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4. MÉTHODOLOGIE

4.3 Collecte des données

4.3.2 Protocole d’entretien

Nos entretiens étaient constitués d’une série de questions semi-dirigées inspirées de notre revue de littérature et regroupées en trois grandes sections, chacune sous-divisée en trois différents thèmes. Nous avons fusionné et déplacé certaines sections et sous-sections suite à nos premiers entretiens. Néanmoins, aucune question n’a été éliminée du protocole de départ. Ces sections ont

été conçues de manière à regrouper les thèmes de mêmes catégories, aidant par le fait même à l’analyse ultérieure de nos données. Le guide que nous avons conçu et utilisé est présenté en annexe (Annexe II).

Première section – l’utilisation de Facebook

Nous avons d’abord voulu débuter les entretiens par des questions portant sur l’usage de la plateforme, afin de recueillir quelques données quantitatives, mais aussi dans le but de créer une atmosphère conviviale qui favorise l’échange. Ces questions, qui servent d’introduction, sont non envahissantes et permettent de créer un climat de confiance qui favorise l’ouverture pour la suite de l’entretien. Elles nous ont aussi permis de connaître l’usage fonctionnel des utilisatrices de Facebook.

L’intérêt de Facebook

Dans cette section, nous avons abordé l’intérêt des membres envers la plateforme selon les conceptions de Mehl (2008) concernant la nouvelle sphère privée/publique qui a créé la télévision à intérêt intime – un espace de juxtaposition où chacun peut témoigner et apporter un point de vue différent. Elle explique la popularité de cette télévision par la présence d’un substrat commun : le vécu, le personnel et le citoyen ordinaire. Applicable au phénomène de la télévision de l’intimité, ce substrat rejoint aussi l’intimité telle qu’elle se présente sur les RSN. Durant cette étape de l’entretien, nous avons questionné les utilisatrices sur ce qui leur plait de Facebook en utilisant ces trois dimensions proposées par Mehl (2008). Nous voulions ainsi voir quels éléments poussent les participantes à utiliser Facebook et l’importance que peut jouer la présence d’informations personnelles dans cet intérêt.

La perception du fonctionnement

Pour être aux faits de l’influence de l’interface de Facebook sur la présence de renseignements intimes sur le Web, nous voulions connaître la perception des utilisatrices face au site lui-même. Nous voulions savoir comment les fonctionnalités de la plateforme pouvaient agir sur le partage d’éléments personnels chez les participantes, mais aussi comment elles perçoivent ces applications qui contraignent la divulgation d’information. Nous nous sommes ainsi basée sur les observations d’Aguiton et al. (2009), sur la nécessité de produire constamment du nouveau

contenu, et nous avons utilisé les notions « d’influences des facteurs externes » de Livingstone (2008) pour savoir comment les normes, les pratiques et l’interface de Facebook entrent en ligne de compte dans le choix des utilisatrices de se dévoiler sur Internet. Nous voulions ainsi savoir si les utilisatrices pouvaient être forcées d’utiliser les sites d’une certaine manière et donc d’avoir à partager leur intimité.

Deuxième section – l’intimité sur les réseaux sociaux numériques et l’envahissement du territoire de l’intimité

Dans Intimité et extimité (2011a), Tisseron parle de l’omniprésence de l’observateur qui menace l’intimité; pour vouloir partager son intimité, il faut d’abord pouvoir être en mesure de cacher ce que nous voulons. Cet élément se ferait de plus en plus rare, puisque les RSN pourraient avoir changé la volonté de se rendre visible et de se cacher. Boyd (2008) et Cardon (2012) insistent aussi sur l’influence de la présence d’un public dans le type d’énonciation visible sur les pages des RSN. Boyd (2008) explique que le concept de vie privée serait basé sur le sentiment de contrôle en lien avec l’information qui est partagée. Alors que Cardon explique comment les RSN pourraient témoigner de l’insertion de plus en plus forte du public dans la production identitaire des gens.

L’intimité contrôlée

En fonction de ces informations, nous avons cherché à déceler un possible envahissement de l’intimité par les RSN. Pour ce faire, nous avons questionné les utilisatrices sur leur manière de diffuser de l’information. Dans un premier temps, nous cherchions à découvrir de quelles manières les participantes partagent leurs informations et si elles divulguent réellement leurs informations personnelles sur Facebook. Nous avons donc abordé le sujet sous trois angles : la communication personnelle sans impression d’un partage à un auditoire élargi, le partage dans un but d’extimité et le contrôle des informations diffusées.

Nous avons utilisé la notion d’extimité de Tisseron (2011a) dans cette section de l’entretien afin de décoder les manières de publier sur soi-même et de connaître les motivations des utilisatrices. Nous voulions savoir si les motivations intrinsèques sont à la source des

poussent à communiquer. Nous cherchions à déterminer si le besoin de partager son monde intérieur est prédominant ou non sur la conformité aux normes sociales.

Afin de déceler si les participantes publient leurs informations intimes de façon détournée – en jumelant les propos personnels et la prise de parole publique – nous avons utilisé les notions d’énoncés contextuels et distanciés, et d’énoncés familiers et publics de Cardon (2012). Nous tentions de déterminer à quel point les participantes peuvent partager des informations personnelles sur Facebook en analysant les diverses formes possibles de divulgation. Il s’agissait aussi d’une façon de connaître davantage la réalité des participantes et de vérifier leurs réponses (puisque de simples questions sur la révélation de soi auraient permis de collecter qu’une partie des données). Effectivement, les questions d’introjection ne nous semblaient pas suffisantes pour recueillir toutes les données, alors que les notions de Cardon permettaient de creuser un peu plus sur l’expérience des participantes.

Nous avons aussi questionné les utilisatrices sur leur manière de diffuser leurs informations en fonction des notions de contrôle abordées par Livingstone (2008) et Boyd (2008). Cette section a servi à déterminer si les utilisatrices divulguent ouvertement ou si elles filtrent leur partage d’informations privées afin de se protéger (tout en continuant leur divulgation). Nous voulions connaître leurs stratégies et savoir comment elles gèrent leur intimité sur Facebook : qu’est-ce qu’elles « montrent » et qu’est-ce qu’elles « cachent », quel est le type de leur profil et comment elles « l’entretiennent ». Ces informations permettent d’approfondir le phénomène des échanges sociaux et de l’entretien des relations, lié la diffusion de l'information.

La présence d’un public

À l’aide de nos entretiens, nous cherchions à définir l’importance de la perception d’un public dans la publication d’éléments intimes sur Facebook. Nous avons donc abordé le sujet sous l’angle de l’amitié Facebook décrite par Livingstone (2008). Nous voulions savoir comment la catégorisation des amis pouvait influencer le partage de contenu et comment les participantes géraient le fait d’avoir un auditoire élargi (composé de différentes catégories d’amis). Nous avons aussi cherché à connaître leur estimation sur ce qu’elles croient être leur auditoire (le nombre de

personnes qui a accès à ce qu’elles publient), et comment ceci affecte leur divulgation d’informations personnelles.

L’accès aux profils

Conséquemment à la section précédente, nous avons interrogé nos participantes sur la gestion des accès à leurs profils. Nous leur avons d’abord demandé si la protection de leurs données constituait une préoccupation dans leur utilisation de la plateforme, puis comment elles utilisaient les paramètres de confidentialité offerts par Facebook pour contrôler la consultation de leurs données. Afin de situer leurs limites dans leur propre divulgation, nous voulions savoir ce qu’elles évitent de mettre sur la plateforme et ce qu’elles perçoivent comme étant des informations personnelles. Nous cherchions ainsi à savoir à quel point les utilisatrices affichent leurs informations sur le Web, mais aussi, comment elles se révèlent : de façon ouverte et sans détour ou de façon modeste et traditionnelle, tel qu’établi par Aguiton et ses collaborateurs (2009). Nous voulions connaître les distinctions et similitudes entre leurs comportements et leurs perceptions de l’inimitié sur les RSN.

Troisième section – une nouvelle forme d’intimité : les notions d’espace public, d’espace privé et d’espace intime

Les auteurs ayant écrit sur le mouvement des frontières entre la sphère publique et la sphère privée soutiennent qu’il est difficile de bien définir ces notions. Cardon (2012) explique que les internautes n’ont pas un « rapport binaire » avec les définitions d’espace privé et d’espace public, mais qu’ils développent plutôt un continuum pour expliquer ce qui est de l’ordre du caché et du montré sur les RSN. De son côté, Tisseron (2011) parle, en outre, de l’importance de faire la distinction entre un espace intime et un espace public. Il insiste sur le fait que la frontière entre ces deux univers n’est pas la même pour tous, et que celle-ci n’est pas nécessairement stable pour une même personne. Pour ces raisons, nous avons cherché à connaître l’opinion des utilisatrices des RSN sur le sujet. Nous voulions savoir comment leurs usages et leurs perceptions du site Facebook influenceraint leur conception de l’intimité.

une définition générale de chacun des termes, puis nous les avons questionnées sur la mise en relation de ces différentes sphères avec l’univers de Facebook. Nous voulions savoir si les définitions des espaces sont les mêmes pour l’univers non médiatique que pour celui des RSN. Plus précisément, nous nous sommes aussi intéressée à la classification du site Facebook dans le continuum privé-public. Nous voulions situer la plateforme et ses membres dans l’univers des espaces public, privé et intime, afin de savoir comment Facebook influencerait les perceptions des utilisateurs.

Pour contextualiser la présence d’intime et de privé sur Facebook nous avons cherché à connaître comment les utilisatrices repèrent, définissent et jugent les marques visibles d’éléments personnels sur la plateforme : les photos montrant des baisers, la présence de nudité, les images de grossesse, ou encore, des situations familiales ou de vie de couple. Pour nous guider dans l’élaboration d’exemples reflétant la réalité des RSN, nous avons utilisé les cinq types d’exposition de soi conçus par Aguiton et ses collaborateurs (2009), ainsi que quelques exemples qu’ils avaient eux-mêmes utilisés14.

Nous avons terminé nos entretiens en questionnant les répondantes sur la place des RSN dans la vie intime des gens : son influence et sa présence dans le quotidien des utilisateurs. Nous avons aussi fait de courts retours avec chacune des participantes, dans le but de détecter si elles souhaitent intervenir sur des sujets qui n’auraient pas été abordés durant la rencontre.