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Quelques applications du théorème d’Epstein

3 Conditions d’existence de l’effet irréversibilité

3.2 Quelques applications du théorème d’Epstein

Nous allons voir des applications du théorème d’Epstein pour des problèmes de décision sans séparabilité intertemporelle, configuration plus adéquate à la réalité environnementale. Elles portent principalement sur les problèmes environnementaux tels que le réchauffement planétaire, le traitement des déchets nucléaires. Ces mo- dèles s’inscrivent dans le modèle général nous avons posé en section 2.2 : ils vérifient les 3 caractéristiques et les hypothèses H0, H1, H2 et H3. Ils essayent d’appliquer

les conditions suffisantes du théorème d’Epstein. Il ressort de manière générale une difficulté d’application de ce théorème : “l’effet irréversibilité” n’est pas forcément vérifié lorsqu’il n’y a pas de séparabilité intertemporelle.

3.2.1 Le cas de l’effet de serre : phénomènes d’accumulation

Gollier, Jullien, Treich (2000) et Ulph, Ulph (1997) traitent cette question11. Le

problème de décision est identique dans ces deux modèles. Ce sont des modèles à deux périodes. Les décisions concernent le niveau d’émissions de gaz à effet de serre à chaque période (x1en première période, x2en deuxième période). L’incertitude porte

sur l’effet de l’accumulation de ces gaz dans l’atmosphère. Ces modèles incluent donc bien des phénomènes d’externalités intertemporelles. L’irréversibilité se traduit par le fait que le stock de gaz à effet de serre de la deuxième période est forcément supérieur au niveau d’émissions de première période (pondéré par un facteur de survie δ), i.e. δx1+ x2 ≥ δx1 (⇔ x2 ≥ 0). On ne peut destocker.

Ces articles étudient sous quelles conditions l’arrivée d’information réduit les niveaux d’émission de première période, ceci en tenant compte des phénomènes d’irréversibilité.

Le modèle de Gollier, Jullien, Treich (2000)

La fonction objectif additivement séparable du décideur est telle que : U (x1,x2, z) =

u(x1) + v(x2− z(δx1+ x2)) où z est la variable incertaine, et représente le coût des

émissions. D’après le théorème d’Epstein, le niveau de x1, i.e. le niveau d’émission

optimal en première période diminue avec une structure d’information plus fine si Jx1(x1, π) est convexe en π

12. Toute la difficulté se trouve donc dans l’étude de la

fonction Jx1(x1, π).

Ces auteurs introduisent la notion de décision “précautionneuse” sans l’explici- ter précisément et sans la caractériser par rapport à la décision originale de décision “flexible”. La précaution est introduite de manière intuitive sans être définie claire- ment : réduire les émissions c’est limiter l’ampleur du réchauffement climatique si le lien entre gaz à effet de serre et climat existe. La dimension flexibilité reste pré- sente : réduire les émissions, c’est augmenter les possibilités de choix du niveau futur

11Kolstad (1996) également.

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du stock de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère. Réduire les émissions aujourd’hui c’est s’offrir à la fois de la flexibilité13 et de la précaution.

Si la perspective d’information réduit les émissions courantes, l’effet irréversibi- lité est vérifié (la décision est moins irréversible) et la décision est également plus précautionneuse.

Dans le chapitre suivant, nous proposerons une caractérisation formelle de la précaution de façon à la distinguer de la flexibilité. On peut très bien imaginer en effet que flexibilité et précaution soient antinomyques.

Gollier et alii étudient pour commencer le problème de décision sans la contrainte d’irréversibilité : ils mesurent ainsi uniquement l’effet de l’information sur les déci- sions courantes. Les auteurs identifient deux effets qui vont dans un sens opposé : - un effet richesse : l’anticipation d’une meilleure connaissance future du risque fait qu’on se préoccupe moins de l’avenir, on peut donc augmenter la consommation présente.

- un effet accumulation : une meilleure structure d’information, implique des révi- sions plus fortes des croyances et donc une augmentation du risque ex ante.

Une première série de résultats montrent qu’il existe une “ambiguïté” sur le rôle de l’information sur le niveau des émissions même sans présence d’irréversibilité. Cette analyse isole donc pour commencer l’effet de l’information sans qu’il y ait de quelconque irréversibilité. Pour conclure sur l’influence d’une meilleure struc- ture d’information sur la décision optimale (réduction des émissions) , il faut une condition suffisante : il doit s’agir d’un petit risque -la condition que ˜z soit un petit risque ne correspond pas au problème qui est étudié, à savoir celui du réchauffement planétaire- ou d’un “two-atom support” risque ou d’une fonction HARA14. A cette

condition suffisante, il y a une autre condition qui elle est nécessaire et suffisante : l’indice de prudence doit être deux fois supérieur à l’indice d’aversion absolue pour

13i.e. c’est une décision moins irréversible 14HARA (Hyperbolic Absolute Risk Aversion)

le risque15. Le résultat ne peut être prouvé dans un cadre général. L’étape suivante

consiste à introduire la contrainte d’irréversibilité. Avec la contrainte d’irréversi- bilité, on retombe exactement dans l’étude de l’effet irréversibilité. Les conditions suffisantes pour que cet effet soit vérifié sont les deux conditions précédentes (i.e. la condition qui est suffisante et la condition qui est nécessaire et suffisante dans le cas sans contrainte d’irréversibilité).

Le modèle d’Ulph-Ulph (1997)

Comme nous l’avons déjà mentionné, ce modèle étudie également le problème du choix des émissions optimales de gaz à effet de serre. Ulph et Ulph montrent que l’on ne peut utiliser les conditions suffisantes données par Epstein pour conclure sur l’impact d’une meilleure structure d’information sur le niveau courant des émissions d’énergie. Ils construisent alors leurs propres conditions suffisantes que l’on ne peut comparer par rapport à celles énoncées par Epstein. Pour ce modèle de réchauffe- ment climatique, Ulph et Ulph posent comme fonction d’utilité intertemporelle : U (x1, x2, zi) = V (x1) + ρ[W (x2)− ziD(δx1+ x2)]

où : ρ représente le facteur d’escompte, V (.) (resp.W (.)) l’utilité procurée par la consommation d’énergie en première période (resp.en deuxième période) et D(.) la fonction de dommage, zi est l’incertitude, elle porte sur l’intensité du dommage. Ils

posent z1 ≤ ... ≤ zn.On note z l’espérance de l’intensité du dommage16. Ils étudient

2 structures d’information : l’absence d’information (AI) et l’information parfaite (IP ).

Théorème :

x2(AI, z) = 0 =⇒ x1(AI)≥ x1(IP )

Si la contrainte est saturée dans le cas où il n’y a pas d’information, alors la pers-

15Epstein (1980) étudie un exemple de consommation-épargne avec une fonction CRRA (aversion relative pour le risque constante). Il identifie deux effets : un effet revenu et un effet substitution induits par une structure d’information plus fine. La validité de l’effet irréversibilité dépend de la valeur du coefficient d’aversion relative pour le risque.

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pective d’information va réduire le niveau des émissions (l’effet irréversibilité est vérifié).

Corollaire :

x2(AI, z1) = 0 =⇒ x1(AI) = x1(IP )

Si la contrainte est saturée dans tous les états du monde, alors la décision courante d’émission de gaz à effet de serre est identique qu’il y ait apprentissage ou pas. Cette condition suffisante n’est ni plus ni moins générale que la condition suffisante donnée par Epstein.

Dans ce modèle également, réduire les émissions aujourd’hui c’est s’offrir à la fois de la flexibilité et de la précaution17.

3.2.2 Le cas du traitement des déchets nucléaires (Immordino, 1999) Immordino s’intéresse au problème du stockage des déchets nucléaires. Habituel- lement, la technologie adoptée consiste à traiter ces déchets et à les stocker sur un site non permanent. Une alternative serait de stocker ces déchets une fois pour toute à des profondeurs très importantes. Cette alternative est plus irréversible, dans le sens où récupérer ces déchets serait impossible (en cas de fuites...). L’incertitude concerne la découverte ou non de nouveaux processus pour traiter et recycler ces déchets.

Nous ne présenterons pas en détail cet article, puisque les problèmes qui se posent sont de même nature que dans les modèles précédents.

Ainsi, à une structure d’information plus fine sera associé un plus petit niveau d’in- vestissement optimal dans la technologie réversible si Jβ(β, π) est convexe en π.

Pour les fonctions d’utilité de type CARA, Jβ(β, π) est convexe en π. Donc, pour

ces fonctions d’utilité, l’effet irréversibilité n’est pas vérifié. Pour une fonction du type v(z) = ln(z), l’effet d’une meilleure structure d’information sur la décision initiale est ambigu.