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Vérification de deux hypothèses secondaires par le biais de typologies

Chapitre 1. Migrations internationales et littérature scientifique

2.3. Vérification de deux hypothèses secondaires par le biais de typologies

2.3.1. Typologie en fonction des tendances migratoires de 1995 à 2001

Notre objectif avec cette première typologie est de vérifier l’hypothèse secondaire d’après laquelle les changements de politiques d’immigration seraient corrélés avec l’évolution quantitative des flux migratoires. Les données choisies nous permettent de percevoir une tendance à la hausse, à la baisse ou à la stabilisation des entrées de population étrangère pour les sept années étudiées. Il est à noter que selon les cas, les statistiques étaient parfois indisponibles pour certaines années. Les pays ayant jusqu’à trois années de données manquantes ont néanmoins été classifiés puisque la majeure partie de la période de sept ans pouvait quand même être analysée. Les pays pour lesquels plus de trois ans de statistiques étaient indisponibles n’ont pas été pris en compte ; c’est notamment le cas pour la Grèce, l’Islande et la Turquie.

Avec pour point de départ le Tableau II (page 34) et les données extraites de OECD.stat, nous sommes arrivés à la classification suivante :

33 “As borders are secured, so those individuals who have a claim to cross borders to seek protection become the victims of border-related anti-terrorism measures” (Guild 2003, 332).

« INSÉRER ANNEXE V (page xlii) ICI »

Une conclusion s’impose à première vue : indépendamment de la magnitude des mouvements de population répertoriés de 1995 à 2001, la quasi-totalité des vingt- cinq membres de l’OCDE considérés a effectué des changements de politiques d’immigration et d’asile. Les deux exceptions à cette règle sont le Luxembourg (pour les types « immigrants » et « réfugiés et demandeurs d’asile ») et le Mexique (pour le type « réfugiés et demandeurs d’asile »). Il est également notable qu’aucun pays n’a effectué de « changements mineurs » de ses politiques. Lorsque des changements ont été opérés, ils étaient soit « importants », soit « majeurs ».

L’entrée en jeu de la première variable indépendante, soit les tendances migratoires de 1995 à 2001, a eu une incidence négligeable sur la distribution des pays dans notre classification. Si nous pouvons observer qu’une majorité des États a connu une hausse des entrées de population étrangère, nous ne pouvons isoler ce facteur comme une cause des changements « importants » et « majeurs » dans les politiques d’immigration et d’asile. En effet, ces changements sont également observables dans des pays ayant connu une stagnation ou même une baisse de leurs entrées de population de 1995 à 2001. Ainsi la Nouvelle-Zélande, pourtant le seul pays où ces données ont stagné, a fait des changements « importants » et « majeurs » de politiques en ce qui concerne respectivement les réfugiés et demandeurs d’asile et les immigrants. Quant à l’Allemagne et la République slovaque, malgré une diminution de leurs entrées de population, elles ont opéré des changements « majeurs » de politiques d’immigration visant les deux catégories de migrants. Le Danemark et le Mexique constituent, par ailleurs, deux cas atypiques. Le premier a fait des changements « importants » pour les

immigrants et « majeurs » pour les réfugiés et demandeurs d’asile alors que

le deuxième, s’il n’a effectué aucun changement concernant les réfugiés, a cependant fait des changements « majeurs » en ce qui concerne les immigrants. Force nous est donc de constater que l’évolution des mouvements de population entre 1995 et 2001 n’explique pas les changements de politiques à l’étude. Geddes et Guiraudon identifient les flux d’immigrants et de demandeurs d’asile comme les moteurs de changement en matière d’immigration34. Toutefois, les données dont nous disposons nous mènent à la conclusion qu’il n’y a pas de corrélation significative entre tendances migratoires de 1995 et 2001 et changements de politiques d’immigration et d’asile.

2.3.2. Typologie en fonction des effectifs de population étrangère sur

le territoire national

Notre objectif est cette fois de vérifier l’hypothèse secondaire selon laquelle les changements de politiques d’immigration seraient corrélés avec l’évolution quantitative des flux migratoires. Pour cette seconde typologie, nous avons établi quatre catégories différentes de pays en fonction du pourcentage de ressortissants étrangers dans la population totale. Nous les avons délimitées comme suit :

• Catégorie 1 : pays comptant 0 à 2,99 % de ressortissants étrangers dans leur population totale ;

34 “In immigration, the pressures for change came from the increasing flow of immigrants and asylum-seekers looking for jobs and safe havens in member states with often quite different regimes as well as from EU attempts to work out a common immigration policy (Geddes and Guiraudon, in this volume)” (Schmidt et Radaelli 2004, 186).

• Catégorie 2 : pays comptant 3 à 5,99 % de ressortissants étrangers dans leur population totale ;

• Catégorie 3 : pays comptant 6 à 8,99 % de ressortissants étrangers dans leur population totale ;

• Catégorie 4 : pays comptant au moins 9 % de ressortissants étrangers dans leur population totale.

Comme ce fut le cas précédemment, l’indisponibilité des données nous a contraints à exclure de notre analyse trois pays : l’Islande, la Turquie et la Nouvelle-Zélande.

Toujours avec pour point de départ le Tableau II (page 34) et les données extraites des recensements de 2000, nous avons pu faire la classification suivante :

« INSÉRER ANNEXE VI (page xlv) ICI »

À l’instar des tendances migratoires, les effectifs de population étrangère sur le territoire national semblent n’exercer qu’une influence minime sur la distribution des pays dans cette seconde typologie. Il est vrai que contrairement à ce que nous avions pu observer avec la première typologie, la distribution des pays est plus homogène entre les différentes catégories, à l’exception de la quatrième – celle des pays comptant « 9 % et plus » d’étrangers. Malgré tout, nous ne pouvons affirmer que cette variable explique les changements de politiques d’immigration et d’asile, dans la mesure où l’importance des effectifs de population étrangère ne semble pas avoir une incidence significative sur l’ampleur des changements de politiques. Les données recueillies ne permettent pas de conclure à une corrélation quelconque, positive ou négative, entre l’importance du changement des politiques d’immigration et d’asile et l’importance de l’effectif de population étrangère. Au

contraire, nous observons qu’autant les pays comptant moins de 3 % de population qu’étrangère que ceux comptant de 6 à 9 % d’étrangers ont effectué des changements « importants » ou « majeurs » de leurs politiques d’immigration. Fait encore plus éloquent, le Luxembourg, soit le pays qui a de loin l’effectif de population étrangère le plus élevé (36,92 %), est le seul qui n’ait fait aucun changement de politiques concernant les immigrants et les réfugiés et demandeurs d’asile. Ces changements « importants » et « majeurs » de politiques d’immigration qui ne suivent visiblement pas les effectifs de population étrangère nous permettent d’affirmer que cette seconde variable indépendante s’avère également inutile lorsqu’il s’agit d’expliquer les changements de politiques d’immigration.

2.3.3. Quelles conclusions tirer de ces deux typologies ?

Comme nous l’avons montré précédemment, le recours aux effectifs de population étrangère et aux entrées de population étrangère n’a pas été concluant pour expliquer les changements des politiques d’immigration et d’asile. Le Tableau II (page 34), à savoir la grille classificatoire ne tenant compte que de la variable dépendante, l’annonçait déjà avec une surreprésentation des changements « importants » et « majeurs » dans les pays membres de l’OCDE. L’introduction des variables indépendantes a permis de désolidariser les groupes de pays à l’étude sans pourtant s’avérer utile pour les besoins de notre analyse. Ceci nous permet d’affirmer que les changements de politiques d’immigration sont imputables à des facteurs autres que les flux et les effectifs de population étrangère. Dans le contexte général de ce mémoire, cela signifie donc que la possibilité que les changements des lois sur l’immigration et l’asile dans les pays

membres de l’OCDE soient le simple résultat de l’évolution quantitative et qualitative des flux migratoires et que les événements de 2001 ne soient pas à leur origine est à écarter. Étant donné que la prise en compte de facteurs externes, à savoir l’évolution quantitative et qualitative des flux migratoires, ne s’est pas avérée concluante pour expliquer les changements législatifs étudiés, nous nous tournons vers la deuxième hypothèse. Selon cette dernière, les changements des politiques d’immigration et d’asile surviendraient suite à une « connexion sécurité- migration ». Pour vérifier l’existence de cette connexion, nous procédons à une étude comparative de six différents cas, choisis à la lumière des changements de lois sur l’immigration et l’asile constatés mais surtout de leur historique de menaces sécuritaires telles que les attaques terroristes d’importance.