comme on
lesportaitjadis enPologne.«
Ah!
ça, quelle diable deplaisan-—
lo-terieest-ce
donc
là"? m'écriai-je en re-tenantle postillon.—
Jene
puis savoir, Osip Evgué-oîtch: c'est lemaître de postequim'a
remislui-même
lepaquetàTachagne,
enme
disantque
c'était lapelisseper-due
parnotre père, et en recomman-dant de porter à notre père ses sou-haits debonne
santé.—
Mais, imbécile, ce n'est pas lamienne
!—
Je ne puis savoir, Osip Evgué-nitch. iJerenvoyai le rustre, sachant qu'a-près ces
mots
sacramentels il n'y a plus rien à tirer d'unpaysan
russe;etjetant avec dépit le
vêtement
étran-ger sur le divan,au coin demon
bu-reau, je m'allaicoucher en rêvant aux—
17—
bizarrestransmutations
que
subissaient lesmanteaux
en Ukraine : il fallait croireque
toutesles fourruresdu
dis-trict s'étaientdonné
rendez-vous la nuitpassée sousle pont de Tachagne.Le
lendemain,jem'éveillaiforttard;un
radieuxsoleildeseptembre
emplis-saitde son sourire d'ormon
vieux ca-binet aumeuble
de perse fanée.Le
premier objet qui frappames
regards fut la polonaise, étalée sur le divan.De
légères bouffées de brise, soufflant de la fenêtre ouverte, faisaient courir des frissonssurlamignonne
fourrure.Dans
l'éclatantelumière, les zibelines tremblaient avec des reflets châtain
-dorés,
comme ceux
quise jouent sur quelques têtesdu
Titien; et sur le velours bleu, le caprice des rayons3
—
18—
promenait des moires changeantes.
tantôtravivées d'azur, tantôt
mourant
dans l'ombre; lesdeux
tons sema-riaient avec
une harmonie
à défier la palettedu
plus riche coloriste. Machi-nalement, jepromenai
lamain
sur ce duvet soyeux, tout brûlantaux
feux de midi; de petites étincelles frémi-rent le long demes
doigts,comme
lorsqu'on caresse le dos d*un jeune chat,
endormi
dans les cendresdu
foyer.De
l'étoffe chiffonnée, montaitun parfum
discret et capiteux: j"ai très vive lamémoire
desparfums:
pourtant je
ne me
rappelaisaucune
sensation analogue, si ce n'est peut-être l'odeur faible et énervante quitombe
de nostilleuls d'Ukraine,quand
ils fleurissent en juin tout autour de
—
19—
la maison. Enfin cette jolie petite
ma-chine respiraitune
grâce secrète,une
malice provocante: je m'attardais à jouer avec elle, à la draper dans la clartépour
luidonner
tout son relief,quand
j'aperçusle Salvolinigrand
ou-vert surmon
bureau, m'attendant.J*eus hontede
mon
enfantillage, etjeme
plongeai dansma
chèrelecture. Je dois dire qu'ellem'absorbamoins que
d'habitude.Le
jardin qui s'étendait sousma
fenêtre, paré des dernières coquetteries de l'automne, attiraitsouvent
mes
regards; ils retombaient invariablement sur les zibelines qui souriaient près de moi.Ivanentra,apportant
mon
déjeuner, et fit le geste deprendre
l'inconnuepour
l'allerranger. Lesmains
demon
—
20—
valet de
chambre
portaient la trace, d'une lutte consciencieuse contre lapoussière
accumulée
parlesmoisd'été surle mobilier deBukova. En
voyant cette grossemain
noire prendre bru-talement au collet le délicat velours bleu, j'éprouvai jene
saisquelle sen-sation d'agacement.5 Finis donc ton ouvrage, Ivan, et ne va pas salir cettechose quine nous appartient pas; c'est bon, tu la ran-geras plus tard. »
Le
soir, Ivan revint à la rescousse.J'avais tracé le plan
du premier
cha-pitre demon mémoire,
et j'arpentaismon
cabinet de ce pas irrégulier et distrait, si favorable autravaildu
cer-veau.Chaque
foisque
jeme
rappro-chaisdu
bureau,mes yeux
rencon-—
21—
traient lapolonaise; elle était
couchée
sur le divan, danslapénombre
de la lampe, avec ces attitudes fantastiques etvivantesqu'ont lesoirlesvêtements longtemps portés. Parfois ilme
sem-blait qu'elle remuait, se redressait;
elle avait des poses caressantes et le
passage d'une lumière allumait les refletschâtain-dorésavecplusde
mou-vement
etdevieque
lematin,comme
si les boucles folles d'une tête véni-tienne eussent
apparu
dans les fonds obscurs dema
grande glace.— De
nouveau, je renvoyaibrusquement
Ivan à tous les diables.Le
pauvrehomme me
regarda d'un air étonné et s'éloigna avecune
soumission res-pectueuse, dernier legsdu
servage chez nos braves serviteurs.Le
jour suivant. j"inventaiquelques-uns
de ces sophismes ingénieuxque
nosmoindres
caprices savent si vite trouver, pour persuader à Ivan qu'il fallait laisser l'étrangère à sa place, jusqu'aumoment
prochain qu'on vien-drait nous la réclamer.En
réalité, je n'aimais pas àme
figurercemoment.
Il
me
semblaitque
la polonaise avait toujours été là; elle était entrée de plain-pied dansmon atmosphère
in-time, dans ce milieu de choses fami-lières et indispensables auxquelles le vieux garçon,— même
s'il n'est pas très vieux,—
ne souffreaucun
chan-gement. Parmi mes meubles
passés, dansma
sévèrechambre
de travail, c'était la seule note jeune et gaie, la seule touche lumineuse.Avec
sesas-pects semi-vivants