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III.1 Etude bibliographique

III.1.3 Mesures des flux de chaleur

III.1.3.1 Validité de la mesure

Les deux méthodes de reconstruction que nous avons vues reposent sur l’hypothèse que le matériau est homogène et que le transfert est purement unidirectionnel. En réalité ce n’est pas le cas du fait :

▪ De la constitution des capteurs utilisés pour mesurer les températures, ▪ De la présence éventuellement de flux de chaleur transversaux.

Buttsworth dans [116] analyse le comportement thermique d’un thermocouple de type ruban inséré dans une matrice en aluminium. Il a recours à un modèle éléments finis 2D et soumet celui-ci à différents profils de flux de chaleur. Il utilise ensuite la réponse en température de surface fournie par le modèle afin de reconstruire le flux incident par une méthode 1D en utilisant les propriétés du dural, un alliage à base d’aluminium. La Figure 95 présente à gauche la géométrie utilisée pour le modèle éléments finis et à droite une comparaison entre les flux de chaleur incidents (actual) et calculés par le modèle 1D (apparent).

Les flux incidents (a) et (b) sont de forme respectivement « créneau » et sinusoïdale. Dans le premier cas, on remarque que le flux de chaleur est initialement surestimé par un facteur supérieur à deux, puis lorsque le flux incident s’annule, la réponse du modèle 1D indique un flux négatif. Dans le second cas la surestimation et la sous-estimation sont moins prononcées, ce qui indique que l’erreur est dynamique et dépend de l’histoire thermique du capteur. Cette erreur est due d’une part à l’utilisation des propriétés de l’aluminium, celle-ci différant fortement de celles des matériaux constituant le thermocouple, et d’autre part par le caractère bi-dimensionnel du capteur.

Figure 95 : Géométrie du modèle EF 2D (à gauche) et comparaison entre le flux incident appliqué au modèle 2D et la reconstruction 1D du flux à partir de la réponse en température (à droite) [116].

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Plus tard, Buttsworth et al. [117] utilisent la méthode mathématique de la réponse à impulsion [118] couplée à une calibration laser afin d’analyser plus en détail le comportement des thermocouples rubans. Ils montrent que bien que l’utilisation d’une méthode 2D soit plus précise qu’une méthode 1D du fait de la prise en compte de l’écoulement de la chaleur dans les différents matériaux du thermocouple, la calibration reste l’approche la plus pertinente. Wang et al. [98] poursuivent ces travaux via une application à un cas moteur et tirent les mêmes conclusions, comme on peut le voir sur la Figure 96. Dans le cas de l’utilisation d’un thermocouple de type K (chromel/alumel) et d’un modèle 1D, ils recommandent d’utiliser les propriétés thermiques de l’alumel s’il n’est pas possible d’utiliser un modèle 2D. Par la suite, Wang et al. [25] [37] [99] utilisent une calibration numérique via un modèle 2D afin d’étudier les transferts de chaleur aux parois d’un moteur à piston.

Figure 96 : Comparaison des flux de chaleur aux parois d’un moteur à piston obtenus par calibration laser, modèle numérique 2D et modèles numériques 1D avec différentes propriétés thermiques [98]. Les erreurs liées à une mesure erronée de la température de surface de la chambre de combustion, c’est-à-dire dans des conditions où l’écoulement de la chaleur n’est pas monodimensionnel et / ou à l’utilisation de propriétés thermiques erronées sont parfois particulièrement visibles dans la littérature. C’est le cas notamment de Lawton [112] lors d’une étude expérimentale sur les flux de chaleur aux parois de la culasse d’un moteur entraîné. Il utilise une sonde constituée de plastique laminé (Tufnol) dans laquelle un thermocouple coaxial est inséré, comme on peut le voir sur la Figure 97, et obtient la mesure

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de flux de chaleur présentée par la Figure 98. Afin de pouvoir comparer un profil de flux de chaleur dans le cas d’un moteur entraîné, la Figure 99 présente les mesures effectuées par Demuynck et al. [39] avec un capteur de flux de chaleur Vatell pour trois positions de papillon.

Figure 97 : Schéma de la sonde utilisée par Lawton [112]

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Figure 99 : Mesures de flux de chaleur moteur entraîné effectuées par Demuynck et al. [39] On remarque que dans le cas des mesures de Demuynck et al., le flux de chaleur atteint son maximum peu avant le PMH puis diminue ensuite progressivement et devient légèrement négatif à partir de la seconde partie de la détente. Le fait que le flux soit négatif est normal car le gaz ayant cédé de la chaleur aux parois, sa température est plus basse lors de la détente que lors de la compression pour une même position du piston. Dans le cas de la mesure de Lawton, le flux de chaleur devient fortement négatif immédiatement après le PMH, puis augmente progressivement jusqu’à devenir positif. Ce résultat est aberrant car juste après le PMH, la température du gaz est nettement supérieure à celle des parois et en fin de détente, le flux de chaleur devrait être négatif et non positif. Ce comportement est sans nul doute dû à la présence de matière plastique dans le corps de la sonde, les propriétés thermiques de cette dernière étant très différentes de celle des métaux. Ceci induit non seulement une erreur lors de la reconstruction du flux, mais aussi via le comportement thermique de la sonde qui est fortement non-monodimensionnel.

Un autre exemple de mesure de flux erronée est issu de la campagne expérimentale réalisée par Oude Nijeweme et al. [103], qui utilisent une sonde composée d’un corps en aluminium dans lequel un thermocouple ruban est inséré. Ils réalisent des mesures sur un moteur entraîné et allumé, dont les résultats sont présentés respectivement par la Figure 100 et la Figure 101. De façon similaire aux mesures de Lawton [112], le flux de chaleur en entraîné devient fortement négatif peu après le PMH. Néanmoins dans ce cas le flux de chaleur reste

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négatif durant la détente. Dans le cas moteur allumé, bien que le flux de chaleur soit positif durant la majeure partie de la détente, il devient négatif avant l’ouverture des soupapes d’échappement alors que la température du gaz est largement supérieure à celle des parois, ce qui est également aberrant.

Figure 100 : Mesures de flux de chaleur moteur entraîné effectuées par Oude Nijeweme [103].

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Ces résultats, du fait de la forte ressemblance à l’effet illustré par Buttsworth [116] sur la Figure 95, sont probablement dus à l’utilisation inappropriée des propriétés de l’aluminium dans le modèle de reconstruction de flux. Lawton, Oude Nijeweme ainsi que Ma et al. [113] ont tenté d’expliquer ces résultats par le fait que le transfert de chaleur aux parois ne satisfait pas la loi de Newton à cause de phénomènes de détente dans la couche limite thermique, néanmoins comme indiqué par Buttsworth et al. [117], il est impossible de remettre en question la loi de Newton sur la base de mesures réalisées dans de telles conditions.

Afin d’assurer la validité d’une mesure de flux de chaleur il est donc nécessaire : ▪ D’utiliser des propriétés thermiques appropriées,

▪ De maximiser le comportement monodimensionnel de la sonde lors de la conception. Concernant ce dernier point, il est judicieux d’isoler thermiquement la sonde de son environnement comme dans le cas de celle de Gilabert et al. [111], et de la refroidir comme montré par Hohenberg [27]. En effet dans le cadre de ses travaux sur les modèles de pertes de chaleur aux parois, il a mis au point une sonde de flux de chaleur stationnaire, dont le schéma est donné par la Figure 102.

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Le corps de la sonde, où sont réalisées les mesures de température, est séparé de son fourreau pas une couche d’air afin de réduire l’influence du métal entourant la sonde. Comme la sonde n’est plus refroidie par le système de refroidissement moteur, il est nécessaire de la refroidir. A cette fin, Hohenberg conçoit un système de refroidissement par air et le pilote via des mesures de températures effectuées sur les côtés du fourreau (c.f. T3 à T6 sur la Figure 102). Ainsi cela permet d’obtenir non seulement une mesure peu intrusive du fait que la sonde est maintenue à la même température que la paroi, mais cela permet aussi de limiter davantage les flux de chaleur transversaux et donc le biais de mesure puisque ceux-ci sont générés par la différence de température entre la sonde et son environnement.