CHAPITRE 1. APPLICATION DU PRINCIPE DE LA PRECONTRAINTE POUR LE BOIS
5. A PPLICATION DU PRINCIPE DE LA PRECONTRAINTE SUR DES AVIVES DE BOIS
5.1. Augmentation de la résistance du bois en compression transversale : densification du matériau
5. APPLICATION DU PRINCIPE DE LA PRECONTRAINTE SUR
DES AVIVES DE BOIS
Pour appliquer le principe des assemblages précontraints pour le bambou présentés aux paragraphes précédents sur du bois, il est nécessaire de trouver une solution pour augmenter la résistance de ce matériau en compression transversale sans altérer ses propriétés dans la direction longitudinale. Cette solution est recherchée dans les données bibliographiques. A partir de là, il est possible de trouver la géométrie donnée aux assemblages précontraints pour les avivés de bois et de les tester.
5.1. Augmentation de la résistance du bois en compression
transversale : densification du matériau
Les propriétés mécaniques du bois étant fortement liées à sa masse volumique ([WAN 1950], [BOD 1982], [KOL 1968], [GIB 1997], [DIN 2000]), il est logique de penser que pour augmenter la résistance du bois en compression transversale, il suffit d’augmenter sa densité. Cette technique est connue dans la bibliographie sous le nom de densification transversale du bois. Cette méthode est utilisée depuis plus d’un siècle et au moment de la deuxième guerre mondiale, alors que le métal et le plastique devenaient rares, le bois densifié était utilisé comme matériau de substitution. D’après Blomberg [BLO 2006], il existe trois façons de densifier le bois : (a) par imprégnation en remplissant les lumens et les parois cellulaires avec une substance adéquate comme des polymères, des résines..., (b) par compression en réduisant la porosité du matériau bois par l’effondrement de sa structure interne et (c) par imprégnation et compression en combinant les deux méthodes (a) et (b). Dans la suite du document la densification transversale sera appelée par abus de langage densification.
La méthode retenue ici pour densifier le bois est la méthode (b) qui permet de ne pas injecter de produits dans le matériau bois et qui semble donc plus facile à mettre en œuvre et plus écologique. Le matériau ainsi formé possède des propriétés physiques et mécaniques différentes de celles du bois. Malgré le fait que le bois ne soit pas un matériau plastique au sens strict, le fait de le densifier par compression au‐delà de sa limite élastique permet d’augmenter celle‐ci (avec une diminution de son module élastique). Cette propriété paraît très intéressante pour injecter de la précontrainte dans le bois. La bibliographie montre qu’il existe quatre méthodes principales pour densifier le bois par compression.
La densification par compression à froid consiste à appliquer un effort de compression sur le matériau dans les conditions « normales » de température (autour de 20°C) et d’humidité. Perkitny et Jablonski [PER 1984] ont travaillé sur du Pin densifié à froid et ont montré qu’au‐delà de 50% de densification, le bois voit ses propriétés en compression longitudinale et en flexion (et donc en traction longitudinale) diminuer.
La densification quasi‐hydrostatique, étudiée par Blomberg [BLO 2006] consiste à appliquer sur le matériau de la pression sur cinq faces sur six d’une éprouvette parallélépipédique. Cette méthode est limitée à des échantillons de petite longueur. La pression appliquée est de 140 MPa et la température est autour de 20°C. La masse volumique du bois ainsi que ses propriétés mécaniques sont améliorées. L’avantage de comprimer le bois de manière quasi‐isostatique est que le matériau est comprimé sans l’apparition de défauts majeurs (craquements, fentes…). Les deux méthodes décrites jusque là ne sont pas stables dimensionnellement surtout au contact de l’eau. La plupart des études visent à améliorer ce point.
La densification par traitement thermo‐mécanique (TM) consiste à comprimer le bois sous haute température sans imprégnation. Des études montrent qu’il est possible d’améliorer la stabilisation du bois produit par ce procédé. Tabarsa et Chui [TAB 1997] ont travaillé sur l’effet de la densification thermo‐mécanique sur de l’Epicéa (Picea glauca). La compression est réalisée dans le sens radial à des températures allant de 20°C à 200°C. Ils observent que la résistance à la flexion ainsi que le module d’élasticité du nouveau matériau formé (en considérant les nouvelles dimensions du bois après densification) augmentent généralement avec le niveau de compression et la température. Kultikova [KUL 1999] a travaillé sur du Pin et du Peuplier densifié à 200°C et 6,5% d’humidité relative (humidité du bois proche de 0%). Elle a réalisé des tests de traction à partir desquels une résistance ultime et un module d’élasticité sont calculés (Figure 66). L’auteur a comparé la résistance et le module d’élasticité d’éprouvettes à température ambiante et à 200°C non densifiées et d’éprouvettes densifiées à 200°C. Une augmentation de 13% de la résistance en traction et de 23% du module d’élasticité est observée pour une densification de 50% pour du Pin. Une augmentation de 23% pour la résistance en traction et de 32% du module d’élasticité pour du Peuplier est observée dans les mêmes conditions.
Figure 66 : Protocole expérimental utilisé par Kultikova [KUL 1999] pour tester la résistance du bois densifié en traction longitudinale
La densification par traitement thermo‐hydro‐mécanique (THM) consiste à comprimer le bois sous haute température et sous une atmosphère avec de la vapeur d’eau ce qui permet d’améliorer encore la stabilité du matériau. Navi et Girardet [NAV 2000] ont mesuré la résistance au cisaillement parallèle aux fibres du bois d’Epicéa et de Pin maritime avant et après densification par traitement THM. Ils observent une augmentation d’environ 1000% de ce paramètre. Kultikova [KUL 1999] a étudié la résistance en traction du bois densifié par traitement THM ainsi que son module d’élasticité. Ses études montrent que ces propriétés sont améliorées entre 42,5% et 55,5% suivant le traitement choisi.
Les méthodes de densification par traitement TM ou THM permettent d’augmenter la stabilité du matériau. Or en se basant sur le principe de précontrainte par blocage du matériau fibreux comme pour le bambou, si le bois dans l’assemblage précontraint gonfle au cours de son utilisation, cela ne peut qu’augmenter l’effort de précontrainte et donc ne peut être que bénéfique. Aussi, la solution de densification retenue est la compression à froid du bois. Aucune référence bibliographique sur de la densification à froid de bois d’Epicéa n’a été trouvée. Des essais avaient été réalisés à l’ENSTIB sur ce sujet dans les années 1985, mais n’avaient pas été publiés [TRI 1984]. Cependant, Perkitny et Jablonski [PER 1984] ont montré que cette action a des conséquences néfastes sur les propriétés mécaniques dans la direction longitudinale du Pin. Il sera donc nécessaire de faire une étude sur l’influence de la densification à froid du bois d’Epicéa sur sa résistance en traction longitudinale.
5.2. Principe et géométrie des assemblages testés
Au niveau de son comportement en compression transversale, le bois densifié se rapproche du comportement du bambou (limite élastique plus élevée) : il est donc possible de transférer le principe des assemblages précontraints du bambou vers le bois. Le principe de fonctionnement est le même que pour le bambou : le bois préalablement densifié est coincé entre une pièce métallique mobile qui reçoit l’effort axial et une pièce métallique fixe. Un angle est donné à l’assemblage pour injecter dans le bois des efforts de compression transversale et transmettre ainsi l’effort axial par frottement de la pièce métallique mobile à la surface en contact de l’avivé.
La première opération nécessaire est la densification le bois. Il est choisi de densifier le bois uniquement dans la zone d’assemblage et pour que la matière reste continue entre la zone d’assemblage et le reste de l’avivé de bois, la densification est progressive. Cette densification progressive est faite par l’application d’un gradient de contrainte permettant le passage d’un taux de densification de 0% à plus de 75% le long de la partie de bois assemblée. Le procédé utilisé pour réaliser ce gradient de densification est présenté sur la figure 67. Figure 67 : Montage utilisé pour densifier de manière progressive un avivé de bois avant sa mise en place dans un assemblage précontraint Le passage d’un assemblage de forme cylindrique pour un chaume de bambou à une forme linéaire pour un avivé de bois nécessite quelques modifications. Tout d’abord, le cône intérieur du bambou est remplacé par un coin qui possède deux surfaces en contact avec deux avivés de bois. Le cône extérieur de l’assemblage pour le bambou est remplacé par un boîtier. L’ensemble avivé – assemblages précontraints est donc constitué de deux avivés de bois aux extrémités densifiées et précontraintes et d’un coin intérieur entouré d’un boîtier. Pour tester cet assemblage, la configuration retenue est proche de celle utilisée pour tester les assemblages cylindriques pour les bambous : les deux avivés sont munis d’un assemblage précontraint à chacune de leur extrémité comme le montre la figure 68. L’ensemble est testé en traction axiale (parallèle à la direction longitudinale des avivés). Avivé de bois Cale en acier Force de densification 25 mm 6 mm Longueur en contact entre le bois et l’assemblage (180 mm)
Figure 68 : Présentation des assemblages précontraints appliqués à deux avivés de bois
Pour les assemblages testés, la longueur de contact entre le coin intérieur et le bois est de 180 mm, la largeur du coin intérieur est de 75 mm et l’angle que forme le coin intérieur avec l’horizontale est de 3° (Plan en Annexe 2). La hauteur des avivés de bois est de 25 mm et après densification, la hauteur minimum est de 6 mm. La largeur et la longueur des avivés varient selon les essais réalisés.
Dans la conception des assemblages précontraints présentés sur la figure 68, les avivés de bois sortant d’un assemblage présentent une courbure importante. Cette
Avivés de bois Assemblages précontraints Vue de l’ensemble avivés de bois – assemblages précontraints Coin intérieur Bois Bois densifié Tige filetée (8.8) Boîtier extérieur Ecrou de blocage Vue éclatée d’un assemblage précontraint pour deux avivés de bois (données en mm) 25 6 180 3°
Cette forme d’assemblage n’est donc pas optimale mais permet d’appliquer le même principe d’assemblages précontraints utilisés pour le bambou au matériau bois en limitant le nombre de pièces en mouvement. Des essais de caractérisation de ces assemblages précontraints linéaires ont été réalisés et sont présentés et analysés dans les paragraphes suivants.