2.2 Injection électrique de spin : vannes de spin latérales et dispositifs à 3
2.2.1 Les vannes de spin latérales
Les vannes de spin latérales sont les équivalents des dispositifs GMR avec une
dispo-sition latérale qui rappelle beaucoup le transistor MOSFET. La latéralité de la structure
permet des mesures dites non locales, c’est-à-dire d’injecter et de détecter de manière
in-dépendante. Le matériau non-magnétique sert toujours de média entre les deux électrodes
ferromagnétiques et est le lieu de la diffusion du spin. La séparation entre l’injection et
la détection électrique de spin permet d’éviter des effets de magnétorésistance parasites
(AMR, TAMR, Pauli blocade, ...).
Le principe a été proposé par Aronov et démontré expérimentalement par Johnson et
Silsbee en 1985 [45, 46]. Peu de développements expérimentaux ont été rapportés
uti-lisant les vannes de spin latérales jusqu’à récemment. Mais la détection non locale
d’une accumulation de spin a été utilisée dans une variété de matériaux : structures
métalliques [47, 48], supraconducteurs [49] semi-conducteurs organiques [50] et
inorga-niques(GaAs [51], InAs [52], ...).
Il existe très peu de travaux sur l’injection et la détection de spin à l’aide d’une vanne de
spin latérale dans le silicium et germanium. On peut citer, pour le silicium, les travaux
pré-curseurs de OMJ Van’t Erve en 2007 [14]. Ils ont été suivis par les travaux des groupes de
Siraishi [53] et Saito [54]. Dans le cas du germanium, seuls les travaux de Zhou [16]
dé-montrent une injection électrique et détection non locale de spin à basse température. Les
(a) (b)
Figure 2.5 – (a) Schéma d’une vanne de spin latérale, constituée de deux couples de
contacts ohmiques/contacts ferromagnétiques. (b) Le renversement des aimantations, aux
champs coercitifs H
c1et H
c2, modifie la population en spin sondée et donc le signe de la
tension mesurée par l’électrode FM (avec en vert la barrière tunnel et en rouge la matériau
magnétique).
vannes de spin latérales sont constituées de deux électrodes ferromagnétiques et de deux
contacts ohmiques. Les deux électrodes ferromagnétiques sont espacées de l’ordre de la
longueur de diffusion de spin comme représenté en figure 2.5(a). Un des couples
ferroma-gnétique/ohmique est utilisé pour l’injection de spin alors que le second sert à la détection
du pur courant de spin qui diffuse dans le canal du semi-conducteur. Sur la figure 2.5(a),
on remarque une accumulation de spin↑sous la première électrode due à l’injection d’un
courant polarisé en spin. L’amplitude du signal d’injection ou de détection d’une
élec-trode est dépendante du taux de polarisation en spin du courant tunnel(notéeP). Ensuite,
le système tend à retourner à l’équilibre des populations de spin ce qui crée des courants
diffusifs de spin au sein du semi-conducteur. Dans le modèle diffusif, l’accumulation de
spin obéit à l’équation de diffusion exprimée comme [55]
∇
2(µ
↑−µ
↓) =
1
`
s f 2µ
↑−µ
↓(2.9)
Dans le cas 1D, la solution directe de l’équation 2.9 est donnée par :
µ
↑−µ
↓=∆ µ(x) = [µ
↑(0)−µ
↓(0)]exp
− x
`
s f(2.10)
Les potentiels électro-chimiques sont ici représentés en coupe sur la figure 2.5(a), ils
décroissent de manière exponentielle dans le volume du semi-conducteur suivant la
longueur de conservation du spin ou longueur de diffusion de spin `
s fen accord avec
l’équation 2.10.
Les spins qui ont diffusé sont détectés en utilisant le second couple d’électrodes
FM/Ohmique. La différence de potentiels entre l’électrode FM (points rouge ou bleu sur
la figure 2.5(a)) et le contact ohmique (doré) est proportionnelle à l’accumulation de spin
qui a diffusé.
2.2.1.1 Mesures non-locales
Dans une vanne de spin latérale, pour avoir un contraste magnétique maximal, on mesure
la différence de tension pour un courant d’injection fixe entre les états parallèle et
anti-parallèle des aimantations, comme décrit par le cycle V(H) de la figure 2.5(b). C’est
pourquoi il est nécessaire qu’elles présentent des champs magnétiques de renversement
suffisamment différents afin de stabiliser un état anti-parallèle.
Les électrodes sont renversées en appliquant un champ magnétique externe le long des
électrodes. Généralement, le système se trouve en état parallèle ce qui électriquement
dans le système correspond à une tension positiveV
Pet les points rouges sur la figure
2.5. Lors du renversement d’une première électrode un état anti-parallèle est bloqué
et la population de spin, donc la tension mesurée, sont renversées. Ce qui correspond
aux points bleu sur la figure 2.5(a) et à la tension négativeV
APsur la figure 2.5(b). La
deuxième électrode se renverse à son tour et la configuration est de nouveau dans l’état
parallèle. Le cycle est reproduit en inversant la direction du champ magnétique et le
signal en créneau est mesuré pour des champs opposés. L’amplitude de la différence de
tension (pour un courant d’injection fixe) entre les deux états dépend de l’accumulation
de spin initiale et de sa diffusion dans le canal du semi-conducteur. Le signal peut être
formalisé dans un cas 1D par [55, 56]
∆V
NLI =∆R
NL=±1
2P
IP
DR
SC sexp
− x
`
SF(2.11)
avecP
IetP
Dles polarisations tunnel de l’injecteur et du détecteur respectivement,R
SCsla
résistance de spin du semi-conducteur définie par l’équation 2.8,xla distance entre
l’in-jecteur et de le détecteur et`
s fla longueur de diffusion de spin dans le semi-conducteur.
L’orientation du signal créneau représenté dans l’équation par le symbole±dépend de la
population de spins injectés (majoritaires ou minoritaires) qui dépend du signe du courant
de charge.
La résistance non locale (∆R
NL) dépend de la distance x et à partir de la fonction de
∆R
NL(x), en variant la distance entre les électrodes FM, on peut extraire la longueur de
diffusion de spin et les polarisations tunnel effectives.
2.2.1.2 Effet Hanle en configuration non-locale
(a) (b)
Figure 2.6 – (a) Effet Hanle en configuration non locale : Les spins injectés précessent
sous l’action du champ magnétique externe perpendiculaire au plan du film (µ
0H) et
la seconde électrode FM détecte la composante du spin suivant son aimantation. Cette
dernière dépend du champ magnétique appliqué, le signal de spin oscille en fonction du
champ magnétique (b) avec un amortissement lié à la relaxation des spin.
En configuration non locale, l’application d’un champ magnétique hors du plan
mani-pule les spins qui diffusent en provoquant leur précession. Si le temps de diffusion entre
les deux électrodes n’est pas trop long (devant le temps de vie de spin des porteurs), la
seconde électrode FM détecte la projection du spin suivant son aimantation comme le
montre la figure 2.6(a). Cette mesure appelée effet Hanle non locale permet d’extraire
directement les paramètres importants de la dynamique de spin (temps de vie de spin,
longueur de diffusion de spin, ...). Ce fut la voie choisie par Johnson et Silsbee en 1985
lors de la première mesure sur une vanne de spin latérale dans l’aluminium [45].
Le signal de spin mesuré est une succession d’oscillations en fonction de l’angle (φ)
entre le spin et l’aimantation du FM2. Celui-ci dépend du champ magnétique appliqué :
ω
Larmorla fréquence de précession de Larmor directement proportionnelle au champ
ma-gnétique extérieur. Dans le cas d’un temps de vie de spin très long, plusieurs oscillations
amorties peuvent être détectées (voir figure 2.6(b)). Expérimentalement, ce type
d’oscil-lations a déjà été observé dans le silicium intrinsèque pour des champs magnétiques de
quelques milliteslas [57].
La formalisation simple de l’effet Hanle en configuration non locale fait appel au modèle
de spin drift-diffusion, détaillé par Fabianet al. dans la réf [58]. Dans l’hypothèse d’un
système 1D, l’effet Hanle est ajusté par l’équation :
∆R= ∆V(B
⊥)
I
in jec=± P
IP
De
2N(E
F)A
Z
∞0
P
r(t)cos(ω
Larmort)exp
− t
τ
s fdt (2.12)
avecP
r(t) qui correspond à la distribution temporelle des spins détectés et définie dans le
cas d’un système diffusif par :
P
r(t) = √ 1
4πDt exp
− L
4Dt
exp
− t
τ
s f(2.13)
avec N(E
F)la densité de porteurs au niveau de Fermi,Ala section du semi-conducteur,
τ
s fle temps de vie du spin. Et pour la distribution temporelle P
r(t), on définit : D le
coefficient de diffusion, L la distance entre les électrodes ferromagnétiques. L’effet
Hanle en configuration non locale peut être sondé pour le cas des aimantations des deux
électrodes parallèles ou le cas anti-parallèles, ce qui est traduit dans l’équation 2.12 par
le symbole±.
Dans la définition de∆R, le termeexp(−
tτs f