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5. RÉSULTATS

5.1 Utilisation quantitative

Les participantes de notre échantillon visitent le site Facebook plusieurs fois par jour. Ces consultations sont constituées de plusieurs courtes séances de deux à cinq minutes, souvent combinées d’une longue session quotidienne pouvant s’échelonner d’une à deux heures. Les courtes visites sont habituellement effectuées toute la journée durant, alors que les plus longues se concentrent sur deux périodes précises : le matin, avant les cours, ou en soirée durant les travaux scolaires. Le total de ces heures représente de deux à trois heures de consultation quotidienne. Plus de la moitié des participantes ne se déconnecte jamais du site. Leur compte Facebook est toujours ouvert et facilement accessible sur leur ordinateur. Par le fait même, plusieurs aiment se rendre sur le site dès qu’elles reçoivent une notification16. Plusieurs participantes utilisent régulièrement leurs téléphones intelligents à ces fins.

5.1.2 Type d’utilisation de l’interface

Le fait de se « mettre à jour » et de « se tenir au courant » est important pour les participantes. Leurs premières activités, lors de leur connexion, témoignent de cette quête des nouvelles les plus fraîches et les plus importantes. Elles consultent d’abord les publications les concernant personnellement, grâce aux notifications et aux messages privés17, puis elles s’informent ensuite des changements pouvant avoir eu lieu dans leur entourage avec l’aide de la page d’accueil : « Quand je vais sur Facebook, il faut que je me mette à jour tout le temps. Une fois que j’ai géré

mes choses, je fais défiler mon mur d’actualité et je regarde toutes mes notifications18» (Jessica).

16 Facebook propose diverse manière d’avertir ses utilisateurs des nouvelles publications les concernant : courriel privé, signal sonore lorsque connecté ou encore des alertes de toutes sortes sur les téléphones intelligents. Ces avertissements peuvent être engendrés par le fait d’être cité dans une publication (à l’aide du symbole @), de recevoir un commentaire, d’être étiqueté dans une photo, etc.

17 Système de messagerie qui permet de communiquer de manière confidentielle avec les membres Facebook de son choix.

18 Dans le langage Facebook, mur représente l’actualité de la page profil d’un membre, c’est-à-dire son Journal, mais aussi la page d’accueil du site où l’utilisateur consulte le Fil de nouvelles (toutes les nouvelles publications des personnes, groupes ou pages commerciales qu’il suit).

Facebook a souvent été cité par les participantes comme un outil pour gérer leurs relations et leurs agendas. À ce sujet, elles disent utiliser quelques applications du site pour échanger des informations, remplaçant ainsi leurs boîtes courriel par la messagerie ou le chat de Facebook. Les

messages privés servent à orchestrer leurs travaux scolaires, à organiser leurs passe-temps et à

planifier des rencontres sociales. Les participantes privilégient aussi le message privé pour les sujets qui n’ont pas d’intérêt pour l’ensemble de leurs amis Facebook, et qui sont plutôt dirigés vers une personne en particulier : « C’est le genre de message qui ne sert pas à grand-chose si

tout le monde le voit. C’est destiné pertinemment à une personne » (Cassandra). Ainsi, elles

limitent la publication de certaines informations qu’elles préfèrent garder privées. Le chat est plutôt utilisé au quotidien, voire à chaque visite sur le site, pour entrer en contact rapidement et spontanément avec d’autres utilisateurs. Il peut être prisé par les participantes si la personne à rejoindre est en ligne, puisqu’il lui permet « d’aller directement au but ».

Les amis Facebook

Les participantes de notre échantillon ont en moyenne 362 amis Facebook, avec un écart type de 177. Les deux tiers des répondantes disent interagirent en moyenne avec 10% de leurs amis Facebook, alors que le tiers restant dit interagir en moyenne avec 60% de leurs amis. Quelques- unes affirment avoir « fait le ménage » et ont largement restreint le nombre de leurs amis. Certaines ont supprimé une quantité considérable de personnes, alors qu’une participante a plutôt opté pour la suppression de son compte, pour ensuite en ouvrir un nouveau et repartir de zéro. Celles qui n’ont pas déjà supprimé quelques amis déclarent d’emblée avoir le projet de la faire prochainement.

Le nombre d’amis Facebook peut cependant influencer la perception des utilisatrices envers leurs amis Facebook. Pouvant instaurer une compétition, à savoir qui a le plus d’amis, la quantité de relations peut aussi servir à juger les autres selon qu’ils aient peu ou trop de relations : « Pouvoir voir combien les gens ont d’amis, souvent ça crée une espèce de compétition. C’est

déjà arrivé que je me sois fait une idée sur les gens selon leur nombre d’amis. Par exemple, j’ai un vrai ami qui a 1 800 amis. Je me suis déjà fait une idée sur lui à cause de ça » (Cloé).

Les participantes accumulent les amis Facebook au fil des années, des étapes significatives (déménagement, relation amoureuse, voyages, équipe sportives, théâtre ou ligue d’improvisation) et particulièrement durant leur parcours scolaire (primaire, secondaire, cégep, université). La très grande majorité de leurs amis Facebook proviennent ainsi de cet environnement scolaire. De ce fait, plusieurs ont aussi des collègues de classe parmi leurs amis Facebook. Sans que ces personnes ne soient considérées comme leurs amis dans la vie réelle, elles sont plutôt catégorisées comme étant des connaissances nécessaires en raison de leurs activités universitaires (travaux scolaires et organisation d’événements)19. Plus des trois quarts des participantes ont des membres de leur famille, proche ou éloignée, au sein de leur communauté. Toutefois, les membres provenant de cette catégorie d’amis ne dépeignent qu’une petite proportion sur l’ensemble de leur relation. Ils représentent environ 10% de leur communauté. De plus, ils peuvent aussi être gérés différemment selon les participantes. Certaines sont ouvertes et acceptent les demandes d’amitié sans discrimination, d’autres préfèrent gérer l’accessibilité de leur contenu. Catherine explique : « Du côté de ma famille, j’ai deux cousins et

ma petite sœur. Je ne veux pas entendre parler de mes parents et mes tantes. J’ai une tante, entre autres, qui veut vraiment être mon amie, elle m’en parle à chaque fois que je la vois. Je veux vraiment garder ma famille en dehors de Facebook. Je vais les appeler, je vais leur montrer des photos, je vais leur envoyer des emails, mais je ne veux pas qu’ils aillent jouer là-dedans ».

Quelques-unes ont aussi des collègues de travail, qu’elles considèrent souvent comme des amis en raison de leur âge. Les supérieurs hiérarchiques sont plutôt rares et gérés de manière différente : « quand j’étais amie avec mon ancienne patronne, là c’est sûr que des photos de sorties dans

les bars… Tu veux garder ton professionnalisme, à ce moment-là je bloque ces photos-là pour ces personnes » (Sarah).

Pour la plupart des participantes, les personnes qui font partie de leurs amis Facebook, mais avec qui elles n’interagissent plus, sont catégorisées comme des connaissances qu’il fait bon garder : pour être au fait de leur vie, parce qu’elles peuvent apporter quelque chose d’intéressant ou parce qu’elles peuvent être utiles en cas de besoin. Cette catégorisation regroupe aussi toutes les personnes qu’elles peuvent côtoyer sans pour autant entretenir une amitié :

19 Les personnes catégorisées comme connaissances sur Facebook (option disponible dans la liste d’amis) sont souvent classées ainsi pour diminuer leur accès aux informations personnelles des utilisateurs. Ils sont ainsi plus faciles à gérer grâce aux applications et règles de confidentialité du site.

collègues, « amis d’amis », membre d’une même collectivité, etc. Ces connaissances deviennent des personnes qui doivent être gardées dans leur réseau par curiosité : « Il y a des fois des gens

que tu veux garder juste pour continuer de voir ce qu’ils deviennent et ce qui se passe dans leurs vies, même si tu ne leur parles pas » (Anne), ou encore, par commodité : « J’ai plusieurs cercles d’amis si on veut. J’ai travaillé à plusieurs endroits et c’est comme une manière de rester connectée avec tout le monde. Des gens que j’ai rencontrés en voyage, je n’aurais pas nécessairement le réflexe de garder contact avec eux, que ce soit par lettres ou textos. Mais un jour, je sais que si je retourne en Europe, je vais pouvoir les retrouver parce que je les ai quelque part dans mon Facebook » (Catherine). Grâce à Facebook, les participantes ont

développé le besoin de conserver dans leur vie tous les gens qu’elles rencontrent au fil du temps. De ce fait, elles ajoutent rapidement et facilement de nouvelles personnes à leur réseau. La majorité des participantes supprime toutefois peu à peu certains contacts, mais seulement lorsqu’ils n’ont plus d’intérêt pour elles. Sarah déclare à ce sujet : « J’ai supprimé beaucoup

d’amis. Ceux qui finalement m’importaient peu ». La quantité d’amis peut néanmoins facilement

atteindre les centaines de personnes.

L’action d’effacer des gens peut cependant déranger. Même si les participantes disent faire souvent du « ménage », dans le but de garder le contrôle sur leur compte, quelques-unes avouent pourtant avoir de la difficulté à effacer leurs connaissances Facebook. À la question « Pourquoi garder ceux à qui tu ne parles pas? », Cloé admet : « J’ai souvent pensé à juste les

éliminer. Mais on dirait que… justement, on se compare aux gens qui ont 800 amis. Je vais me sentir toute seule avec 250. Même si c’est des faux amis, ça crée un sentiment d’amitié ». Le fait

de couper les ponts peut aussi être mal perçu : « Il y a déjà quelqu’un qui m’a dit : " cette

personne-là m’a supprimée de Facebook, quand je vais la voir dans la rue, je ne lui dirais pas allô "» (Cassandra). Les réactions négatives et la peur de blesser des gens peuvent devenir une

justification pour ne pas supprimer ses contacts chez plusieurs de nos participantes.

Les groupes Facebook

Les participantes font toutes parties de groupes sur Facebook. Ces groupes servent à gérer leurs activités, implications sociales, covoiturages, travaux scolaires, passe-temps (club photo,

communauté : cohorte universitaire, équipe de travail, association étudiante. Elles affectionnent cet outil pour l’actualité personnelle et exclusive qu’il leur procure : « En fait c’est surtout

pratique. À l’université par exemple, avoir les actualités de la faculté, de ma promotion, quand il y a des soirées ou des trucs comme ça. Pour les travaux d’équipe, on se fait des petits groupes. Pour se tenir au courant » (Sarah).

La vie universitaire favorise incontestablement la création de groupes chez nos participantes. Majoritairement fermés, ces groupes servent à échanger des informations d’ordre pratique et scolaire pour s’entraider. Elles partagent leur partie de travaux d’équipe et échangent des questions et des réponses sur le contenu de leur cours. Cette pratique étant largement répandue, quelques participantes constatent le fait qu’il est maintenant presque « obligatoire » d’être sur Facebook pour pouvoir être dans les normes : « je ne suis pas capable de me

désinscrire précisément pour les trucs d'école. Justement, on a des groupes et il faut qu'on se parle. C'est pratique, mais... » (Marie-Ève). En plus des groupes pour les travaux d’équipe,

plusieurs participantes ont mentionné l’existence d’un groupe Facebook créé par un professeur de l’université pour remplacer les outils et plateformes numériques d’assistance à l’enseignement déjà offerts par l’institution.