• Aucun résultat trouvé

1. Introduction

1.9. La non-atteinte des cibles recommandées

1.9.1. La sous-utilisation des statines

Malgré les recommandations claires, des données probantes suggèrent une utilisation sous- optimale des hypolipidémiants chez les Canadiens. En effet, l’étude « Dyslipidemia international study » (DYSIS) est une étude épidémiologique internationale, multicentrique incluants 2 436 patients canadiens(118). L’objectif était d’évaluer la prévalence et les types d’anomalies lipidiques persistantes chez les patients sous traitement de statine. Parmi les sujets canadiens, 80% étaient dans la catégorie dite à haut risque cardiovasculaire. Les patients étaient traités avec une statine depuis au moins 3 mois. Le taux médian de cholestérol-LDL était de 2 mmol/L et le ratio médian entre le cholestérol total et le cholestérol-HDL de 3,4 mmol/L. Lorsque cette étude était en cours en 2008, la Société canadienne de cardiologie (2006), recommandait une cible de cholestérol-LDL ≤ 2 mmol/L et d’un ratio de cholestérol total sur cholestérol-HDL < 4. Trente-sept pourcent des patients n’atteignaient pas les cibles recommandées dont 45% des patients à haut risque. Les patients étaient traités majoritairement avec les statines les plus puissantes, c’est-à-dire l’atorvastatine dans 50% des cas et la rosuvastatine dans 37% des cas. La majorité des patients ont cependant reçu des doses faibles ou moyennes de ces mêmes statines : les doses moyennes utilisées étaient l’atorvastatine 20 mg, la rosuvastatine 10 mg et la simvastatine 40 mg. L’analyse multivariée a conclu que les facteurs indépendants associés à un échec à l’atteinte des cibles thérapeutique sont le sexe féminin et un mode de vie sédentaire. À l’inverse, l’âge avancé, le diabète et la présence de maladie coronarienne prédisaient l’atteinte de ces cibles thérapeutiques. Cette étude limitée par sa nature observationnelle suggère qu’il est nécessaire de traiter plus intensément la dyslipidémie des patients et surtout ceux à haut risque de maladie cardiovasculaire pour réduire l’écart entre la médecine probante et la pratique canadienne.

34

1.9.1.1. Effets secondaires des statines

Les statines sont des médicaments efficaces et sécuritaires et généralement bien tolérées. Les effets secondaires sont possiblement moins fréquents par rapport aux autres agents hypolipémiants(119). Les effets indésirables principaux sont l’intolérance à la statine, la dysfonction hépatique et la myopathie. Les statines lipophiliques (simvastatine, lovastatine, atorvastatine, fluvastatine) peuvent provoquer plus fréquemment des effets secondaires que les statines hydrophiliques (pravastatine et rosuvastatine)(120,121). Il a été suggéré que la fluvastatine est l’agent provoquant le moins fréquemment de myopathie(121). L’intolérance à la statine entraine dans bien des cas la discontinuation de la thérapie. L’expérience clinique suggère cependant que la prévalence de la myopathie induite par les statines serait plus élevée que celle rapportée par les études randomisées(119). Cette différence pourrait possiblement s’expliquer par l’absence de critère précis(122,123) pour définir la myopathie, de biais de sélection et finalement, de la limitation quant à la validation externe des études randomisées(124). Des études observationnelles ont effectivement observé que l’arrêt de la statine est fréquent en raison de myalgie ou de myopathie mais que la même statine à une dose moins élevée ou que la prise d’une autre statine est dans bien des cas bien tolérée(119). Une étude de cohorte rétrospective a documenté la prévalence de l’arrêt de la prise de la statine en raison d’effets secondaires chez 57 292 patients(125). Des effets secondaires ont été documentés chez 18 778 patients (17,4%). Parmi ceux-ci, 11 124 patients ont cessé, du moins temporairement leur statine et 6579 patients ont repris un traitement, avec une statine différente ou la même statine avec un dosage moins élevé. Après 1 an de la reprise d’un traitement de statine différent, 92,2% des patients toléraient bien ce changement de médication.

1.9.1.2. La dysfonction hépatique

L’association américaine de cardiologie a observé qu’une élévation des transaminases hépatiques causée par la prise de statine est généralement peu fréquente(29,102). Cette perturbation du bilan hépatique est dose dépendante et peut survenir lorsque le patient est

35

exposé à une dose élevée de statine. Une méta-analyse des études randomisées comparant un traitement utilisant une haute dose de statine par rapport à un traitement moins intensif a démontré qu’un arrêt de la médication en raison d’effets secondaires survenait plus souvent dans le groupe au traitement intensif (7,7% dans le groupe intensif vs. 5,1% dans le groupe traité avec une dose modérée, p<0,0001) tandis que l’arrêt de la médication ne différaient pas selon les groupes traités par une statine par rapport à un placebo (7,7% vs. 7,8%, respectivement, p=0,78)(122). Une augmentation asymptomatique des transaminases hépatiques rapportée dans cette méta-analyse était observée plus souvent dans le groupe au traitement intensif par rapport au groupe au traitement modéré (p<0,001) ainsi que dans le groupe traité avec une statine par rapport au groupe placebo (1,6% vs. 1,2%, p<0,0001). Cette élévation survient généralement dans les 12 premières semaines de traitement et est réversible après l’arrêt de la médication. Une attention particulière est à considérer chez les patients porteurs d’une maladie hépatique ayant des transaminases augmentées à plus de 3 fois la valeur normale car le risque d’hépatotoxicité est accru(29). Toutefois, une étude randomisée à la pravastatine ou au placebo chez une population de patients porteurs d’une maladie hépatique chronique telles qu’une cirrhose non-alcoolique, une infection à hépatite B, une hémochromatose, une hépatite auto-immune et une cirrhose biliaire primitive, a confirmé la sécurité de la prise de cette statine car aucune augmentation significative des transamisases n’a été observée entre les 2 groupes(126). L’ictère et l’hyperbilirubinémie sont d’autres effets secondaires, rares cependant, de la prise de statines. L’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux et la Société américaine de cardiologie ne recommandent pas de suivi des enzymes hépatiques lors d’un traitement de statine si un bilan hépatique de base était normal(102). À l’inverse, les patients ayant un bilan hépatique perturbé devraient le contrôler régulièrement. Finalement, la présence d’une maladie hépatique active est une contre-indication à l’utilisation de statines(102).

1.9.1.3. La rhabdomyolyse

Les effets d’ordre musculaire sont des problèmes cliniquement fréquents et souvent précipités par l’interaction médicamenteuse entre la statine et une autre médication ou des

36

conditions prédisposantes telles que laprise d’alcool importante, l’âge avancé, l’hypothyroïdie non-traitée et l’insuffisance rénale avancée(102,123). L’incidence d’une myopathie induite par les statines varie selon les études à cause des différences quant à sa définition(123,126). Les symptômes rapportés sont les myalgies persistantes, des crampes ou la faiblesse musculaire. Une revue systématique a constaté que la durée moyenne entre le début du traitement à la statine et la survenue de la myopathie induite est de 9,8 mois et qu’une fois le traitement arrêté, il s’écoule en moyenne 2,3 mois jusqu’à la résolution des symptômes(126). Les valeurs de créatine kinase sérique peuvent s’élever faiblement (moins de 10 fois la valeur normale), ou sévèrement (à plus de 50 fois la valeur normale). La rhabdomyolyse, la complication la plus redoutée, est heureusement rare. Une méta-analyse incluant 14 études randomisées portant sur l’utilisation des statines en prévention primaire et secondaire par rapport à un traitement utilisant un placebo a rapporté un risque absolu de rhabdomyolyse de 0,01% (p=0,40)(123). Ce syndrome résulte de la dégradation de cellules musculaires squelettiques libérant ainsi leur contenu dans la circulation sanguine. L’augmentation sérique de la créatine kinase est accompagnée de myoglobinurie et même d’insuffisance rénale aigue dans les cas sévères. Un contrôle du taux de créatine kinase est recommandé chez les patients à risque. En cas d’augmentation importante, un arrêt de la statine est suggéré en plus d’une hydratation importante et d’un contrôle de la fonction rénale.

1.9.1.4. D’autres effets néfastes

Certaines études ont observé une augmentation de l’incidence de cancer avec la prise d’une statine, ce qui n’a pas été confirmée dans 2 grandes méta-analyses(89,127). Cette observation est probablement due à l’incidence accrue de cancer dans la population plus âgée de ces études. Aussi, une étude a observé une association entre la prise de statine et la présence de cataractes nécessitant une intervention ophtalmologique(128). Finalement, cette méta-analyse de 90 056 patients suggère que les statines, qu’elles soient hydrophiliques ou lipophiliques, augmentent de 9% le risque de diabète chez les patients traités(125). Cela étant dit, les bénéfices des statines sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires excèdent raisonnablement ce risque. Les mécanismes par lesquels les

37

statines induisent le diabète sont actuellement mal compris(129). Plusieurs études ont observé des changements de la sensibilité à l’insuline chez les patients traités avec une statine(130). Des études ultérieures sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse(131).