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Utilisation de sources répétées pour la détection de changements du milieu :

Chapitre IV Suivi temporel du milieu

IV.2 Méthode d’analyse temporelle du milieu par corrélation de bruit

IV.2.1 Utilisation de sources répétées pour la détection de changements du milieu :

On peut mesurer des variations temporelles du milieu en imageant le sous-sol à différentes dates et en comparant les images tomographiques obtenues (imagerie à 4 dimensions). Cependant, cette approche n’est applicable que si les incertitudes sur les images tomographiques sont faibles devant les variations de vitesse cherchées, ce qui n'est souvent pas le cas. Une approche plus prometteuse s'intéresse aux perturbations relatives du sous-sol entre deux dates distinctes, sans forcément connaitre les vitesses sismiques absolues. La première implémentation de ce type d’approche en sismologie

vient du fait que la compréhension exacte de la forme d’onde et la connaissance du modèle de vitesse ne sont pas nécessaires. Cette méthode consiste à identifier des différences entre une forme d’onde « de référence » et une forme d’onde « perturbée » pour remonter aux modifications du sous-sol qui se sont produites dans l’intervalle de temps qui sépare l’acquisition de ces deux signaux.

La coda des séismes se prête particulièrement à l’application de cette méthode du fait de la diffraction multiple des ondes qui la composent. Ces ondes illuminent une vaste zone. La coda est donc sensible aux changements de milieu se produisant dans un large voisinage de la source et du récepteur. La forme théorique de cette zone de sensibilité s’obtient à partir de l’étude statistique des différents trajets empruntés par ces ondes depuis la source jusqu’au récepteur (Pacheco et Snieder, 2005; Larose et al., 2010; Obermann et al., 2013; Planès et al., 2015). Les ondes diffractées empruntent un chemin beaucoup plus long que les ondes directes (figure IV.1.a), de ce fait, une faible perturbation de vitesse distribuée dans une zone étendue entre la source et le récepteur a un impact suffisamment fort sur le temps de trajet de ces ondes pour être détectée.

Cette technique de suivi temporel basée sur des sources ponctuelles répétées, naturelles ou non, a mis en évidence des variations de vitesse co-sismiques et post-sismiques (e.g. Poupinet et al., 1984; Rubinstein et Beroza, 2004; Schaff et Beroza, 2004; Nishimura et al., 2005; Rubinstein et al., 2007) ou associées à des systèmes volcaniques actifs (e.g. Ratdomopurbo et Poupinet, 1995; Wegler et al., 2006). A l’échelle globale, elle a permis d’identifier une rotation différentielle du noyau interne par rapport aux enveloppes externes (Song et Richards, 1996; Zhang et al., 2005). Enfin, à l’échelle du laboratoire, la méthode a été utilisée pour déterminer les variations de vitesse d’ondes acoustiques causées par un changement de température, de pression ou de saturation en fluides (Grêt et al., 2006).

La coda du signal sismique enregistré en deux dates distinctes peut être affectée par : (1) une modification du milieu de propagation (fonction de Green), (2) une modification ou un déplacement de la source du doublet de séismes (fonction source) ou (3) une imprécision de la mesure d’origine instrumentale (fonction réponse instrumentale). J’analyse séparément ces trois points :

(1) Dans le cas d’une modification du milieu de propagation, les effets observés sur le signal dépendent de la nature de la perturbation (figure IV.1). Si la perturbation de vitesse est homogène, l’avance ou le retard accumulé par les ondes de la coda est proportionnel à leur temps de trajet. Le décalage temporel ߜݐ entre les deux enregistrements de coda induit au temps ݐ par une petite perturbation de vitesse relative ߜݒȀݒ s’écrit (Ratdomopurbo et Poupinet, 1995; Snieder, 2006):

Il en résulte que la coda s’étire ou se comprime temporellement selon le signe et l’ampleur de la perturbation de vitesse (figure IV.1.b).

En revanche, dans le cas d’une perturbation plus locale de la vitesse ou d’un petit déplacement de certains points diffractants, seule une partie des trajets reliant la source au récepteur sont affectés. Ce type de perturbation n’affecte pas la vitesse d’ensemble du milieu et on n’observe pas de délai systématique de la coda mais plutôt une perte de la cohérence globale de la forme d’onde (e.g. Snieder, 2006; Larose et al., 2010; Obermann et al., 2013; Planès et al., 2014; figures IV.1.c et IV.1.d). Dans le cas de l’exploitation d’un réservoir géothermique, on recherche d’éventuelles perturbations locales du milieu liées à un changement de pression, de saturation en fluide ou à de la déformation locale. La décohérence des fonctions de corrélation semble être un indicateur privilégié pour le suivi du réservoir.

On peut mesurer l’étirement et la décohérence de la coda des corrélogrammes en corrélant les formes d’onde de référence et perturbée sur une fenêtre glissante (e.g. Poupinet et al., 1984), ou en appliquant une corrélation en étirement (e.g. Sens-Schönfelder et Wegler, 2006).

Figure IV.1 : Représentation schématique des perturbations de la coda causées par un changement du milieu. (a) Schéma représentant la diffraction multiple des ondes dans un milieu diffractant (points noirs). Les traits gris représentent les différents trajets des ondes depuis la source (étoile) vers le récepteur (triangle). Les traits rouge et bleu sont deux trajets possibles des ondes affectant des parties distinctes du signal. (b) Compression temporelle de la coda causée par une diminution homogène de la vitesse, symbolisée par la zone verte. Le décalage temporel est plus important pour le trajet bleu que pour le trajet rouge. (c) Décohérence de la coda causée par une variation locale de la vitesse, la perturbation n’est vue que par certains trajets et n’affecte que certaines parties du signal. (d) Perte de cohérence de la coda causée par un petit déplacement des points diffractants, le point mauve représente la nouvelle position d’un des points diffractants et les traits pointillés correspondent aux nouveaux trajets des ondes.

(2) La coda est également sensible à une modification de la position et/ou des paramètres de rupture de la source. Dans l’hypothèse d’un milieu invariant, la comparaison des formes d’ondes issues de doublets de séismes par CWI permet de déterminer la position relative des séismes et d’identifier des changements des paramètres de la source (Snieder et Vrijlandt, 2005; Snieder, 2006; Robinson et al., 2007a; 2007b; 2013). Dans le cas de fonctions de Green issues de la corrélation du bruit de fond, les sources sismiques sont « virtuelles » et localisées à l’emplacement des stations, elles sont donc invariantes dans le temps. En

revanche, la coda des fonctions de corrélation est sensible à une variation spatio-temporelle de la répartition des sources de bruit (e.g. Weaver et al., 2011; Zhan et al., 2013).

(3) Imprécisions de mesure d’origine instrumentale. Les changements du milieu recherchés par CWI sont généralement très faibles. Par exemple, les variations de vitesse observées suite à un séisme important sont de l’ordre du dixièmes de pourcent (Poupinet et al., 1984; Rubinstein et al., 2007; Brenguier et al., 2008b). Dans ce contexte, les imprécisions de mesures (problèmes de synchronisation temporelle, artéfacts instrumentaux, remplacement de matériel, …) peuvent causer des changements du signal qui gênent l’application de la méthode.