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Existe-t-il une variabilité interindividuelle dans les trajectoires de la dynamique des réserves

Chapitre 3 : Etude du déterminisme génétique de la dynamique des réserves corporelles

2. Dynamique des réserves corporelles chez les brebis Romane élevées en plein air intégral

2.1. Existe-t-il une variabilité interindividuelle dans les trajectoires de la dynamique des réserves

La première étude réalisée dans cette thèse a confirmé l’hypothèse de l’existence de plusieurs trajectoires (profils) d’évolution du PV et de la NEC au cours d’un cycle productif chez les brebis Romane dans les conditions d’élevage du parcours de La Fage. En effet, une analyse de cluster a permis de mettre en évidence trois grands groupes de brebis avec des trajectoires différentes pour la NEC et ce, pour les trois premiers cycles de production. Deux à quatre trajectoires différentes ont été observées pour le PV selon le rang du cycle. Ces trajectoires diffèrent principalement par le niveau du phénotype, mais aussi par la forme de la courbe. Lorsque les valeurs de PV ou de NEC sont corrigées par le niveau moyen respectif de PV ou de NEC au cours de la vie productive de la brebis, des différences sont encore observées dans la forme des trajectoires de variation des PV ou de NEC des brebis. Pour le PV corrigé par son niveau moyen, trois trajectoires différentes ont été observées pour les cycles 1 et 2 et deux pour le cycle 3. Ces trajectoires, similaires à celles observées pour le PV sans correction, présentent de la variabilité sur la forme et le niveau. Les deux trajectoires obtenues pour

183 la NEC corrigée par son niveau moyen sont néanmoins assez similaires, montrant que la plus grande diversité de profils réside dans la différence de niveau.

Dans les conditions expérimentales de cette étude, les RC sont mobilisées de la mi-gestation à la fin de la période d’allaitement. La période de reconstitution des RC commence après le sevrage des agneaux et dure jusqu’au début de la période de gestation suivante. Les profils de PV et de NEC observés dans cette étude sont donc cohérents avec ceux précédemment décrits par González- García et al. (2014). Les profils de PV présentent une variabilité plus forte que les profils de NEC au cours du cycle productif. Cependant, le poids vif des brebis augmente continuellement durant la gestation, du fait de l’augmentation du poids du fœtus, ce qui empêche d’observer le début de la période de mobilisation des RC en utilisant le PV. Les mesures de NEC permettent alors de compléter l’information de la DRC pour cette période. Dans cette étude, il semble que la DRC estimée grâce aux mesures de NEC soit plus intéressante à analyser, même si elle présente moins de différences qu’avec les mesures de PV (cf. nombre de clusters inférieur pour la NEC et trajectoires plus similaires que celles des PV). En effet, la NEC ne dépend pas du poids des organes ou du fœtus des brebis par exemple. De plus, les trajectoires de NEC observées résument correctement l’information des trajectoires de PV, même si la différence de trajectoires entre les brebis mises à la reproduction à 1 ou 2 ans n’est plus visible.

Les trajectoires de NEC et de PV sont principalement influencées par le stade physiologique (confondu avec l’effet saison dans notre étude), ainsi que par plusieurs autres facteurs de variation tels que le cycle de production de la brebis, la taille de sa portée ou encore son âge lors de sa première mise-bas. Pour les brebis qui présentent des trajectoires de NEC similaires sur plusieurs cycles de production, une plus forte amplitude de variation au cours du cycle est observée chez les primipares en comparaison des multipares, ce qui pourrait être expliqué par une capacité « d’apprentissage métabolique » des brebis capables de gérer leurs RC de manière plus efficiente au cours de leur carrière (Macé et al., 2019). Cependant, au sein d’un même cluster, différentes tailles de portée et différents âges à la première mise-bas sont retrouvés, ce qui indique que ce ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de la variabilité des trajectoires. Ainsi, en fixant certains de ces facteurs, par exemple en ne prenant que des brebis ayant eu deux agneaux et qui ont le même âge moyen entre les clusters, trois grands groupes de brebis avec des trajectoires différentes de PV et de NEC entre les groupe sont toujours observés. De plus, lorsque les données brutes de NEC et PV sont corrigées pour ces facteurs de variation et que l’analyse porte sur les résidus du modèle, des différences sont à nouveau observées et les trajectoires sont similaires à celles observées en considérant les données brutes (résultats non publiés). Ainsi, une grande part des variations des trajectoires de PV et de NEC est liée à la variabilité interindividuelle.

184 Compte tenu des avantages liés à la mesure de NEC par rapport aux mesures de PV, nous avons choisi de concentrer les travaux sur la DRC caractérisée par les mesures de NEC.

En complément de ce travail descriptif de caractérisation de la DRC, j’ai entrepris un travail de modélisation pour estimer les capacités individuelles de mobilisation et de reconstitution des RC en considérant l’ensemble des données longitudinales d’un cycle productif et pas seulement certaines périodes physiologiques (à partir des mesures de NEC). Le modèle mathématique développé, nommé « PhenoBCS », permet ainsi l’estimation des capacités de mobilisation et de reconstitution des RC pour chaque cycle de production i grâce à trois paramètres : et , c.à.d. la capacité de reconstitution des RC, la capacité de mobilisation des RC et la durée de la période de mobilisation des RC, respectivement. Les moyennes de ces paramètres synthétiques, ajustées pour les facteurs de variation (cf. taille de la portée, parité, âge à la première mise-bas, année de mesure), sont cohérentes avec les résultats obtenus pour les trajectoires des RC. De plus, les facteurs physiologiques, précédemment cités, impactent ces trois paramètres de façon similaire à leurs effets sur les variations de NEC. Ainsi, les plus fortes variations pour et se retrouvent aussi chez les brebis primipares par rapport aux multipares (cf. et 1,06 à 1,24 fois plus importants pour les primipares), résultat déjà observé avec l’analyse de cluster. La durée de la période de mobilisation est aussi significativement plus longue chez les brebis primipares comparé aux brebis multipares. Les résultats obtenus avec la modélisation, en accord avec ceux observés pour l’analyse de clusters, démontrent la validité du modèle développé et l’intérêt d’utiliser ces paramètres synthétiques pour caractériser la DRC et pour classer les individus en fonction de leurs profils de DRC.

A notre connaissance, c’est la première fois que cette variabilité de trajectoires de NEC est mise en évidence chez les ovins allaitants tout au long de la vie productive et ce, sur un grand nombre d’animaux (cf. supérieur à 1000). Par ailleurs, le travail innovant de modélisation permet d’obtenir plusieurs paramètres caractérisant la capacité de mobilisation des RC de la brebis, sa capacité de récupération, la durée de la période de mobilisation ainsi que les temps de début et de fin de cette période au cours d’un cycle de production. L’estimation de ces paramètres n’avait encore jamais été proposée.