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Chapitre IV Suivi temporel du milieu

IV.2 Méthode d’analyse temporelle du milieu par corrélation de bruit

IV.2.3 Mesure d’une perturbation de la coda

IV.2.3.3 Limites pratiques de la méthode

La fonction de corrélation obtenue pour une paire de capteurs ne dépend que de la différence de temps qui sépare l’arrivée des ondes aux deux capteurs. De ce fait, la synchronisation relative des capteurs est fondamentale. Une erreur de temps affectant un seul des capteurs de la paire de stations se traduit par une translation de la fonction de corrélation (Stehly et al., 2007). Selon la convention d’orientation des paires de stations choisie dans ce travail (figure I.3), une avance relative de l’horloge de la station ouest se traduit par une translation de la fonction de corrélation vers la partie acausale. A l’inverse, la datation absolue des sismogrammes a peu d’influence sur la méthode puisque la fonction de corrélation est parfaitement indépendante du temps origine des sources de bruit.

dérivé de 4 à 5s par rapport au temps absolu. Par contre la synchronisation relative des traces est restée inchangée car toutes les stations du réseau de Soultz-sous-Forêts ont été entachées de la même erreur sur la mesure du temps. Contrairement au réseau de Soultz-sous-Forêts, chaque station du réseau permanent de Rittershoffen et des réseaux temporaires dispose d’un système GPS indépendant pour la synchronisation absolue des sismogrammes. Ces stations n’ont pas été affectées par la panne.

Figure IV.5 : Fonction de corrélation RITT-KUHL des réseaux permanents de Rittershoffen et Soultz-sous-Forêts filtrée au voisinage de 0.2Hz et moyennée sur une fenêtre de temps glissante de largeur 10 jours avançant par pas de 1 jour. Les lignes blanches indiquent la période au cours de laquelle la synchronisation absolue du réseau de Soutlz-sous-forêts a été perdue. L’horloge du réseau de Soultz-sous-Forêts a dérivé jusqu’à atteindre une erreur d’environ 4s.

La figure IV.5 représente l’évolution temporelle de la fonction de corrélation entre la station KUHL (du réseau de Soultz-sous-Forêts, affectée par la panne), et la station RITT (du réseau de Rittershoffen, non affectée par la panne). Les barres blanches verticales délimitent la période du 4 au 21 mai 2014. On observe une translation nette de la fonction de corrélation, conséquence directe de la dérive de l’horloge du réseau de Soultz-sous-Forêts pendant cette période. Les paires de stations qui impliquent 2 stations du réseau de Soultz-sous-Forêts ne présentent aucune translation car la synchronisation relative des traces du réseau de Soultz-sous-Forêts n’a pas été perdue. Elles sont donc exploitables pour l’étude des variations du milieu, tout comme les paires de stations appartenant au réseau de Rittershoffen.

On peut distinguer les effets d’une perturbation de vitesse et d’une erreur sur la mesure du temps en comparant les valeurs d’étirement causales et acausales. Si une variation de vitesse se produit, les parties causales et acausales de la fonction de corrélation sont étirées (ou comprimées) de façon similaire, tandis qu’une erreur de

temps se traduit par une translation de la fonction de corrélation et donc un étirement apparent égal et opposé des parties causales et acausales. La moyenne des mesures d’étirement causales et acausales annule donc les effets d’une erreur de temps et valoriser les effets d’un changement de vitesse du milieu (Stehly et al., 2007). Il est aussi possible de déterminer précisément les erreurs de temps à partir du bruit ambiant. Cette méthode consiste à mesurer les translations des fonctions de corrélation (similaires à l’exemple de la figure IV.5) et a résoudre un problème inverse linéaire qui permet de quantifier les erreurs de temps associées à chaque station (Sens-Schönfelder, 2008).

J’ai choisi de supprimer simplement la partie des données pour lesquelles l’erreur sur la mesure du temps est avérée. L’erreur de temps observée sur le réseau de Soultz-sous-Forêts entre le 4 et le 21 mai 2014 affecte toutes les paires incluant exactement une station du réseau de Soultz-sous-Forêts. J’ai donc exclu les fonctions de corrélation obtenues par ces paires pendant toute la durée de la panne.

IV.2.3.3.b Instabilité temporelle de la position des sources de bruit

Une variation temporelle de la distribution des sources induit des petites variations temporelles de la coda (voir par exemple la partie agrandie sur la figure IV.2). Ces variations peuvent induire un étirement apparent de la coda ce qui limite notre capacité à détecter de très faibles variations de vitesse (Weaver et al., 2011). Une estimation de l’incertitude sur les mesures d’étirement est importante pour déterminer la plus petite variation de vitesse détectable compte tenu de l’instabilité temporelle de la coda.

Une expression de l’incertitude sur les mesures d’étirement est proposée par Weaver et al. (2011) :

”•߳ ൌξͳ െ ܺʹܺ ඨ ͸ܶඥߨ ʹΤ

߱ሺݐെ ݐ [IV.6]

où X est le coefficient de corrélation entre la forme d’onde de référence et la forme d’onde courante (sans unité et compris entre 0 et 1), ݐ et ݐ sont les bornes de la fenêtre de temps de la coda (en secondes). La bande de fréquence utilisée est décrite par les paramètres ߱ (en radian.s-1) et ܶ (en secondes) qui correspondent respectivement à la pulsation centrale et à l’inverse de la largeur de la bande de fréquence. On peut déterminer ܶ en approchant le module du spectre de la coda par une gaussienne centrée sur ߱ et d’écart type ͳȀሺܶξʹሻ de la forme ݁ି்ሺȁఠȁିఠ೎ሻ.

En l’absence d’une dilatation réelle de la coda (i.e. pour un milieu de propagation invariant dans le temps), les fluctuations apparentes du coefficient d’étirement ߳

dilatation significative (réelle) de la coda seulement si il dépasse ce seuil (Weaver et al., 2011).

Le premier terme de cette formule (ξͳ െ ܺൗሺʹܺሻ) prend en compte la stabilité temporelle de la coda. Une fonction de corrélation parfaitement stable dans le temps (i.e. dont le coefficient de corrélation X est constant et égal à 1) permet de détecter des variations de vitesse infiniment faibles, car ܺ ൌ ͳ implique ”•߳ ൌ Ͳ et donc que toute mesure d’étirement non nulle est significative. Le second terme décrit l’influence du choix de la fenêtre de coda sur l’incertitude associée aux mesures d’étirement : l’incertitude sur les mesures d’étirement est d’autant plus faible que l’on utilise une longue fenêtre de coda (i.e. si la différence ݐെ ݐ est grande) et que la fenêtre est située dans une partie tardive de la coda (i.e. si ݐ et ݐ sont grands). L’incertitude diminue également quand la fréquence du signal augmente, toutes choses égales par ailleurs (du fait du terme en ͳȀ߱) et quand la bande passante est large (i.e. que T est faible).

L’incertitude sur le coefficient d’étirement (équation [IV.6]) peut être minimisée en moyennant les valeurs d’étirement obtenues sur plusieurs paires de stations distinctes. Cette approximation suppose que les mesures d’étirement effectuées par les différentes stations sont indépendantes et que l’incertitude associée à chaque paire de stations est la même. On a alors (Weaver et al., 2011) :

”•߳ҧ ൎ”•߳

ξܰ [IV.7]

avec N le nombre de paires de stations,”•߳ l’incertitude estimée pour une seule paire de stations et supposée identique pour toutes les paires, ”•߳ҧ l’incertitude sur la moyenne des mesures d’étirement.

IV.2.3.3.c Effet d’une variation du contenu spectral du bruit

Une évolution temporelle du contenu fréquentiel du bruit peut aussi induire un étirement apparent de la fonction de corrélation (Zhan et al., 2013). Un étirement du signal en domaine de Fourier équivaut à une compression de ce dernier en domaine temporel (et inversement). Si le spectre de la fonction de corrélation s’étend vers les hautes fréquences, on observe une compression apparente de la coda qui risque d’être interprétée comme une augmentation de vitesse du milieu. D’après Zhan et al. (2013), cet artéfact est d’autant plus fort que l’on travaille aux temps courts de la coda. A partir de données réelles, les auteurs montrent que les étirements apparents causés par la variation saisonnière du contenu spectral du bruit micro-sismique peuvent atteindre quelques dixièmes de pourcent ce qui est du même ordre de grandeur que les variations de vitesse souvent recherchés.

Dans le chapitre II dédié à l’étude des propriétés du bruit et leurs impacts sur les fonctions de corrélation, j’ai montré que le contenu fréquentiel du bruit varie dans le temps (figures II.9, II.10 et II.12) selon la fréquence et la nature des sources de bruit

(événements transitoires à 1s, raies spectrales en dessous de 1s). J’ai également montré que la partie spatialement cohérente du bruit de fond affecte fortement le spectre des fonctions de corrélation malgré l’application de normalisations spectrales et temporelles. En conséquence, il est impératif de prendre en compte l’évolution temporelle du contenu fréquentiel du bruit si on veut pouvoir interpréter de façon fiable les mesures d’étirement.