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Utilisation des notes d’état corporel et du poids vif pour caractériser la dynamique des

Chapitre 3 : Etude du déterminisme génétique de la dynamique des réserves corporelles

1. Intérêts et limites des choix expérimentaux et méthodologiques

1.3. Utilisation des notes d’état corporel et du poids vif pour caractériser la dynamique des

La DRC, chez les ruminants, est caractérisée par une alternance entre des périodes de mobilisation (généralement entre la fin de gestation et la fin de la période de lactation) et de reconstitution des RC (généralement entre le sevrage de la portée et le milieu de la gestation suivante) au cours d’un cycle de production (González-García et al., 2014 ; 2015). Cette dynamique est donc caractérisée par une aptitude de la brebis à « faire le yoyo » au cours de plusieurs cycles de production (cf. alternance entre plusieurs périodes de mobilisation et de reconstitution des RC). Le PV et la NEC sont des

175 mesures utilisées en routine en zootechnie, puisque ce sont des caractères assez facilement mesurables. Ce sont des caractères considérés comme typique lorsqu’il s’agit d’estimer l’état corporel des animaux et donc le niveau des RC des individus. Ces mesures permettent ainsi des prises de décision pour améliorer la conduite du troupeau, par exemple pour des volets comme l’alimentation, l’état de santé ou la mise à la reproduction (Pryce et al., 2002 ; Thorup et al., 2012 ; Brown et al., 2015).

1.3.1. Avantages et limites de la note d’état corporel et du poids vif

L’une des limites de l’utilisation du PV pour estimer les RC des brebis est que cette mesure n’estime pas uniquement la quantité de réserves énergétiques, mais intègre aussi le poids de ses organes, son gabarit, le poids de sa toison et peut être affecté par le moment de la journée, le statut nutritionnel de l’animal ou son stade physiologique. Quant à la NEC, il existe un consensus sur sa subjectivité puisque c’est l’opérateur qui juge de l’état d’engraissement de l’animal par palpation. Certains auteurs ont ainsi estimés que les mesures de NEC pouvaient être variables, que ce soit inter ou intra- opérateurs en fonction de la qualité et de la fréquence des formations qu’ils ont pu réaliser (Russel et al., 1969 ; Edmonson et al., 1989 ; Kenyon et al., 2014). L’une des façons de limiter cette subjectivité est de garder les mêmes opérateurs au cours du temps, qu’ils soient formés et qu’ils réalisent des ateliers de calibration pour croiser leurs résultats et homogénéiser leur pratique de notation. Ainsi, sur le domaine de La Fage où se situent les brebis Romane de cette étude, deux opérateurs formés ont réalisé l’ensemble des NEC utilisées dans notre étude. Ils ont réalisé régulièrement de nombreuses sessions d’entraînement pour se calibrer. La NEC ne permet d’estimer que la quantité des RC les plus externes des animaux, qui peuvent ne pas être une bonne appréciation des RC les plus internes. Cette mesure reste néanmoins l’une des plus rapide et facile à réaliser, y compris par les éleveurs dans des conditions de production. Par ailleurs, des études chez les bovins et les ovins indiquent une forte corrélation entre la NEC et le poids total de gras corporel, de gras de carcasse, de gras interne et d’épaisseur du gras (de 0,82 à 0,94 ; Ayres et al. 2009 ; Chavarría-Aguilar et al., 2016).

Ainsi, au vu des différentes études réalisées, montrant à la fois la variabilité des caractères de PV et de NEC et de leurs variations, ainsi que leur héritabilité (Koenen et al., 2001 ; Shackell et al., 2011 ; Walkom et al., 2014a ; 2014b ; 2016) et les corrélations génétiques intéressantes et favorables avec des performances de production (Everett-Hincks et Cullen, 2009), le PV et la NEC semblent être deux caractères intéressants pour étudier la DRC chez les ruminants.

Au niveau des mesures réalisées sur la ferme expérimentale, on peut aussi se poser la question de la nécessité de mesurer à la fois le PV et la NEC pour chaque stade physiologique. De nombreux auteurs, travaillant sur les niveaux de PV et de NEC, indiquent que ces deux mesures peuvent être

176 complémentaire et qu’un lien existe entre elles (Sanson et al., 1993 ; Zygoyiannis et al., 1997 ; van Burgel et al., 2011), ce qui est aussi vérifié dans cette thèse. Cependant, au niveau des variations de NEC et de PV, cette thèse a montré que peu de corrélations existaient entre les variations de NEC et les variations de poids vif, excepté au même stade physiologique, même si ces corrélations restent faibles à moyennes. Ces résultats nous indiquent que les variations d’état sont relativement indépendantes des variations de PV et nous avons donc choisi de nous concentrer sur l’analyse des variations de NEC pour la partie concernant les objectifs autour du déterminisme génétique de la DRC.

1.3.2. Utilisation d’autres phénotypes ?

D’autres phénotypes peuvent aussi être intéressants à utiliser pour caractériser la DRC, tels que l’épaisseur de gras dorsal, mesurée par exemple grâce à des échographies, ou les profils des métabolites et hormones plasmatiques qui sont en lien avec les voies métaboliques énergétiques et plus particulièrement lipidiques (cf. AGNE, β-OHB, insuline, T3 ; Caldeira et al., 2007 ; González-García et al., 2014 ; 2015). Ces caractères, liés aux niveaux des RC, sont considérés comme des mesures plus objectives et précises que la NEC, bien que la mesure d’échographie soit aussi dépendante de l’opérateur et de la répartition des dépôts de gras dans le corps (Schröder et Staufenbiel, 2006 ; Bewley et Schutz, 2008). De plus, ces phénotypes sont héritables et présentent une variabilité qui pourrait permettre de sélectionner sur ces caractères (Weng et al., 2016 ; Hazard, données non publiées). Cependant, la limite des mesures des métabolites ou hormones est que l’obtention des résultats est plus longue, avec des protocoles de suivi plus lourds et couteux. De plus, il peut être compliqué de réaliser des prises de sang sur un grand nombre d’animaux, ce qui implique une limite supplémentaire pour étudier les profils des métabolites et hormones au niveau génétique. Néanmoins, pour la recherche sur la robustesse, les études avec ce type de variables physiologiques restent à privilégier et à combiner dans l’avenir avec d’autres caractères moins compliqués à mesurer.

D’autres phénotypes potentiellement utilisables pourraient être des paramètres synthétiques, provenant de la modélisation des variations d’état corporel. Il y aurait ainsi deux paramètres complémentaires résumant l’information des capacités de mobilisation et de reconstitution des RC de la brebis. Ces deux caractères pourraient même être combinés dans un unique indicateur pour n’obtenir qu’une seule valeur par animal caractérisant sa capacité d’adaptation d’une manière dynamique. Cela permettrait alors de sélectionner des animaux qui sont intéressants pour les deux phases complémentaires à prendre en compte dans la DRC (c.à.d., les périodes de mobilisation et de reconstitution des RC).

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1.3.3. Fréquence et temporalité des phénotypes

Un autre point important est la fréquence à laquelle devraient être mesurés ces phénotypes pour caractériser correctement la DRC. Dans cette thèse, la fréquence de mesure, qui peut varier en fonction du phénotype, mais aussi des conditions d’expérimentation, a été choisie en fonction des stades physiologiques des brebis. Sept mesures au maximum pour le PV et huit au maximum pour la NEC ont ainsi été obtenues chez les brebis au cours d’un cycle de production. Ces différents points de mesure correspondent tous à un moment clé du cycle de la brebis (cf. mise à la reproduction ou lutte, début de gestation, milieu de gestation, mise-bas, début d’allaitement, fin d’allaitement, sevrage et post-sevrage) et permettent d’observer les périodes de mobilisation et de reconstitution des RC. Cependant, avoir uniquement huit points au maximum par brebis peut s’avérer insuffisant si le but est d’observer de manière précise la DRC dans un contexte de recherche. L’écart entre les mesures peut impliquer de passer à côté de plus petites périodes de mobilisation ou de reconstitution des RC au sein des plus grandes périodes de variation d’état corporel, ou encore de définir avec imprécision les débuts et fins de ces périodes. Ceci pourrait être évité en augmentant la fréquence des mesures au sein d’un cycle de production. Au minimum, un point en fin de gestation pourrait s’avérer intéressant pour le caractère PV par exemple, pour mieux connaître la prise de poids totale de la brebis au cours de cette période. Ce point manque actuellement dans nos données. Néanmoins ceci est justifié par la nécessité de limiter les manipulations des brebis en fin de gestation (cf. éviter les sources de stress additionnelles pour les femelles en fin de gestation avec des risques abortifs, etc.). Aux périodes de début de mobilisation et de reconstitution des RC, deux points pourraient être ajoutés, à 15 jours d’intervalle par exemple, pour essayer d’avoir une idée plus précise de la date exacte de début de ces périodes. Pour les mesures de NEC, réaliser des mesures à une fréquence élevée (journalière ou hebdomadaire) ne semble pas pertinent du fait d’une finesse de mesure peu élevée, à moins que la NEC ne soit réalisée autrement que par la palpation, par exemple avec de nouvelles technologies telles que l’imagerie 3D. Il faut néanmoins prendre aussi en compte la charge de travail pour les opérateurs ainsi que le bien-être animal lors du choix de la fréquence de mesure, surtout lorsque des brebis en production sont considérées.

De plus, dans cette thèse, l’effet du stade physiologique sur la DRC peut parfois être confondu avec les variations des ressources alimentaires disponibles (González-García et al., 2014). Il semble pourtant difficile d’étudier ces variations de ressources alimentaires et leur impact sur la DRC de manière précise dans nos conditions, du fait de l’élevage plein air. Pour dissocier ces effets, il pourrait être intéressant de mesurer l’ingestion des animaux au pâturage, ce qui représente un challenge à l’échelle individuelle. Ceci pourrait être réalisé par des méthodes indirectes, par exemple à La Fage sont mesurées les hauteurs d’herbe à l’entrée et à la sortie des animaux des parcs, ce qui

178 permet de connaître l’ingestion du troupeau au moins à l’échelle d’un lot d’animaux. Des prélèvements sont aussi réalisés pour connaître la nature et l’abondance des espèces végétales présentent dans le parc ce qui permettrait d’estimer la valeur nutritionnelle de la biomasse. De plus, le prototype d’autopesée « walk-over weighing » au pâturage (Brown et al., 2015 ; González-García et al., 2018), est en cours d’évaluation à La Fage avec l’objectif de permettre l’estimation de la quantité ingérée journalière des animaux à l’échelle individuelle, à partir des variations de PV pendant la journée.