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La valorisation des compétences par l’expérience professionnelle et les aptitudes

CHAPITRE 1 : LES MÉTHODES DE RECRUTEMENT ET LES CRITÈRES DE

2. LES CRITÈRES DE SÉLECTION DE LA MAIN-D’ŒUVRE PRIVILÉGIÉS PAR

2.3 La valorisation des compétences par l’expérience professionnelle et les aptitudes

On peut déduire des analyses précédentes que le diplôme, bien qu’il soit obligatoire pour plusieurs postes, et en particulier pour les gestionnaires, les professionnels et les techniciens, ne suffit plus pour être recruté sur un poste. Les recruteurs exigent dorénavant que les futurs employés possèdent des aptitudes personnelles et, souvent, un certain nombre d’années l’expérience, particulièrement pour les secteurs où les difficultés de recrutement se font peu ressentir. Ainsi, la valeur et le rôle du diplôme sont fortement ébranlés. Le diplôme devient alors une signalisation des compétences, un repère pour les employeurs afin de diminuer leurs incertitudes en cours de recrutement. (Gamel, 2000) À cet effet, la théorie de la signalisation ou du filtre, énoncée par Spence (1973), est particulièrement pertinente puisqu’elle considère que, pour les employeurs, le diplôme est un signal qui permet de rendre compte de la productivité et des aptitudes d’un individu. En ce sens, le diplôme n’est en rien un indice objectif. Par conséquent, à côté du diplôme, l’expérience et les qualités individuelles retiennent l’attention des employeurs. La dévalorisation du diplôme ressort des propos des recruteurs interrogés qui nous ont affirmé que le diplôme était plutôt un signal d’aptitudes qui n’indique pas nécessairement la compétence des individus. C’est le cas pour ces deux entreprises de services, dont la première compte plus de 500 employés et la deuxième, moins de 100 employés :

Q. Est-ce que le diplôme est une preuve de compétence ou c’est un signal ?

R. Ce n’est pas une preuve de compétence. Je me suis même associé comme entreprise avec ces écoles, puis finalement ça n’a pas donné de bons résultats parce que les candidats qui sortaient de là avaient des très bonnes connaissances théoriques, mais sur le terrain, en pratique, ça ne valait pas 5 cents. Ils n’avaient pas l’attitude qu’il fallait, donc ça ne donnait rien. Mais théoriquement parlant par exemple au niveau des connaissances ils l’avaient, le problème n’était pas là (E01S3P).

Q. Est-ce que vous seriez porté à considérer le diplôme comme une preuve de compétence ou un signal d’aptitude ?

R. Non. J’ai vu des gens sortir avec leurs diplômes puis ça n’a vraiment pas fait l’affaire à cause que leur personnalité qui ne feetait pas du tout avec notre domaine. Quelqu’un peut avoir des très bonnes notes à l’école, sortir de son DEC en génie civil et avoir une moyenne très forte, mais aller sur un chantier de construction puis, si c’est une personnalité plus intellectuelle et pas manuelle, ça ne vaudrait pas grand chose sur un chantier, ça va être presque un gros 0. Ensuite, quelqu’un peut sortir un gros score de l’école, mais elle, c’est quelqu’un qui est au point de vue physique, qui est plus ou moins dynamique, ça va valoir un gros 0 pour nous.

Q. Donc c’est un signal sans plus, ce n’est pas une preuve ?

R. C’est ça, absolument. Ce n’est pas une preuve que « ah, il a un DEC ou il a un diplôme, parfait, on l’engage, c’est réglé ». Non, non, pas du tout. La personnalité joue pour je vous dirais 80 % selon moi (E22S1P).

L’expérience professionnelle est exigée pour tous les postes de responsabilités. Pour les autres postes, l’exigence de l’expérience dépendra des difficultés de recrutement. L’expérience professionnelle est en quelque sorte, pour le recruteur, un moyen ou une confirmation des compétences du candidat, non seulement pratiques et réelles, mais également des compétences personnelles de l’individu. En ce sens, l’expérience, comme mode de révélation et d’acquisition des compétences pratiques et personnelles, est un moyen pour le recruteur de réduire ses incertitudes, et par le fait même, de diminuer les risques qu’implique le recrutement. L’expérience professionnelle constitue donc un signal supplémentaire pour le recruteur, plus important que le diplôme dans plusieurs cas. Or, l’expérience permet de « suppléer » aux insuffisances du diplôme, comme pratique réelle, et de « fournir » une preuve des qualités individuelles du candidat (Vincens, 2001). Ainsi, certains recruteurs ont affirmé que la véritable preuve de compétence d’un candidat reposait sur l’expérience professionnelle acquise. Ces deux extraits mettent en relief ces propos, dont le premier concerne une entreprise de production de biens avec moins de 100 employés et le deuxième, une organisation parapublique du secteur de la santé avec plus de 500 employés :

Q. Est-ce que le diplôme serait une preuve de compétence ou un signal d’aptitudes que la personne potentiellement peut travailler dans un domaine ?

R. […] C’est un signal que cette personne-là a été formée, mais disons que l’expérience n’est pas encore là, c’est tout simplement ça (E17B1P).

Q. Est-ce que vous seriez porté à considérer le diplôme comme une preuve de compétence ou un signal d’aptitude que le candidat est potentiellement capable d’exercer un travail particulier ?

R. C’est une preuve que le candidat a des connaissances. Compétence, je pense que c’est une autre chose. Je pense que ça dénote un potentiel, mais je ne pense pas que ça nous dit que la personne est compétente (E19S3PP).

Enfin, les aptitudes et les qualités personnelles sont toujours exigées par les recruteurs, peu importe le poste offert et le niveau de scolarité exigé. En fait, en raison de l’exigence nouvelle de flexibilité dans l’entreprise et dans la définition des postes de travail et par la mise en place d’une organisation horizontale, donc moins hiérarchique, les gestionnaires d’entreprises vont miser de plus en plus sur les qualités individuelles des travailleurs que ces soit leur adaptation aux nouvelles situations de travail, leur polyvalence, leurs habilités relationnelles, leur autonomie, leur dynamisme ou leur motivation à participer et à s’engager dans l’entreprise. Dans ce contexte, puisque que se sont les compétences, relatives à l’expérience professionnelle et aux caractéristiques personnelles des candidats qui retiennent l’attention des recruteurs lors de l’embauche, quels dispositifs ils privilégient pour évaluer les candidats ?