• Aucun résultat trouvé

Utilisation des plans d’expérience par la méthode de Taguchi

3.2 Définition des paramètres pilotant l’étendue de la zone non-linéaire

3.2.4 Utilisation des plans d’expérience par la méthode de Taguchi

Ce paragraphe a pour objectif de conclure notre étude de sensibilité en comparant l’effet des différents paramètres entre eux. Cela doit nous permettre d’identifier quels facteurs ont un impact plus important sur la flèche maximale de la dalle en béton, sur le rayon de zone endommagée et sur la réaction maximale au niveau des appuis.

3.2.4.1 Définition des plans d’expériences

On nomme plan d’expérience, [Linder, 2005], la suite ordonnée d’essais d’une expé-rimentation, chacune permettant d’acquérir de nouvelles connaissances en contrôlant un ou plusieurs paramètres d’entrée pour obtenir des résultats validant un modèle avec une bonne économie (nombre d’essais le plus faible possible, par exemple).

En effet, ce type de méthode est utilisé en particulier, dans le cadre de la conception d’un produit industriel. Le problème du concepteur est alors de trouver les "bonnes" va-leurs de ces paramètres, c’est-à-dire celles qui feront que le produit aura le comportement attendu ; cela nécessite d’identifier l’influence des paramètres sur la réponse du produit. Le coût d’une étude expérimentale dépend donc du nombre et de l’ordre des essais effec-tués.

Les plans d’expériences consistent donc à sélectionner et ordonner les essais afin d’identifier, à moindres coûts, les effets des paramètres sur la réponse du produit. Il s’agit de méthodes statistiques faisant appel à des notions mathématiques simples. La mise en œuvre de ces méthodes comporte quatre étapes.

1) Recenser les paramètres du système. Ces paramètres correspondent à des gran-deurs physiques du produit industriel, que l’on s’autorise à modifier.

2) Préciser les valeurs que l’on souhaite leur donner. Sur le produit réel, les para-mètres peuvent varier de façon continue (avec une infinité de valeurs possibles) ou discrète (avec un nombre fini de valeurs possibles).

3) Définir un plan d’expériences, c’est-à-dire une série d’essais permettant d’identi-fier les coefficients du modèle.

4) Faire les essais, afin d’identifier les coefficients et conclure.

Les plans d’expériences sont définis en deux catégories : les plans complets et les plans réduits.

Plans complets

Cette première catégorie de plans d’expériences est destinée à fournir une informa-tion la plus complète possible sur des systèmes présentant relativement peu de facteurs.

Définition des paramètres pilotant l’étendue de la zone non-linéaire 125

Ces plans consistent à tester toutes les combinaisons possibles, en faisant varier tous les facteurs à tous leurs niveaux de manière exhaustive.

Plans réduits

En pratique, les plans complets ne sont utilisables que sur des systèmes avec très peu de facteurs, ou lorsque chaque essai prend très peu de temps. Par exemple, dans le cas d’un essai comprenant 5 facteurs à 3 niveaux, un plan complet demanderait d’effectuer 35= 243 essais... Des plans réduits consistent à sélectionner certaines combinaisons. Ils permettent naturellement de réduire les coûts mais diminuent également l’information disponible sur le comportement du système ; il faut donc s’assurer de la pertinence de la sélection par rapport au modèle à identifier. Différentes techniques de plans réduits ont été définies ([Box et al., 1978] et [Taguchi, 1986]). Parmi les plus utilisées et robustes, nous avons répertorié les deux méthodes suivantes :

– Méthode de Box et Hunter

La méthode de Box et Hunter, [Box et al., 1978], permet de construire soi-même des plans réduits à partir de plans complets. Elle s’adresse exclusivement aux modèles à deux niveaux par facteur et se base sur la définition suivante.

Soient xiet xjdeux facteurs admettant chacun deux niveaux, notés +1 et -1. On appelle niveau de l’interaction entre xiet xj, et on note li j, le produit de leurs niveaux respectifs. Le niveau de l’interaction de deux facteurs exprime donc formellement si, lors d’un essai donné, les deux facteurs agissent "dans le même sens" ou non. La table 3.2 représente un exemple de table Box et Hunter dans un cas à 3 facteurs.

Essai x1 x2 x3 l12 l13 l23 l123 1 −1 −1 −1 +1 +1 +1 −1 2 +1 −1 −1 −1 −1 +1 +1 3 −1 +1 −1 −1 +1 −1 +1 4 +1 +1 −1 +1 −1 −1 −1 5 −1 −1 +1 +1 −1 −1 +1 6 +1 −1 +1 −1 +1 −1 −1 7 −1 +1 +1 −1 −1 +1 −1 8 +1 +1 +1 +1 +1 +1 +1 TABLE3.2: Table de Box et Hunter à 3 facteurs. – Tables de Taguchi

La construction d’un plan fractionnaire adapté à un modèle donné est souvent délicate pour un non-spécialiste. Pour cette raison, on trouve dans le commerce des recueils de plans réduits "prêts à l’emploi", chacun adapté à un ou plusieurs modèles donnés ; un des exemples les plus connus est celui des tables de Taguchi, conçues par le statisticien Genichi Taguchi, [Taguchi, 1986], dans le but de minimiser l’effet des aléas et des erreurs de mesure. Concrètement, une table de Taguchi se présente sous la forme d’un tableau associé à un ou plusieurs graphes linéaires ([Taguchi et Konishi, 1987]).

La table 3.3 présente la table de Taguchi pour 7 paramètres à 2 niveaux (-1 et 1). Essai x1 x2 x3 x4 x5 x6 x7 1 −1 −1 −1 −1 −1 −1 −1 2 −1 −1 −1 1 1 1 1 3 −1 1 1 −1 −1 1 1 4 1 −1 −1 −1 −1 1 1 5 1 −1 1 −1 1 −1 1 6 1 −1 1 1 −1 1 −1 7 1 1 −1 −1 1 1 −1 8 1 1 −1 1 −1 −1 1

TABLE3.3: Table de Taguchi L8 (27)

Le plan d’expériences, comme les méthodes citées, donne directement la séquence d’es-sais à réaliser. Une fois ceux-ci effectués, il ne reste plus qu’à en exploiter les résultats afin d’identifier les coefficients du modèle. Pour cela, on utilise des techniques statistiques, fondées sur une propriété importante des plans d’expériences utilisés : l’orthogonalité.

Pour identifier les coefficients du modèle, l’idée est d’utiliser des calculs de moyennes sur des ensembles de résultats "équilibrés", c’est-à-dire orthogonaux : c’est la notion d’ef-fet. On définit ainsi l’effet (total) d’un facteur xià un niveau Aipar :

la moyenne de tous les résultats pour lesquels xi= AiMOINS la moyenne générale. Il résulte immédiatement de cette définition que pour tout facteur xi, la somme de ses effets à ses différents niveaux est nulle.

De la même manière, on définit l’effet de l’interaction entre xi au niveau Ai et xj au niveau Ajpar :

la moyenne de tous les résultats pour lesquels xi= Aiet xj= Aj

MOINS l’effet de xiau niveau Ai MOINS l’effet de xjau niveau Aj MOINS la moyenne générale.

Il en résulte de même que pour tous facteurs xiet xj, la somme des effets de leur interaction aux différents niveaux de l’un ou l’autre des deux facteurs est nulle.

En conclusion, les plans d’expériences offrent un moyen simple et efficace de ré-duire le coût et d’augmenter la robustesse des études expérimentales effectuées lors de la conception ou de la validation d’un produit industriel. Ils permettent d’utiliser toute la connaissance du produit dont le concepteur peut disposer a priori, offrent un cadre de modélisation rigoureux, et leur mise en œuvre ne nécessite que des connaissances mathé-matiques élémentaires. Cette ressource n’offre naturellement qu’un aperçu des possibili-tés de cette méthode ; nous donnons pour cette raison un certain nombre de références, permettant au lecteur d’approfondir ou de découvrir d’autres points de vue sur le sujet.

Définition des paramètres pilotant l’étendue de la zone non-linéaire 127

3.2.4.2 Utilisation des plans d’expériences dans notre étude de sensibilité

Comme vu dans les paragraphes précédents, nous avons fait le choix d’utiliser une dalle plane en éléments coques couplés à la loi de comportement du béton EC2_Concrete. Les conditions aux limites de cette dalle sont prises comme étant des encastrements. Les paramètres restant à faire varier sont donc les suivants :

– Surface de chargement : S = 12;15;18;21;37m2, – Résistance en compression : fck= 40; 50; 60MPa, – Epaisseur de la dalle : h = 1,2;1,35;1,5;1,8;2,1m, – Taux de ferraillage : τ = 0,4;0,63%/m,

– Coefficient temps : ct= 0, 5; 1, – Coefficient effort : ce= 0, 5; 1.

Dans les valeurs à prendre en compte, nous avons retiré celles impliquant une perforation de la dalle afin conserver une flèche cohérente et de s’affranchir de ce type de problème. Nous avons également ajouté deux autres variables : ct (coefficient appliqué sur l’échelle de temps du chargement) et ce (coefficient appliqué sur la valeur de l’effort du char-gement). Ces deux valeurs sont des coefficients multiplicateurs qui vont nous permettre d’observer l’effet d’une modification de la quantité de mouvement imposée à la dalle cible sur les résultats. Dans le tableau 3.4, on peut observer les deux niveaux pris en compte pour chaque variable.

Variables

Niveaux S(m2) fck(MPa) h(m) τ(%) ct ce

-1 12 40 1,2 0,4 0,5 0,5

1 37 60 2,1 0,63 1 1

TABLE3.4: Valeurs des niveaux choisies pour le plan d’expérience.

L’utilisation d’un plan d’expérience réduit de Taguchi avec des variables à deux niveaux, nous a permis de réduire le nombre d’essais à 8 au lieu de 26= 64. Cette méthode présente ainsi un gain de temps considérable. Le tableau 3.5 nous expose les valeurs prises pour chaque essai et les résultats obtenus. Nous avons également considéré que les paramètres n’ont pas d’interaction entre eux permettant ainsi d’utiliser la table L8 de Taguchi. En termes de résultats, nous avons considéré la flèche maximale de la dalle béton, le rayon de la zone endommagée et l’effort maximal aux conditions limites. Étant donné que cette dernière valeur est très fortement dépendante du chargement appliqué et que dans les huit essais cet effort est différent, nous avons choisis d’évaluer l’effet de chacune des variables sur le rapport réaction maximale obtenue sur la réaction maximale aux appuis dans le cas d’une dalle référence qui ne subirait pas d’endommagement. Ce rapport permet de prendre en compte le pourcentage d’effort restitué aux limites de la dalle.

Flèche Rayon Réact. Réact. max.

Var. S fck h τ ct ce

max. d’end. max. /Réact. max.

Essais (m2) (MPa) (m) (%) (mm) (mm) (MN) élast. (%)

1 12 40 1,2 12,56 0,5 0,5 -129 4380 123 95,2 2 12 40 1,2 15,71 1 1 -665 10441 134 61,4 3 12 60 2,1 12,56 0,5 1 -36,8 2261 159 72,8 4 12 60 2,1 15,71 1 0,.5 -22,5 1130 84,8 77,7 5 37 40 2,1 12,56 1 0,5 -38,9 1696 82,8 75,8 6 37 40 2,1 15,71 0,5 1 -46,5 2615 190 87,0 7 37 60 1,2 12,56 1 1 -552 11441 117 53,6 8 37 60 1,2 15,71 0,5 0,5 Resultats -80,3 2559 94,5 73,1 Moy. -196,4 4565,4 123,1 74,6 TABLE3.5: Listes des essais et résultats obtenus pour le plan d’expérience.

En utilisant la formule donnée dans le paragraphe précédent sur les tables de Taguchi, on définit l’effet d’un facteur à un niveau par la moyenne de tous les résultats à ce niveau moins la moyenne générale. A partir de cela, on peut ainsi calculer l’influence de chaque paramètre sur les trois types de résultats (flèche, endommagement et réaction d’appuis). On obtient alors le tableau 3.6.

Flèche Rayon Réact. max. Flèche Rayon Réact. max.

max. d’end. /Réact. max. max. d’end. /Réact. max.

(mm) (mm) élast. (%) (mm) (mm) élast. (%) Niveaux S(m2) fck(MPa) -1 -16,9 -12,4 2,1 -23,5 217,6 5,3 1 16,9 12,4 -2,1 23,5 -217,6 -5,3 h(m) τ(%) -1 -160,2 2639,9 -3,8 7,2 379,2 -0,2 1 160,2 -2639,9 3,8 -7,2 -379,2 0,2 ct ce -1 123,2 -1611,7 7,5 128,7 -2124,2 5,9 1 -123,2 1611,7 -7,5 -128,7 2124,2 -5,9

TABLE3.6: Effet de chacune des variables sur les trois type de résultats.

L’influence de chacun des paramètres sur chaque type de résultats peut alors être compa-rée. Cela nous permet d’acquérir les trois figures 3.18, 3.19 and 3.20.

Définition des paramètres pilotant l’étendue de la zone non-linéaire 129 -200 -150 -100 -50 0 50 100 150 200 1 2 Ef fet d es p ar amètres Niveaux

Influence des paramètres sur la flèche de la dalle

S fck h τ ct cc

FIGURE3.18: Influence des paramètres sur la flèche de la dalle béton.

-3000 -2000 -1000 0 1000 2000 3000 1 2 E ffet d es p ar amètr es Niveaux

Influence des paramètres sur le rayon de la zone endommagée

S fck h τ ct cc

FIGURE3.19: Influence des paramètres sur le rayon de la zone endommagée de la dalle béton.

-10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 1 2 E ff et d es p ara tres Niveaux S fck h τ ct cc

Influence des paramètres sur la réaction maximale aux appuis de la cible

FIGURE3.20: Influence des paramètres sur la réaction maximale aux conditions limites de la dalle béton.

On peut ainsi mieux se rendre compte de l’impact de chaque variable. Ces résultats nous permettent de conclure à une forte dépendance sur l’ensemble des résultats de la quantité de mouvement mise en jeu (ct et ce). On peut également voir que l’épaisseur de la dalle a un impact très important sur la flèche de la dalle et sur l’étendue de la zone endomma-gée. Pour de ce qui est de la restitution aux frontières de l’effort appliqué, la résistance caractéristique du béton et également l’épaisseur de la dalle ont un effet important.

3.2.4.3 Conclusion du plan d’expérience

La réalisation de ce plan d’expérience associé à la méthode nous a permis de comparer et de se rendre compte de l’impact de certains paramètres sur les résultats obtenus. Avec une telle étude nous avons donc hiérarchisé ces variables en fonction de leur importance sur la zone non linéaire engendrée. En effet, jusqu’à présent, les études menées nous permettaient de voir seulement les conséquences sur la dalle béton des différentes valeurs prises par une variable. Ainsi les paramètres ayant une forte importance sont la quantité de mouvement appliquée, l’épaisseur de la dalle béton et la résistance caractéristique du béton qui la compose.

Cependant les résultats obtenus sont fortement dépendants du choix des valeurs de niveaux prises par chaque variable. Par exemple, en augmentant la différence entre les 2 niveaux d’un paramètre, on va par la même occasion accroître son impact sur la réponse observée. Les choix de niveaux doivent ainsi respecter le domaine d’application. C’est dans ce cadre que les études réalisées précédemment permettent une estimation afin de conserver cette condition.

Discrétisations et hypothèses liées à la stratégie 131

3.2.5 Conclusion sur la définition des paramètres de la structure