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2. Les réserves énergétiques corporelles des ruminants

2.3. Les régulations des réserves corporelles

La première régulation qui peut avoir lieu est indirecte grâce aux conditions climatiques qui peuvent être plus ou moins maitrisées en fonction des systèmes d’élevage. En effet, si l’élevage est réalisé en bâtiment, sans aléas climatiques, avec une température qui est régulée, alors cela aura tendance à permettre un stockage des RC ou au moins de limiter les pertes de RC lors de stades physiologiques clés comme la fin de gestation ou le début de l’allaitement, grâce à la thermorégulation.

La deuxième régulation qui peut avoir lieu est aussi indirecte et est réalisée à partir de la ration fournie. Lors de périodes de sous-nutrition (avec une augmentation de la lipolyse et une diminution de la lipogenèse), impliquant un bilan énergétique négatif, une baisse de la digestibilité des fourrages peut être observée. La diminution de la quantité de nutriments absorbables est alors accompagnée par une baisse de l’absorption d’AGV par la paroi du rumen (Chilliard et al., 1998). De plus, la néoglucogenèse diminue avec la baisse de la concentration de son principal précurseur, le

33 propionate (Figure 14). C’est le glycérol, provenant de la lipolyse des tissus adipeux, qui compense alors cette diminution avec les acides aminés, provenant de la protéolyse (Figure 15).

Figure 14. Adaptations métaboliques des ruminants à la sous-nutrition. AGNE : Acide gras non estérifiés ; T3 : Triiodothyronine ; T4 : Thyroxine ; AGV : Acide Gras Volatil ; AA : Acides Aminés (adapté

de Chilliard et al., 1998).

De plus, lorsque le bilan énergétique est négatif, une augmentation de la synthèse des AGNE dans le tissus adipeux a lieu. Lorsque le bilan énergétique est positif, les AGNE (captés par le foie) et le glycérol peuvent être transformés en triglycérides grâce à une estérification. Les profils des AGNE plasmatiques permettent ainsi de montrer le degré de mobilisation des RC, ce qui en fait un biomarqueur très utile pour mettre en place des suivis de dynamique des RC (Duffield, 2011).

De plus, une alimentation qui sera plus riche en concentrés aura tendance à diminuer la proportion de d’acétate et d’AGV et augmenter celle de propionate produit (Wattiaux et Armentano, 2005). Des fourrages tels que le foin ont tendance à augmenter la proportion en acétate du rumen, tandis que l’herbe ou l’ensilage ont plutôt tendance à augmenter la proportion de propionate et diminuer celle d’acétate (McDonald et al., 2011).

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Figure 15. Schéma présentant les voies métaboliques mises en place chez les ruminants lors de périodes avec une bonne alimentation et lors de périodes en sous-alimentation. AA, Acide aminé ; AG, Acide gras ; Lac, Lactate ; Prot., Protéine ; SP, Protéine unique ; DP, Protéine double ; LHS, Lypase hormono-sensible ; Gluc, Glucose ; C3, Propionate, AGL, Acide gras libre ; CC, corps cétonique ; Rouge, Métabolisme protéique ; Vert, Voies métaboliques des trois AG volatiles principaux ; Bleu, Néoglucogenèse (adapté de Bocquier et González-García, communication personnelle).

De plus, chez les ruminants, la quantité de glucose directement absorbée est faible mais peut être légèrement augmentée si la proportion de céréales avec du maïs augmente (Herdt, 1988). Une complémentation avec du gras alimentaire est aussi souvent réalisée chez les ruminants, particulièrement en production laitière. Cette complémentation a pour but d’améliorer l’absorption des acides gras par les tissus adipeux et augmenter la proportion finale de gras dans la carcasse et de la matière grasse du lait. Il semblerait que le gras ait moins d’effets négatifs avec des régimes riches en foin qu’avec des régimes riches en ensilage de maïs. Ainsi, des régimes riches en amidon auront tendance à diminuer la lipolyse (et donc la formation d’AGV) qui a lieu dans le rumen, en lien avec la baisse de pH (Doreau et Chilliard 1997).

De plus, les différents mécanismes étudiés dans la partie précédente sont également régulés par des hormones telles que l’insuline et le glucagon, les catécholamines, les glucocorticoïdes ou encore la leptine. La régulation de la lipolyse est hormono-dépendante, favorisée par les catécholamines et induite par la leptine. La régulation de la lipogenèse est aussi hormono-dépendante, favorisée par l’insuline (Figure 14).

La leptine est une hormone qui est sécrétée par les tissus adipeux et qui permet d’induire la lipolyse lorsqu’elle est présente en grande quantité. Elle est considérée comme étant une hormone de satiété, avec des effets complexes combinant à la fois des mécanismes de contrôle de l’ingestion et d’utilisation des RC (Heiman et al., 1999). Chez les ovins et les bovins, les différences d’état d’engraissement expliquent 50 % des variations interindividuelles de la leptinémie. L’insuline, tout comme les glucocorticoïdes, le niveau alimentaire ou encore la photopériode, ont un effet stimulant

35 sur le taux d’ARNm de leptine ou sur sa production chez la brebis (Figure 16) alors que chez les espèces monogastriques l’insuline ne semble pas avoir d’effets. Ainsi, la leptine est considérée comme un signal métabolique sur le long terme et sa diminution stimule l’appétit du ruminant et empêche la dépense énergétique (Chilliard et al., 1999 ; Delavaud et al., 2000 ; Ingvartsen et Boisclair, 2001 ; Altmann et al., 2006).

Les catécholamines les plus courantes sont l’adrénaline et la noradrénaline, elles sont synthétisées à partir de la tyrosine, par les cellules de la médullosurrénale et les neurones postganglionnaires du système nerveux orthosympathique. Les catécholamines possèdent deux rôles : celui d’hormones et celui de neurotransmetteurs et favorisent la lipolyse dans des situations de bilan énergétique négatif ou de stress, ce qui peut expliquer que, parfois, les AGNE augmentent dans des situations de stress autres que le bilan énergétique négatif. De plus, ces hormones peuvent augmenter le taux de glucose dans le sang si nécessaire en intervenant dans le métabolisme du glycogène pour favoriser la production d’énergie. Leur rôle est donc antagoniste de l’insuline et permet la libération des AGNE dans le sang. Elles ont une action sur le court terme.

Les glucocorticoïdes, dont le cortisol principalement, permettent de réguler le métabolisme des lipides, des glucides et des protéines. Au niveau du métabolisme glucidique, le cortisol régule la glycémie en permettant l’augmentation de la synthèse de glucose grâce à la néoglucogenèse. Le cortisol permet aussi de stimuler la libération des lipides dans la plupart des tissus.

L’insuline est une hormone qui permet la lipogenèse (cf. la synthèse des lipides). Elle est dépendante de la glycémie et donc de la concentration en glucose (plus il est disponible plus la concentration en insuline augmente). La présence d’insuline en forte quantité permet d’augmenter l’utilisation du glucose dans les tissus, d’augmenter la lipogenèse et donc d’inhiber la lipolyse. Ainsi, avec une augmentation de l’insuline, la glycémie diminue, de même que la concentration en AGNE plasmatique. L’insuline va ainsi favoriser le stockage des AGNE en triglycérides. Le glucagon est une hormone qui agit à l’inverse de l’insuline. Elle induit donc la lipolyse ainsi que la néoglucogenèse et favorise l’entrée des AGNE dans le foie pour les voies oxydatives (Chilliard et al., 1998).

La triiodothyronine (T3) est une hormone thyroïdienne. Elle permet de réguler le métabolisme basal

des protéines, des lipides et des glucides, avec un impact plus important sur les composés riches en énergie. Elle stimule la dégradation du cholestérol et permet d’accélérer la lipolyse, ainsi que la dégradation du glycogène et la synthèse du glucose par la néoglucogenèse.

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Figure 16. Facteurs permettant la régulation de la production de leptine par le tissu adipeux chez les ruminants (d’après Chilliard et al., 1999). IGF-I, Facteur de croissance 1 ressemblant à l’insuline ; NPY, Neuropeptide Y ; β-agonistes : bêta-agoniste.