le CBQ a été validé pour évaluer des enfants de 3 à 8 ans bien qu’il ait été utilisé dans l’étude chez une population de 7 à 12 ans. On ne peut pas exclure qu’il s’agisse d’un biais et ses résultats, en défaveur des brûlés, sont donc à interpréter avec précaution, bien qu’ils soient significatifs.

Par ailleurs, on remarque que les deux études qui utilisent le CBCL (Graf et al., 2011 ; Liber et al., 2008) expriment les mêmes résultats en faveur du groupe d’enfants brûlés, tout comme le YSR (Liber et al. ; 2008). Par conséquent, il semble légitime d’accorder plus de crédit aux résultats mesurés avec ces outils puisqu’ils ont été validés pour une population d’enfants brûlés dont l’âge est en adéquation avec celui des études de Graf et al. (2011) et de Liber et al. (2008).

Par conséquent, il est possible que la méthode de mesure ait pu influencer les résultats et que certains outils n’aient pas eu la capacité de détecter des troubles présents. Mais l’influence de l’outil de mesure sur les résultats des études est impossible à déterminer.

39

7.4.3 Taux de réponse

Il est communément admis que plus le taux de réponse est élevé, plus les résultats se rapprochent de la réalité. Il n’y a pourtant pas de norme minimale permettant de considérer un taux de réponse comme acceptable (Office of the Audito General of Canada [OAG], 2007). Nous avancerons tout de même que plus le taux de réponse est bas, plus le biais est important car tous les avis ne sont pas pris en compte.

Bien que deux études présentent un taux de réponse supérieur à 75%, elles démontrent des résultats contradictoires, chacune selon son axe. L’une indique des compétences sociales diminuées chez les enfants brûlés (Landolt et al., 2009) tandis que l’autre indique moins de troubles externes chez ces derniers (Graf et al.,2011). Par leur taux de réponse élevé, leurs résultats sont probablement les plus proches de la réalité et renforcent l’idée d’un manque de consensus entre les deux axes.

Il est possible que les jeunes victimes qui ne vivent pas bien leur apparence et qui éprouvent des difficultés dans leurs relations avec les autres n’aient pas souhaité participer à l’étude en répondant à des questions embarrassantes. Par conséquent, les bons résultats de l’étude en faveur du groupe brûlés (Graf et al., 2011) peuvent provenir majoritairement d’enfants bien adaptés ayant répondu favorablement à la demande de participation à l’étude. A l’inverse, les victimes ayant retrouvé une bonne qualité de vie peuvent ne pas se sentir concernées par une telle étude en n’y répondant pas comme c’est peut-être le cas dans l’étude de Landolt et al. (2009).

En résumé, nous ne pouvons dire si ce biais de sélection est présent ni dans quel sens il a pu influencer les résultats.

7.4.4 Statut socio-économique

Parmi les trois études qui font mention du statut socio-économique des familles interrogées, on remarque que l’étude suisse de Graf et al. (2011) et néerlandaise de Liber et al. (2008) regroupent entre 30 et 37% de familles de classe sociale haute. Landolt et al. (2009) ne fournissant pas la totalité de la répartition (18% inconnu), il nous est impossible d’y référer.

Or, les pourcentages connus sont largement au-dessus de la répartition générale en Suisse qui s’élève à 17% pour la classe sociale haute (Schellenbauer, Rühli & Müller-Jentsch, S.d.). Nous n’avons pas trouvé de données concernant les Pays-Bas. Selon Dumas (2013), les troubles du comportement social sont surtout observés chez des enfants provenant de milieux défavorisés tout comme les accidents par brûlure selon l’OMS (2012). Nous n’avons cependant pas d’hypothèses probables à avancer quant à cette contradiction.

Toutefois, les deux autres études démontrent moins de troubles externes chez les enfants brûlés que dans le groupe contrôle (Graf et al., 2011 ; Liber et al., 2008). Dès lors, nous pouvons émettre l’hypothèse que les moyens financiers de la famille permettent peut-être d’offrir à l’enfant un environnement plus adapté pour favoriser sa réadaptation sociale. De plus grands moyens financiers permettraient de mettre en place des thérapies complémentaires proposées à l’enfant ainsi qu’un placement en école privée où les horaires seraient mieux adaptés aux contraintes des traitements

40

médicaux. De cette manière, du temps pourrait être aménagé pour des activités parascolaires dans un cadre propice à des interactions sociales de qualité.

Le statut socio-économique de la famille peut donc avoir une influence potentielle sur les résultats des études mais elle est impossible à déterminer dans le cadre de ce travail.

7.4.5 Durée d’hospitalisation

Nous avons vu qu’une hospitalisation peut être vécue comme une expérience traumatisante par les soins douloureux qu’elle engendre et par une coupure, parfois longue, avec le cadre familial. Elle peut avoir un impact important sur les émotions ressenties par l’enfant qui peut indirectement influencer son comportement social.

Compétences sociales

Nous n’avons pas établi de corrélation entre une longue durée de séjour et de moins bonnes compétences sociales. Seules deux études sur trois (Landolt et al., 2009 ; Andersson et al., 2003) font mention de la durée d’hospitalisation. Il nous manque donc des données pour pouvoir tirer des conclusions à ce propos. Par ailleurs, chaque pays possède ses propres protocoles en matière de prise en charge des victimes de brûlures graves et la durée d’hospitalisation va beaucoup dépendre des milieux économiques et du système de santé. Nous pouvons uniquement relever que les victimes de brûlure ont démontré de moins bonnes compétences sociales indépendamment du fait que la durée de séjour soit de 11 ou 33 jours (Landolt et al., 2009 ; Andersson et al., 2003). Toutefois, la coupure sociale de l’enfant brûlé ne se limite pas à la durée de son séjour à l’hôpital mais s’inscrit sur le long terme si l’on prend en compte les contraintes de la prise en charge ambulatoire. Les nombreuses heures passées en thérapie peuvent entraver le développement social de l’enfant et il s’agit donc d’un élément pouvant influencer les résultats qui n’a pas été mesuré dans nos études.

Troubles externes

La durée de séjour des trois autres études n’est fondamentalement pas différente puisqu’elle varie entre 11 jours pour Andersson et al. (2003) et 14.5 jours pour Graf et al. (2011). Cependant, pour des durées de séjour très similaires.

En résumé, nous ne pouvons mettre en évidence aucune influence de la durée de séjour sur le développement de troubles du comportement social chez l’enfant victime de brûlure.

41 7.5 Synthèse

Après avoir analysé chaque variable afin d’expliquer potentiellement les résultats contradictoires de nos études, nous avons identifié :

- Des variables avec influence : la population (âge au moment de la brûlure, appartenance à une association de brûlés), le temps écoulé depuis la brûlure (pour les compétences sociales), la date de parution des études (progrès médicaux).

- Des variables sans influence : la surface corporelle totale brûlée (TBSA), les comorbidités préexistantes, le temps écoulé depuis la brûlure (pour les troubles externes).

- Des variables dont l’influence est indéterminée : le statut socio-économique de la famille, le taux de réponse, le lieu des études et groupe contrôle, les outils de mesure.

42

Documents relatifs