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Valeur de l’information, valeur de la flexibilité, valeur de la précaution

Valeurs d’option

1.3 Valeur de l’information, valeur de la flexibilité, valeur de la précaution

Les 3 caractéristiques du problème de décision, qui sont l’information, l’irréver- sibilité et la précaution, vont avoir une influence sur la valorisation des décisions de première période.

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Arrow-Fisher (1974) et Henry (1974) montrent que lorsqu’on tient compte de l’information future dans la valorisation des décisions de première période (dans un problème avec des irréversibilités), il y a une composante supplémentaire à la valorisation de chaque décision, c’est la valeur de l’information. Cette composante est positive.

De la même manière que ces auteurs ont étudié l’influence de l’information, nous allons étudier l’influence des autres caractéristiques du problème sur la valorisation des décisions de première période. De fait, nous allons définir systématiquement les composantes supplémentaires à la valorisation des décisions de première période.

Il s’agit dès lors de définir :

- la composante supplémentaire induite par l’arrivée d’information à structure d’irréversibilité7 et à enjeu de précaution du problème de décision donnés. C’est la

valeur de l’information.

- la composante supplémentaire induite par l’absence de la contrainte d’irréver- sibilité sur la valorisation des décisions à structure d’information donnée8 et à enjeu

de précaution du problème de décision donné. C’est la valeur de la flexibilité. - la composante supplémentaire induite par un problème de décision contenant moins d’enjeu de précaution sur la valorisation des décisions à structure d’informa- tion donnée, et sans irréversibilité (F ). C’est la valeur de la précaution.

Nous déterminerons le signe de toutes ces valeurs.

L’étape suivante (section 2) consistera à analyser la variation de ces valeurs induite par une décision plus ou moins flexible (ou plus ou moins précautionneuse lorsqu’il n’y a pas de contrainte d’irréversibilité). Ce sera la définition des valeurs d’option.

7Par structure d’irréversibilité donnée, on entend avec une contrainte d’irréversibilité (I), et sans contrainte d’irréversibilité (F ).

1.3.1 Valeur de l’information

Un décideur peut ne pas tenir compte de la perspective d’information future dans son évaluation des décisions. Les raisons peuvent être diverses. Arrow-Fisher (1974) et Henry (1974) ainsi que Fisher-Hanemann (1987) et Hanemann (1989) invoquent l’exemple de la règle de décision coûts-bénéfices, règle souvent utilisée mais qui ne tient pas compte de l’information future dans la valorisation des décisions puisqu’elle remplace les variables aléatoires par leurs espérances. D’autres raisons peuvent être invoquées. Ainsi, le problème de décision peut être mal posé ou de façon incomplète. Le décideur peut aussi ne pas savoir quelle information va arriver ou ne pas savoir si de l’information va arriver (est-ce que la recherche va aboutir et donner de l’information ?) et décider dès lors de ne pas en tenir compte. Enfin, l’acquisition d’information peut être volontaire (coûteuse)...

Dès lors, pour chaque décision de première période c1, l’utilité maximale attei-

gnable en seconde période est selon le décideur JI,δ(c

1, θ1, θ2). Alors que s’il tenait

compte de l’information future9, elle serait de JI,δ(c

1). Pour chaque décision c1, le

décideur fait donc une différence d’estimation de JI,δ(c

1)− JI,δ(c1, θ1, θ2)≥ 0. Cette

différence représente le gain permis par l’information, appelé valeur de l’informa- tion. Ce gain est du au fait que l’on peut prendre des décisions plus adéquates en seconde période au vu de l’information. Ce gain est différent selon les décisions c1.

On note V II,δ(c

1) la valeur de l’information avec irréversibilité :

V II,δ(c

1) = JI,δ(c1)− JI,δ(c1, θ1, θ2).

Mais le problème ne contient pas forcément des irréversibilités. La valeur de l’information est alors différente et on la note :

V IF,δ(c

1) = JF,δ(c1)− JF,δ(c1, θ1, θ2).

La valeur de l’information est positive avec ou sans irréversibilité et à enjeu de

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précaution donné, i.e. V II,δ(c

1)≥ 0 et V IF,δ(c1)≥ 0 : un décideur qui ne tient pas

compte de l’information sous-estime la valeur associée à chaque décision c1.

1.3.2 Valeur de la flexibilité

De la même manière que dans la section précédente on a discuté de la présence ou l’absence d’information comme d’un caractère “endogène”, on peut discuter de la même manière de la présence ou de l’absence de la contrainte d’irréversibilité.

Une première histoire peut être de considérer que le décideur peut ne pas tenir compte de la contrainte d’irréversibilité dans son évaluation des décisions par igno- rance, erreur ou par espoir mal fondé (dans l’exemple du stockage des gaz à effet de serre, il peut croire que l’on pourra destocker en seconde période).

Une seconde histoire est de considérer qu’il est envisageable de faire disparaître la contrainte d’irréversibilité. De même que l’on calculait ce que pourrait rapporter de l’information (section 1.3.1), on peut calculer ici ce que pourrait rapporter la suppression de la contrainte d’irréversibilité. Par exemple dans le cadre du réchauf- fement climatique, ce serait réussir à développer une technologie efficace de “puits de carbone”. Ainsi, comme pour la valeur de l’information, nous choisissons de calculer une valeur de la flexibilité : c’est le gain à lever la contrainte d’irréversibilité. Bien entendu, ce gain est contextuel à la structure d’information et au niveau d’enjeu de précaution. Considérons par exemple le cas d’information parfaite, le raisonnement en absence d’information est identique.

On considère un décideur qui imagine pouvoir lever la contrainte d’irréversibilité, i.e. la contrainte c2 ≥ 0. Pour chaque décision c1, l’utilité maximale atteignable en

deuxième période est donc selon le décideur, JF,δ(c

1). Alors que si ce décideur tenait

compte des irréversibilités, elle serait de JI,δ(c

1).Pour chaque décision c1, le décideur

fait donc une différence d’estimation de JI,δ(c

1)− JF,δ(c1), qui représente le coût

induit par l’irréversibilité et donc JF,δ(c

1)− JI,δ(c1)un gain permis par la flexibilité,

que nous appelons la valeur de la flexibilité. On la note V FIP,δ(c

au fait que l’on peut prendre des décisions non contraintes en seconde période (cf proposition suivante).

On peut faire le même raisonnement avec absence d’information. On note V FAI,δ(c 1)

la valeur de la flexibilité en absence d’information: V FAI,δ(c

1) = JF,δ(c1, θ1, θ2)− JI,δ(c1, θ1, θ2)

et la valeur de la flexibilité en information parfaite : V FIP,δ(c1) = JF,δ(c1)− JI,δ(c1).

La proposition suivante montre qu’un décideur qui pense pouvoir lever la contrainte d’irréversibilité surestime la valeur de chaque décision de première période10.

Proposition 2Sous les hypothèses H1 et H2, avec le critère Maxmin, la valeur

de la flexibilité est positive à structure d’information et enjeu de précaution donnés, i.e. V FAI,δ(c

1)≥ 0 et V FIP,δ(c1)≥ 0

Preuve

Quand on maximise une fonction sous contrainte (I), le maximum atteint est toujours inférieur à celui atteint lorsqu’on maximise la même fonction sans contrainte (F )

1.3.3 Valeur de la précaution

Comme pour l’information et la contrainte d’irréversibilité, il est possible de considérer que le niveau d’enjeu de précaution peut revêtir un caractère “endogène”, soit parce que le décideur le sousestime plus ou moins consciemment, soit parce qu’il envisage qu’une technologie qui puisse le faire baisser sera disponible. Il pense que demain on saura faire baisser δ : par exemple dans le domaine du nucléaire, il existera des technologies efficaces de retraitement.

10Les résultats ne sont explicités que pour le critère Maxmin mais les définitions pourraient tout à fait être adaptées au cas EU et des résultats similaires seraient obtenus.

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Ainsi, comme pour la valeur de l’information et de la flexibilité, nous choisissons de calculer une valeur de la précaution : c’est le gain de valeur à baisser le taux de survie δ.

On considère un décideur qui imagine pouvoir diminuer le niveau d’enjeu de précaution, dans un problème où il n’y a pas d’irréversibilités. Pour chaque déci- sion c1, l’utilité maximale atteignable est donc selon lui JF,δ

p (c1). Alors que si ce

décideur tenait compte d’un niveau d’enjeu de précaution plus élevé11, elle serait de

JF,δ

p (c1). Pour chaque décision c1, le décideur fait donc une différence d’estimation

de JF,δ∗

p (c1)− JpF,δ(c1), qui représente la valeur induite par un niveau d’enjeu de

précaution moins élevé, que nous appelons valeur de la précaution. On note V PIP,F(c

1)la valeur de la précaution (sans irréversibilité et en informa-

tion parfaite). Ainsi,

V PIP,F(c

1) = JF,δ

p (c1)− JpF,δ(c1).

On peut faire le même raisonnement avec absence d’information. On note V PAI,F(c 1)

la valeur de la précaution sans irréversibilité et en absence d’information. Ainsi, V PAI,F(c

1) = JF,δ

p (c1, θ1, θ2)− JpF,δ(c1, θ1, θ2).

Nous étudions à présent le signe de V PIP,F(c

1) et V PAI,F(c1).

Nous allons considérer une hypothèse supplémentaire. Cela correspond à un mo- dèle à la Ulph-Ulph (1997)12.

HypothèseH4 : U2 est positive et croissante et V est négative et décroissante

L’hypothèse H4 implique l’hypothèse H3.

La proposition suivante montre que, sous certaines hypothèses, un décideur qui ne tient pas compte de l’enjeu de précaution d’un problème surestime la valeur de chaque décision de première période.

11

rappelons que δ ≥ δ∗

Proposition 3 Sous H1, H2 et H4, avec le critère EU, la valeur de la précau-

tion, correspondant à une diminution du taux de survie δ, est positive à structure d’information donnée et sans irréversibilités, i.e. V PAI,F(c

1)≥ 0 et V PIP,F(c1)≥ 0.

Preuve

a) Déterminons le signe de V PIP,F(c 1) : V PIP,F(c 1) = JF,δ ∗ p (c1)−JpF,δ(c1)où JpF,δ(c1) = Ep[u2(Fθi,δ)+δV (δc1+Fθi,δ(c1), θi)] et JpF,δ∗(c1) = Ep[u2(Fθi,δ ∗ ) + δ∗V (δ∗c1+ Fθi,δ ∗ (c1), θi)] où δ ≥ δ∗ On sait que ∀θi, Fθi,δ ∗ (c1) ≥ Fθi,δ(c1) et δ∗c1 + Fθi,δ ∗ (c1) ≤ δc1 + Fθi,δ(c1). Donc u2(Fθi,δ ∗ )≥ u2(Fθi,δ) et V (δ∗c1+ Fθi,δ ∗ (c1))≥ V (δc1+ Fθi,δ(c1)) sous H4 (u2

croissante et V décroissante). Ainsi, JF,δ∗

p (c1) ≥ JpF,δ(c1) sous H4 (V ≤ 0). On a

alors V PIP,δ(c1)≥ 0

b) Déterminons le digne de V PAI,F(c 1) : V PAI,F(c 1) = JF,δ ∗ p (c1, θ1, θ2)−JpF,δ(c1, θ1, θ2)où JpF,δ(c1, θ1, θ2) = Ep[u2(Fpθ1,θ2,δ)+ δV (δc1+Fpθ1,θ2,δ(c1), θi)]et JF,δ ∗ p (c1, θ1, θ2) = Ep[u2(Fθ1,θ2,δ ∗ p )+δ∗V (δ∗c1+Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1), θi)] •Fθ1,θ2,δ∗

p (c1) est tel que u02(Fθ1,θ2,δ

p (c1)) + Ep[V0(δ∗c1 + Fθ1,θ2,δ

p (c1), θi)] = 0

Fθ1,θ2,δ

p (c1)est tel que u02(Fpθ1,θ2,δ(c1)) + Ep[V0(δc1 + Fpθ1,θ2,δ(c1), θi)] = 0

De plus, u0 2(Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1)) + Ep[V0(δc1 + Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1), θi)] < 0 sous H1 (V0 < 0). Donc Fθ1,θ2,δ∗ p (c1)≥ Fpθ1,θ2,δ(c1) sous H1. •Fθ1,θ2,δ∗

p (c1)≥ Fpθ1,θ2,δ(c1)et u2 concave (H1) entrainent que u02(Fθ1,θ2,δ

p (c1)) <

u0

2(Fpθ1,θ2,δ(c1)).

Comme ∀j = δ∗, δ, Ep[V0(jc1+Fpθ1,θ2,j(c1), θi)] =−u02(Fpθ1,θ2,j(c1)),alors Ep[V0(δ∗c1+

Fθ1,θ2,δ∗ p (c1), θi)]≥ Ep[V0(δc1+Fpθ1,θ2,δ(c1), θi))et δ∗c1+Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1)≤ δc1+Fpθ1,θ2,δ(c1) On sait que Fθ1,θ2,δ∗ p (c1)≥ Fpθ1,θ2,δ et δ∗c1+ Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1)≤ δc1+ Fpθ1,θ2,δ(c1).Donc u2(Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1)) ≥ u2(Fpθ1,θ2,δ(c1)) et Ep[V (δ∗c1 + Fθ1,θ2,δ ∗ p (c1), θi)] ≥ Ep[V (δc1 + Fθ1,θ2,δ

p (c1), θi)) sous H4 (u2 croissante et V décroissante). Ainsi, JF,δ

p (c1, θ1, θ2) ≥

JpF,δ(c1, θ1, θ2) sous H4 (V ≤ 0).

On a alors V PAI,F(c 1)≥ 0

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