CHAPITRE 4. MODELISATION PAR ELEMENTS FINIS DES ASSEMBLAGES
1. D ESCRIPTION MULTI ECHELLE DES PRINCIPALES FAÇONS DE MODELISER LE BOIS ET CHOIX DU MODELE
1.1. Modélisation du bois à une échelle macroscopique
1.1.3. Utilisation des modèles éléments finis par critère de rupture pour modéliser le comportement
0 01 , 0 018 , 0 00226 , 0 01 , 0 000418 , 0 0482 , 0 σ12 + σ22 + σ62 − σ1σ2+ σ1 − σ2 + σ6 = .
En changeant le coefficient d’interaction (F12 =0,00226) de 100%, ce qui
correspond, d’après les auteurs à une erreur sur la mesure du test biaxial de 5%, la forme du critère change de manière très importante comme le montre la Figure 141. Figure 141 : Changement de la forme du critère de rupture d’Abies alba dû à la variation de 100% du coefficient d’interaction (variation due à une erreur de 5% lors du test biaxial – [KAS 2005])
1.1.3. Utilisation des modèles éléments finis par critère de
rupture pour modéliser le comportement global du bois
Bouchaïr [BOU 1993] a appliqué la forme générale du critère de Tsaï‐Wu en tant que critère d’écoulement plastique associé pour le matériau bois. Pour éviter le problème lié à la sensibilité du critère due à la variation du coefficient d’interaction12
F illustré par Kasal et Leichti [KAS 2005] sur la figure 141, Bouchaïr a été amené à
tester différentes valeurs de ce coefficient pour choisir la forme du critère la mieux adaptée au bois et finalement, il choisit le critère de la figure 142 (a). Ce critère permet de prendre en compte la dissymétrie entre la résistance en compression et en traction du matériau mais pose le problème qu’il donne une valeur de résistance en sollicitation mixte traction longitudinale et transversale légèrement supérieure à celle en traction uniaxiale (zone entourée en rouge de la figure 142). L’utilisation de ce critère permet à l’auteur d’expliquer certaines ruptures dans les assemblages brochés en définissant par ailleurs des zones potentielles de rupture. Bouchaïr souligne qu’un des problèmes principaux de ce critère est qu’il ne prend pas en compte le comportement fragile du bois en traction.
Un autre problème lié à l’utilisation d’un modèle de ce type est l’incapacité de distinguer les différents modes de ruptures : il s’agit d’un critère global qui ne donne pas suffisamment d’indication sur le comportement mécanique du matériau. Pour palier à ce problème, Helnwein et al. [HEL 2001] ont introduit une deuxième surface
pour décrire la non linéarité introduite par la compression radiale ; ce modèle ne permet cependant pas de prendre en compte le comportement fragile du matériau en traction. Figure 142 : Critère de Tsaï‐Wu utilisé par Bouchaïr [BOU 1993] pour modéliser des assemblages brochés D’autres surfaces de charges ont été développées dans la bibliographie. En 1992, François [FRA 1992] a travaillé sur des essais uni, bi et triaxiaux sur le matériau bois et en particulier sur du Peuplier. A partir de ces essais, il propose un critère de rupture liant la compression dans les différentes orientations du bois. Il a montré que dans les essais uni et multiaxiaux, la matière s’écoule dans la direction de plus faible résistance mécanique. Il observe en outre que la sollicitation du matériau dans une direction n’influence pas les limites élastiques dans les autres directions, qui restent égales à celles d’une sollicitation uniaxiale. Ainsi, lorsque le bois est sollicité de manière multiaxiale, et que la limite élastique uniaxiale dans une des directions est atteinte, alors la matière s’écoule dans cette direction. François affirme donc que le comportement plastique est découplé ce qui signifie que les directions sont indépendantes les unes des autres en ce qui concerne le comportement plastique. Concrètement, pour des espèces où les limites élastiques en compression radiale et tangentielle sont différentes (Balsa et Pin Maritime ‐ Figure 143 (a)), la surface de charge dans le plan RT est un rectangle et l’évolution de cette surface est normale à la surface de base. En revanche, pour une espèce où les limites élastiques en compression radiale ou tangentielle sont proches (Peuplier ‐ Figure 143 (b)), la surface de charge dans le plan RT est un rectangle dont un de ses angles est tronqué.
Figure 143 : Représentation du critère boite de François [FRA 1992]
Dans tous les cas, la limite élastique du bois en compression longitudinale étant plus élevée que dans les directions transversales, la surface de charge dans le repère LR ou LT est un rectangle (Figure 143 (c)). Dans le cas où le bois est considéré comme isotrope transverse (propriétés mécaniques dans les directions radiales et tangentielles égales), le critère est toujours rectangulaire. Le critère résultant de ces observations est appelé critère boîte (Figure 143 (d)). La pression nécessaire pour la réalisation des essais bi et triaxiaux font que le critère boîte de François n’est valide que jusqu’au plateau de densification.
Adalian [ADA 1998] a travaillé sur la modélisation du bois en tant qu’absorbeur de chocs dans des conteneurs. Le matériau est alors sollicité uniquement en compression ce qui permet de retenir le modèle boîte pour la modélisation. Il est considéré comme étant isotrope transverse. Adalian part du principe que le bois se comporte comme une structure en nid d’abeille lors de sa compression. Elle utilise
(b) Fonction de charge dans le plan RT pour le Peuplier (c) Fonction de charge dans le plan LR et LT pour le Peuplier (d) Représentation en 3D de l’enveloppe de rupture du Peuplier Direction transversale Direction tangentielle Direction radiale (a) Fonction de charge dans le plan RT pour le Balsa et le Pin Maritime
alors cette structure comme base de maillage dans laquelle elle implémente une loi de comportement du bois en compression sous LS‐DYNA3D. La figure 99 montre les différents paramètres qu’elle considère pour la modélisation du bois en compression.
Tant que ε < , le bois est un matériau poreux et Adalian utilise le modèle boîte de εc
François ; au‐delà, le matériau est consolidé et est modélisé par un comportement plastique de type Von‐Mises.
Le critère boîte de François est applicable uniquement dans les cas où le bois n’est soumis qu’à de la compression. La traction uniaxiale et le cisaillement (ainsi que leurs interactions) ne sont pas pris en compte.
Pour aller plus loin dans la démarche de François, Eberhardsteiner [EBE 2002] a réalisé une machine permettant de solliciter le bois en traction et en compression simultanément, ce qui lui a permis de réaliser des sollicitations biaxiales sur des éprouvettes de résineux sans défaut (Figure 104). Il considère le matériau bois comme isotrope transverse. Il a reporté les résultats trouvés dans un repère de contraintes avec en abscisse la contrainte dans la direction longitudinale et en ordonnée la contrainte dans la direction transversale (Figure 144). En essayant de faire correspondre un critère de Tsai‐Wu à ses résultats expérimentaux, il s’avère que le critère ne correspond pas exactement aux valeurs d’essais notamment au niveau de la traction longitudinale. Pour palier à cette constatation, Mackenzie‐Helnwein et al. [MAC 2005] prennent en compte quatre modes de rupture observés (rupture fragile en traction parallèle au fil du bois, rupture fragile en traction perpendiculaire au fil du bois, rupture ductile en compression perpendiculaire au fil du bois et rupture ductile en compression parallèle au fil du bois) et un mode de rupture en cisaillement pour constituer un critère de rupture. Ils ont donc réalisé un modèle multicritère. Du fait des mécanismes de rupture mis en jeu, le modèle n’est valide que pour du bois de résineux.
Figure 144 : Résultats issus d’essais biaxiaux sur le bois [MAC 2005]
Fleischmann [FLE 2005] et Fleischmann et al. [FLE 2007] ont utilisé ce critère pour modéliser un essai sur une ferme qu’ils ont préalablement réalisée (Figure 145). La figure 145 montre que le modèle décrit sous‐estime la limite élastique par rapport à l’essai. Ceci peut s’expliquer par le fait que le modèle décrit mal le comportement en cisaillement du bois lorsque la déformation est trop importante (zone C de la figure 15). En effet, Eberhardsteiner [EBE 2002] précise que les essais qu’il a réalisés (à partir desquels le modèle est construit) ne prennent pas en compte la zone de densification du bois en compression.
Figure 145 : Modélisation d’une ferme par le modèle de Mackenzie‐Helnwein et al. [FLE 2005]
Grosse [GRO 2005] et Grosse et Rautenstrauch [GRO 2004] ont développé un modèle orthotrope multisurface pour le bois de résineux sans défaut. Pour les sollicitations uniaxiales, les auteurs se basent sur des observations du matériau à la rupture jusqu’à l’échelle cellulaire. Ils prennent en compte trois interactions : interaction traction transversale et cisaillement dans le plan LT et le plan LR ainsi que la compression transversale et le cisaillement dans le plan LR. Ces interactions sont déterminées à partir de données bibliographiques. A partir de ces observations et de ces recherches bibliographiques, Grosse et Rautenstrauch ont construit une surface limite à partir de différentes surfaces indépendantes comme l’indique la figure 146. La direction dans laquelle le critère s’écoule n’a, d’après les auteurs, fait l’objet d’aucune étude valide, aussi le critère d’écoulement est pris associé. Unité : mm F o rc e de réac tio n ( k N ) Déplacement de la traverse (mm)
Figure 146 : Critère multisurface pour du bois de résineux [GRO 2005] : (a) dans le plan LR et (b) dans le plan LT
Hormis, l’interaction compression transversale – traction longitudinale, ce critère multisurface semble complet. Il a été utilisé pour simuler un test de cisaillement d’un plancher bois‐béton et les résultats du modèle sont confrontés à des données expérimentales (Figure 147). Figure 147 : Confrontation entre le modèle multi critère et un test de cisaillement d’un plancher bois‐béton [GRO 2005] Néanmoins, ce modèle nécessite de nombreuses données sur les matériaux qui ne sont pas facilement déterminables notamment pour le bambou. De plus, il est implémenté dans Ansys qui n’est pas à disposition pour cette étude ; il nécessiterait alors de coder tout ce modèle dans le logiciel à disposition ce qui n’est pas possible dans le temps imparti. Ce type de modèle, très précis, nécessite une connaissance très Déplacement (mm) Force (kN/ V M ) Série 1 Série 2 MEF
pointue du matériau pour déterminer sa surface de charge. Cependant, son écoulement plastique est considéré comme associé ce qui n’est pas vérifié car difficilement mesurable expérimentalement. Il est donc choisi de réaliser un modèle plus simple dont les paramètres d’entrée sont déterminés expérimentalement.
1.1.4. Conclusion sur l’utilisation des modèles éléments finis
utilisant les fonctions de charge pour simuler les
assemblages précontraints bois
Pour simuler les assemblages précontraints pour le bois, il est nécessaire de densifier le matériau jusque dans la zone de densification proprement dite. Aussi, malgré la caractérisation complète du bois de résineux sans défaut réalisée grâce à sa machine biaxiale, Eberhardsteiner [EBE 2002] (Figure 144) ne peut caractériser le bois en compression au‐delà du plateau de densification. Aussi, ce modèle ne semble pas adapté à la simulation des assemblages étudiés. Le critère multisurface développé par Grosse [GRO 2004] [GRO 2005] permet de dépasser le plateau de densification. Cependant, le temps imparti à la réalisation de la modélisation par éléments finis des essais précontraints ne permet pas d’implémenter et de maîtriser parfaitement un modèle aussi compliqué. Aussi, il est choisi de ne pas utiliser cette modélisation pour répondre à la problématique posée. L’analogie du bois à un matériau cellulaire ou à une mousse en compression a été énoncée par Gibson et Ashby [GIB 1997] (Figure 148). A partir de ces travaux et du modèle boîte de François [FRA 1992], Adalian [ADA 1998] réalise son modèle. Ce dernier permet d’aller au‐delà du plateau de densification. Cependant, il ne permet pas de prendre en compte d’autres sollicitations ni interactions que celles en compression. Cette façon de modéliser est donc à rejeter pour la simulation à réaliser.
Figure 148 : observations microscopiques d’une éprouvette de Balsa à différents taux de densification [GIB 1997]