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Utilisation de la réactivité acide des sous structures pyrroliques : les

Partie 2 : Méthodes de fonctionnalisation du Bodipy

2. Méthodes de post-fonctionnalisation

2.2. Utilisation de la réactivité acide des sous structures pyrroliques : les

positions D et E' méthylées.

Une nouvelle méthode utilisant les propriétés acides des positions D et E’ méthylées a été

mise au point par Akkaya et coll., puis optimisée par Ziessel et coll. dans le but de post-fonctionnaliser le noyau Bodipy, en agrandissant son squelette, au moyen d’une réaction de type Knœvenagel.

2.2.1. Fonctionnalisation des positions D.

Les conditions opératoires sont similaires à celles usuellement utilisées dans le cas de réaction de type Knœvenagel. Une solution de toluène contenant le Bodipy, l’aldéhyde aromatique, la base (pipéridine) et l’acide qui active la formation de l’iminium intermédiaire (acide acétique ou APTS) est portée à reflux pendant 24 h. Afin de déplacer l’équilibre vers la formation des produits, l’eau formée au cours de la réaction est éliminée du milieu par un appareil de type Dean-Stark ou alors en introduisant un desséchant (MgSO4 anhydre ou tamis moléculaire) dans le système réactionnel (Figure 30).

Figure 30 Premières conditions opératoires utilisées par Akkaya et coll. pour l'extension de la conjugaison du Bodipy D-méthylé par condensation sur des aldéhydes aromatiques

La littérature2 rapporte les faits expérimentaux suivants : après 24 h de reflux du système hétéroazéotropique, le milieu réactionnel contient un mélange de produits de mono et de di-substitution pour lesquels la stéréochimie du lien éthylénique est exclusivement E. Aucun diastéréosiomère Z n’a encore été isolé. La réaction procède, semble-t-il, selon un processus similaire à une réaction de Knœvenagel. La catalyse acide induit la formation d’un iminium pipéridine intermédiaire, qui subit l’addition du Bodipy préalablement déprotoné. L’élimination d’eau conduit au produit conjugué ; la stéréochimie doit être fixée par la formation du composé le plus stable, celui qui présente la gêne stérique la plus faible

B-N+

N F F

Ar

(contrôle thermodynamique de la réaction). Ce raisonnement présuppose que les positions méthylées impliquées présentent une certaine acidité, comme l’ont suggéré Akkaya et coll.60 D’après l’étude des formes mésomères (Figure 31), la charge négative est possiblement délocalisée sur le cycle, ce qui soutient l’idée selon laquelle la base conjuguée du Bodipy peut être formée par action d’une base faible (pipéridine).

Figure 31 Analyse des formes mésomériques d’un Bodipy D-méthylé

Ce processus étant symétriquement reproductible sur l’autre méthyle en position D, on peut alors logiquement en conclure qu’un produit de di-substitution peut être synthétisé, au moyen d’une seconde condensation, sur la deuxième position D. Malgré les tentatives successives de synthèse d’un seul adduit (mono ou di-substitué), la réaction reste encore difficile à

contrôler et produit un mélange de ces deux composés.

Néanmoins, Akkaya et coll.61 ont tourné à leur avantage le fait de générer des adduits de mono-substitution, en les recyclant dans une nouvelle réaction de type Knœvenagel, avec un nouvel aldéhyde aromatique. Ceci a permis la synthèse de nombreux dérivés dissymétriques (Figure 32).

Figure 32 Exemples de Bodipy di-substitués dissymétriques 62

Très récemment, une voie d’optimisation de la réaction a été découverte. Chang et coll.63 ont développé une gamme d’adduits issus d’une condensation assistée par irradiation aux

60

Dost, Z.; Atilgan, S.; Akkaya, E. U. Tetrahedron 2006, 62, 8484.

61

Atilgan, S.; Ozdemir, T.; Akkaya, E. U. Org. Lett. 2008, 10, 4065.

62

micro ondes (Figure 33). Plus de 300 composés ont été ainsi synthétisés, avec pour chacun des rendements de synthèse de l’ordre 95 % !

B-N+ N

F F

RCHO, pyrrolidine / AcOH acétonitrile

irradiation micro onde 700 W B -N+ N

F F R

Figure 33 Schéma réactionnel des réactions de type Knœvenagel en position D, activées par micro ondes

Cette réaction a même été intégrée dans un processus de polycondensation visant à fabriquer des systèmes multichromophoriques, ne comprenant que des Bodipy. Le travail de Liu et

coll.64 s’est fondé à la fois sur la possibilité de formyler en E le noyau, et sur l’utilisation de cette fonction aldéhyde au sein de la réaction de type Knœvenagel (Figure 34).

Figure 34 Exemple de polycondensation au moyen de la réaction de type Kœvenagel, développée par Liu et coll.

La longueur de chaîne paraît difficilement contrôlable puisque les auteurs isolent plusieurs oligomères de Bodipy simultanément (di- jusqu’à tétramères). L’obtention de produits de mono-condensation de type Kœvenagel provient d’une gêne stérique accrue lorsqu’un deuxième monomère est « greffé ». Par conséquent, la 2ème position méthylée du monomère 1 ne peut être engagée dans une nouvelle condensation.

64

Zhu, S.; Zhang, J.; Vegesna, G. K.; Pandey, R.; Luo, F.-T.; Green, S. A.; Liu, H. Chem. Comm. 2011, 47, 3508.

2.2.2. Fonctionnalisation des positions D etE’.

Une analyse des formes mésomères du tétraméthylBodipy montre que la déprotonation des hydrogènes en E’ est également envisageable (Figure 35).

Figure 35 Formes mésomères du 1,3,5,7-tétraméthyl Bodipy

Akkaya et coll.65 ont développé la synthèse de dérivés tétra-substitués par condensation de type Knœvenagel. Pour preuve du caractère acide des positions D et E’, ils ont comparé les

déplacements chimiques en RMN 1H, entre les méthyls des positions D et ceux des positions

E'dans le cas du tétraméthyl Bodipy. Ils rapportent que dans le CDCl3,

GD = 2,52ppm alors que GE' = 2,41 ppm et en concluent que cette différence, bien que faible, traduit une réactivité similaire pour les deux positions, avec un caractère moins prononcé pour les positions E’.

En se plaçant dans les mêmes conditions opératoires que le cas précédent et en fonction du nombre d’équivalents d’aldéhyde, Akkaya et coll. ont isolé les produits de mono-(1 éq. d’aldéhyde ajouté), di- (2 éq.), tri-(3 éq.) et de tétra-substitution (4 éq.) (Figure 36) de la condensation du para-anisaldéhyde sur le noyau Bodipy. Les rendements de synthèse publiés sont de 33 % (mono-substitué), 55 % (di-substitué), 9,5 % (tri-substitué) et 11 % (tétra-substitué). En effet, la gêne stérique du groupe phényl en méso empêche une approche correcte des réactifs et par conséquent diminue fortement le rendement de synthèse des condensations en position E, en plus d’une réactivité déjà amoindrie.

B-N+ N F F Ar positionsE' positionsD

Figure 36 Synthèse de dérivés Bodipy styriliques par Akkaya et coll.

Ziessel et coll.66 ont réalisé la synthèse de dérivés tétra-substitués du même type, mais de composés dissymétriques. En émettant l’hypothèse que les 3ème et 4ème condensations ne se déroulent pas simultanément à la 1ère et à la 2ème, du fait de l’écart de réactivité des deux positions, ils ont proposé la synthèse d’un Bodipy substitué de trois groupes styriliques différents, au moyen de condensations successives sur le noyau de départ, par trois aldéhydes aromatiques différents (Figure 37). Ainsi, le composé obtenu a été isolé sous forme d’un mélange de régioisomères (1/1), avec un rendement global de 4 % sur 5 étapes. Les deux étapes réactionnelles supplémentaires concernent la post-fonctionnalisation (O-alkylation) des fonctions phénol des groupes styriliques inférieures.

Figure 37 Dérivé Bodipy tétra-substitué dissymétrique

2.2.3. Fonctionnalisation des positions D par oxydation des chaînes latérales.

De façon plus anecdotique, le Bodipy peut subir également une oxydation de la position méthylée en D. Boyer et coll.67

ont rapporté l’un des rares exemples, en 1994 (Figure 38). Cette équipe a obtenu avec un excellent rendement le produit issu d’une mono-oxydation. La

66

(a) Bura, T.; Retailleau, P.; Ulrich, G.; Ziessel, R. J. Org. Chem. 2011, 76, 1109. (b) Bura, T.; Hablot, D.; Ziessel, R. Tetrahedron Lett. 2011, 52, 2370.

67

réaction est régiosélective, et ne touche que la position méthylée en D. Cette post-fonctionnalisation donne accès à toute la richesse de la réactivité des groupes carbonyles.

Figure 38 Oxydation des chaînes latérales développée par Boyer et coll.