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L'utilité publique comme instrument de la politique du logement

A. LaLGL

La LGL vise la construction de logements d'utilité publique (art. 15, al. 1 LGL), soit de logements avec une bonne qualité d'habitat et des loyers aussi bas que possibles 65 soit des immeubles d'habitation bon

64 Tel que modifié par l'arrêté du Conseil d'Etat du 21 juin 2006 relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, in: FAO du 30 juin 2006.

65 ATF du l" septembre 2000 (1P.664/1999), c. 11 b).

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marché (HBM), des immeubles d'habitation à loyers modérés (HLM) ou encore des immeubles d'habitation mixte (HM), comprenant des lo-gements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention (art. 16, al. 1 LGL) 66 Cette dernière catégorie HM est constituée d'immeubles comprenant 60% au mini-mum de logements occupés par des personnes pouvant prétendre à la subvention personnalisée au logement, laquelle varie en fonction d'une augmentation ou d'une diminution du revenu du locataire; le revenu de ces personnes doit donc correspondre aux limites de revenus fixées à l'article 30 LGL. Le 40% des logements restant peut être occupé par des personnes, dont le revenu leur permet d'occuper des logements en loyers dits libres, mais contrôlés cependant par l'autorité compétente pendant une période initiale de dix ans après leur construction. Bien entendu, ces locataires ne bénéficieront pas d'une subvention personnalisée vu le niveau élevé de leur revenu.

Pour répondre à la qualification d'utilité publique, un immeuble doit notamment comprendre essentiellement des logements dont les loyers soient compatibles avec cette destination, comporter un équipement confortable et répondre par leur conception et leurs caractéristiques aux besoins de la population, ainsi qu'être construits conformément aux règles de l'art et avec des matériaux de bonne qualité.

L'appartenance à la catégorie d'utilité publique a pour conséquence que l'accès aux logements est réservé aux personnes ayant un niveau de re-venu correspondant au type de logement. Selon l'article 30, alinéa 1 LGL, les logements HBM et HLM sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n'excède pas le barème d'entrée" et dont le revenu, en cours de bail, n'excède pas le barème de sortie". Dans les immeubles HM, les 60% au moins des logements sont destinés, lors de la première location, à des locataires pouvant bénéficier d'une subven-tion personnalisée au sens de l'article 30A LGL.

66 Voir, par exemple, l'A TF du 24 novembre 2008 (1C_30/2008), c. 3.2.

67 Le barème d'entrée s'obtient en divisant le loyer effectif du logement l'exclusion des frais de chauffage et d'eau chaude et du loyer du garage) par le taux d'effort fixé à l'art. 30, al. 3 LGL. Il est normalement de 18% pour l'occupation d'un logement d'une pièce de plus que le nombre de personnes (art. 30, al. 2 LGL).

6R Le barème de sortie correspond au barème d'entrée multiplié par 1,75 (art. 30, al. 5 LGL).

Pour remédier à la pénurie de logements, l'Etat et les communes inté-ressées peuvent acquérir par l'exercice de leur droit légal de préemption prévu par l'article 3 LGL 69 ou par voie d'expropriation les terrains qui leur sont nécessaires à la construction d'ensembles de logements d'utilité publique s'ils ne disposent pas eux-mêmes des terrains adéquats néces-saires à la réalisation du projet conformément au plan d'aménagement localisé applicable et si le propriétaire ne construit pas lui-même des logements d'utilité publique dans un délai de cinq ans à partir de l'adop-tion de ce plan (art. 7 et 8 LGL).

Les terrains ainsi acquis doivent servir obligatoirement à la construction de logements d'utilité publique, soit par la commune elle-même, soit par la concession d'un droit de superficie à une entité apte à construire de tels logements (art. 9 LGL).

B. La loi pour la construction de logements d'utilité publique du 24 mai 2007 (LUP) "'

L'origine de cette loi est le constat par le Conseil d'Etat et le Grand conseil d'un échec des mesures prises pour enrayer la crise du logement".

Selon le rapport du Conseil d'Etat, Genève a connu le plus bas taux de vacance en 2006 avec 0.15% et ce niveau était le plus bas de Suisse".

Parallèlement, le nombre de logements subventionnés n'a cessé de di-minuer, passant de 14% du parc locatif en 1994 à moins de 10% en 200773Pendant cette période, la règle appliquée par les autorités can-tonales imposant la réalisation de 2h de logements d'utilité publique pour 1h de logements libres dans les zones de développement n'a pas en-rayé la chute. Au contraire, elle est apparue comme freinant l'initiative privée''. De plus, le subventionnement des logements d'utilité publique

69 Voir, sur cette question, TANQUEREL dans le présent ouvrage.

70 RS/GE I 4 06. Cette loi a été modifiée par la loi 10460 du 14 mai 2009, qui doit faire l'objet d'un vote populaire le 27 septembre 2009. Cette modification a no-tamment pour objet d'augmenter l'objectif quantitatif de LUP à 20% et de prévoir un montant annuel pour les LUP de 35 millions de francs.

71 PL 10008.

n PL 10008, pp. 7-8.

73 PL 10008, p. 9.

74 PL 10008, pp. 8-9.

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selon le régime fixé par la LGL coûte cher et les paiements interviennent à «fonds perdus», car le caractère «subventionné» reste provisoire en raison de la sortie progressive dn contrôle des logements après 20 on 25 selon le type de subvention.

En réponse à cet état de fait, le législatenr a fait le choix de créer dans les dix ans suivant l'entrée en vigueur de la loi un parc de logements so-ciaux pérennes représentant 15% du nombre total de logements locatifs (art. 1, al. 1 LUP).

Ponr atteindre cet objectif, la LUP définit un logement d'utilité publique s'il remplit deux conditions cumulatives (art. 1, al. 2 LUP). D'une part, un taux d'effort et un taux d'occupation sont appliqués. D'autre part, il est détenu par l'Etat, une fondation de droit public, une commune, un organisme sans but lucratif ou par toute autre entité si celle-ci s'engage contractuellement à cette fin, ponr 50 ans au moins, avec l'Etat de Ge-nève (art. 1, al. 2 & 3 LUP). Il peut ainsi s'agir d'un logement neuf ou d'un logement se trouvant dans un immeuble d'habitation acquis par l'Etat ponr être affecté à l'utilité publique.

La création de logements d'utilité publique ou « LUP >> peut intervenir par la construction de nouveaux logements par des entités publiques.

Les premiers LUP ont été inaugnrés à Carouge dans le secteur de la Tambourine en 2008 75Les LUP peuvent également résulter de l'inté-gration à cette catégories d'immeubles existants ou acquis par une entité pub! ique 76

Elle peut également être le fruit de la création de nouveaux logements dans le cadre de projets de construction en zones de développement.

Le Grand Conseil a adopté en même temps que la LUP, un nouvel ar-ticle 4A LGZD fixant des proportions de logements d'utilité publique

75 Communiqué de presse du Conseil d'Etat du 9 septembre 2009. Les documents sont accessibles à l'adresse: www.geneve.ch/dcti/presse/2008-09-09 _conf. pd(

(état du lien au 15 septembre 2009).

76 Au 31 décembre 2008, l'Etat a intégré au programme LUP 5732 logements sub-ventionnés existants de catégorie HBM et des fondations de droit public ont acquis plus de 1000 logements existants pour les intégrer aux LUP (Rapport d'activité sur la mise en œuvre de la loi LUP 2007-2008, accessible à l'adresse www.geneve.

chllogementlpdf!LUP-rapport-activites-2008.pdf (état du lien au 15 septembre 2009)).

dans les différents cas de déclassements en fonction de la nature ou de la localisation de la zone primaire, ainsi que de la date du déclassement.

Dans les périmètres sis en zone de développement et dont la zone pri-maire est la zone villa, celui qui réalise des logements a le choix entre construire 30% du programme en logement HM (habitations mixtes) ou en coopérative d'habitation ou céder à titre onéreux 25% du péri-mètre à l'Etat, à une commune ou à un autre organisme sans but lucratif pour y bâtir des LUP. Dans ce dernier cas, le prix de cession doit être admis par l'Etat dans les plans financiers (art. 4A, al. 1 LGZD).

Dans les périmètres déclassés en zone de développement après le 1" jan-vier 2007 et dont la zone primaire est la zone villa, celui qui réalise des logements a le choix entre construire 15% du programme en logements HM ou en coopérative d'habitation et céder 15% du périmètre à l'Etat, à une commune ou à une autre organisation sans but lucratif pour y bâtir des LUP ou céder à titre onéreux 25% du périmètre à l'Etat, à une commune ou à un autre organisme sans but lucratif pour y bâtir des LUP (art. 4A, al. 2 LGZD).

Dans les périmètres sis en zone de développement et dont la zone pri-maire est la zone agricole, ainsi que dans le périmètre des communaux d'Ambilly (commune de Thônex), il est réalisé au moins 25% du pro-gramme d'utilité publique et au moins 25% du propro-gramme en logements HM, HLM (habitation à loyer modéré) ou en coopérative d'habitation.

De plus, celui qui réalise des logements dans un tel périmètre peut être contraint de céder à titre onéreux à l'Etat, à une commune ou à un autre organisme sans but lucratif, 25% du périmètre pour la construction de logements d'utilité publique (art. 4A, al. 3 LGZD).

L'article 4A, alinéa 1 LGZD ne prévoit une cession que si le propriétaire ne construit pas lui-même des logements soumis au régime HM ou en coopérative en quantité suffisante. Dans ce cas, il n'y pas un véritable ré-gime d'acquisition forcée. Le propriétaire est mis face à une alternative.

Toutefois, si le propriétaire n'entend pas réaliser lui-même les logements d'utilité publique prévus, il n'a aucune marge de manœuvre, il doit céder son terrain à une des entités visée par le projet.

La situation est légèrement différente, avec une gradation progres-sive, dans les deux hypothèses visées aux alinéas 2 et 3 de l'article 4A

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LGZD. Dans ces cas, le projet prévoit en toute hypothèse une obligation de cession à charge du propriétaire.

Dans les trois hypothèses, il n'y pas de déclaration d'utilité publique au sens de l'article 3 LEx/GE dans l'article 4A LGZD. L'utilisation de ces termes pour qualifier les logements devant être construits ne vaut pas déclaration d'utilité publique des travaux ou de l'opération d'amé-nagement du secteur. Le fait que les logements soient d'utilité publique ne crée pas automatiquement l'utilité publique requise par le droit de l'expropriation. Cette situation confirme que chaque utilité publique est différente. Elle correspond à un intérêt public particulier qui est distinct pour chacune des législations concernées.

Compte tenu de ces éléments, les cessions prévues par l'article 4A LGZD, ne constituent pas à proprement dit une expropriation formelle. En revanche, par leurs effets, les cessions équivalent à une expropriation dans la mesure où elles permettent à l'Etat d'acquérir la propriété d'meubles sans que le propriétaire ait le choix de vendre ou non ces im-meubles. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger que le droit de préemption légal de l'Etat dans les zones de développement équivaut, par ses effets, à une expropriation 77

Le droit de préemption légal est une mesure moins restrictive que les cessions prévues par le projet d'article 4A LGZD. En effet, si le droit de préemption vaut pour toutes les parcelles sises en zone de dévelop-pement, il n'est exercé par l'Etat ou la commune concernée que si cet exercice permet de réaliser au moins à moyen terme des logements d'uti-lité publique. L'autorité doit tenir compte de la situation et des caracté-ristiques particulières du terrain concerné et de ses environs. Elle doit ensuite faire un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements à l'emplacement considéré en fonction de tous les facteurs propres à influencer le développement du secteur. Une transaction im-mobilière peut donc intervenir sans que l'Etat ou la Commune ne fasse valoir son droit. Dans le cas des cessions prévues par l'article 4A LGZD, cette marge de manœuvre n'existe pas: la réglementation impose la ces-sion en toute hypothèse dès qu'il y a un projet concret de construction.

Cette disposition prévoit à l'avance l'objectif quantitatif de logements

n ATF 114/1988 la 14, 19, G.; ATF 88119621248,258, Dafflon.

d'utilité publique et les moyens de l'atteindre. Cette disposition équivaut par ses effets à une expropriation.

Ce mécanisme de cession obligatoire constitue toutefois une restriction admissible à la garantie de la propriété. Il se fonde sur une base légale formelle. Il poursuit un but de politique de logement qui est un intérêt public pertinent. Il respecte le principe de la proportionnalité dès lors que les propriétaires concernés bénéficient d'une contrepartie à la ces-sion en pouvant construire des logements libres et que des dérogations sont prévues. Il ne porte pas plus atteinte à l'essence de la liberté.

L'acquisition, la construction et l'exploitation de logements d'utilité pu-blique sont soumis à l'approbation d'un plan financier et d'un état loca-tif par l'autorité compétente (art. 2, al. 1 LUP). De plus, les logements d'utilité publique réalisés au bénéfice de la présente loi sont, en prin-cipe, soumis à un contrôle permanent des loyers par l'Etat conformé-ment aux dispositions de la LGL applicables par analogie (art. 2, al. 2

&4LUP).

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