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L’utilisation des marqueurs moléculaires pour identifier les variétés

Chapitre 1 : Diversité génétique du colza à l’échelle d’un agroécosystème

D. L’utilisation des marqueurs moléculaires pour identifier les variétés

L’intensification de la culture du colza (Brassica napus L.) durant les dernières décennies et la sélection variétale basée uniquement sur les traits agronomiques et économiques les plus importants ont entraîné une diminution de la base génétique des variétés de colza. En conséquence, les différences morphologiques des caractères entre variétés permettent de moins en moins de distinguer les variétés entre elles (Nielsen, 1985, cité dans Curn & Zaludova 2007). Les pays membres de l’International Union for the Protection of

Plant Varieties comme l’Europe exigent pourtant des critères basés sur la morphologie pour

certifier les nouvelles variétés. Une nouvelle variété doit être Distincte des variétés existantes ainsi que Uniforme et Stable pour les traits évalués par le test DUS (Dinstinctness Uniformity

Stability). En France, le test DUS s’effectue uniquement sur deux régions avec deux réplicas

par région, négligeant les interactions existantes entre environnement et génotypes. L’expression des traits morphologiques peut être en effet influencée par les conditions environnementales. Le test DUS comprend également une comparaison avec toutes les variétés préexistantes dont la liste s’allonge chaque année. Seuls 13 traits morphologiques sont inclus dans le test DUS français. Le nombre de variétés candidates n’a cessé d’augmenter ces dernières années et la mise sur le marché d’associations variétales et d’hybrides

58 accroissent les problèmes que rencontre la certification des variétés de colza (Lombard et al. 2000; Tommasini et al. 2003).

D.1. Les marqueurs utilisés pour le colza

Dans ce contexte délicat, et étant donné l’importance économique du colza et de la certification des variétés, le test DUS a profité du développement des marqueurs biochimiques et moléculaires afin de suppléer au faible pouvoir discriminant des traits morphologiques.

D.1.a. Les Isozymes, marqueurs biochimiques

Les marqueurs isozymes ont été particulièrement utilisés dans les études génétiques, les études taxonomiques et les programmes de développement de variétés des Brassicaceae. Le polymorphisme des enzymes est détecté par électrophorèse. Ces marqueurs sont co-dominants, ce qui permet de distinguer les homozygotes des hétérozygotes (Curn & Zaludova 2007). Pour compléter les traits morphologiques, les isozymes ont été ajoutés au test DUS. Cependant il n’existe qu’une vingtaine de loci utilisés et le degré de polymorphisme des marqueurs isozymes pour le colza est particulièrement faible (Lee, Reeves & Cooke 1996b).

D.1.b. Les marqueurs moléculaires

Les marqueurs moléculaires offrent de nombreux avantages en certification des variétés. L’expression des marqueurs moléculaires est indépendante des conditions environnementales, au contraire des traits morphologiques, et les suivis sur plusieurs zones sont inutiles. Le nombre potentiel de marqueurs disponibles est immense comparé aux isozymes (Lombard et al. 2000). Le séquençage de l’ADN fournit des données robustes, reproductibles et informatives (Curn & Zaludova 2007). Les marqueurs moléculaires sont utilisés depuis longtemps pour discriminer les variétés de colza (Mailer, Scarth & Fristensky 1994) et tester la pureté des graines de variétés hybrides de colza (Marshall et al. 1994). Ils permettent également de réaliser des cartes de gènes d’importance agronomique, d’évaluer la variabilité génétique, d’identifier les génotypes et d’effectuer des analyses phylogénétiques (Cardoza & Stewart Jr 2007).

D.1.b.1. RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism)

La technique RFLP est basée sur la digestion de l’ADN par des enzymes de restrictions spécifiques (endonucléases) produisant des fragments de tailles différentes selon les individus. Cette technique est fortement reproductible grâce à la spécificité de la digestion

59 de l’ADN. Les RFLPs sont petits en taille et co-dominants, mais ils demandent une grande quantité d’ADN de bonne qualité, un temps important pour produire les résultats et généralement l’utilisation de techniques de révélation radioactives. Ce sont les marqueurs génétiques les plus anciens utilisés pour l’identification du colza (Lee, Reeves & Cooke 1996a; Powell et al. 1996), remplacés dès l’apparition des techniques PCR. La technique PCR (Polymerase Chain Reaction, Saiki et al. 1988) permet d’obtenir des millions de copies d’une région précise de l’ADN, suivant la spécificité des amorces utilisés (courtes séquences permettant d’initier la réplication).

D.1.b.2. RAPD (Random Amplified Polymorphic DNA)

La technique RAPD (qui utilise la technique PCR) consiste à amplifier aléatoirement des fragments d’ADN à l’aide d’une seule amorce ayant une séquence arbitraire, et permet d’obtenir plusieurs fragments de tailles différentes. Cette technique est peu coûteuse et met en évidence le polymorphisme de façon rapide (Cholastova, Soldanova & Pokorny 2011). Les RAPDs ont servi notamment pour détecter les hybrides chez le colza (Marshall et al. 1994) et pour distinguer les variétés (Mailer, Scarth & Fristensky 1994; Lee, Reeves & Cooke 1996b). Cependant, certaines amorces RAPD révèlent des profils différents pour une même variété, ce qui poserait problème pour leur utilisation dans le cadre du test DUS (Lee, Reeves & Cooke 1996a).

D.1.b.3. AFLP (Amplified Fragment Length Polymorphism)

La technique AFLP combine la PCR avec les RFLP : l’ADN est digéré par des enzymes de restriction puis les amorces amplifient certains fragments, identifiés et séparés ensuite par électrophorèse. Cette technique permet de travailler sur plusieurs loci simultanément et est utilisée principalement pour réaliser des cartes génétiques. Les AFLPs ont été suggérés dès 1998 comme compléments pour le test DUS chez le blé grâce à leur capacité à révéler un fort polymorphisme avec peu d’amorces (Law et al. 1998). Les AFLPs permettent aisément de discriminer les variétés de colza (Curn, Ovesna & Sobotka 2002; Sobotka et al. 2004) ainsi que les hybrides entre le colza et ses apparentés sauvages (Warwick

et al. 2003).

D.1.b.4. SSR (Single Sequence Repeat)

Les SSR ou microsatellites (Litt & Luty 1989) sont des séquences de motifs de nucléotides répétés allant de 1 à 4 nucléotides. Les microsatellites sont fortement polymorphiques en termes de variation de longueur pour un site donné, cette longueur variant suivant le nombre de motifs répétés (Morgante & Olivieri 1993). Les microsatellites sont

co-60 dominants et permettent donc de distinguer les homozygotes des hétérozygotes. Ils sont très abondants chez les plantes, avec une fréquence de un SSR tous les 5 kb à 80 kb (Cardle et al. 2000). Les SSR permettent le multiplexage, l’analyse de plusieurs loci simultanément. De nombreuses études ont révélé le pouvoir discriminant et l’abondance des SSR chez le colza (Kresovich et al. 1995; Charters et al. 1996; Szewc-McFadden et al. 1996; Uzunova & Ecke 1999; Varghese et al. 2000).

D.2. Les marqueurs utilisés dans cette étude

D.2.a. Comparaison des différents marqueurs

En plus des quatre marqueurs cités ci-dessus, il en existe d’autres, comme les iSSR (Andersen et al., 2010), dérivés des SSR, et les SNP (Single Nucleotide Polymorphism). Devant la profusion de marqueurs potentiels, certaines études ont cherché à les comparer afin de déterminer leurs avantages et leurs inconvénients. Powell et al. (1996) ont permis de mettre en évidence (pour le soja) que les AFLP permettaient le taux de multiplexage le plus important (19 loci), que les RAPD montraient une hétérozygotie et un taux de loci en multiplexe intermédiaire, et que les RFLP étaient modérément hétérozygotes et uniquement utilisables pour les études de synténie (ordre des gènes sur les chromosomes). Enfin, les SSR présentaient le plus fort taux d’hétérozygotie attendue. L’étude de Jones et al. (1997) sur la reproductibilité des marqueurs utilisés pour les plantes entre laboratoires a écarté les RAPD, difficiles à reproduire, a mis en évidence de légers décalages en terme de nombre de paires de bases pour les SSR (1 à 2 pdb) et a démontré la forte reproductibilité des AFLP.

Pour le colza, les RFLP montrent peu de polymorphisme et les marqueurs RAPD stables sont difficiles à obtenir tandis que seuls deux amorces combinées d’AFLP permettent de distinguer 83 variétés (Lombard et al. 2000). Sobotka et al. (2004) ont également comparé AFLP, SSR et RAPD pour le colza. Les RAPD et les SSR étaient peu polymorphiques, au contraire des AFLP. Si les SSR exhibent en général les plus forts degrés de polymorphisme parmi les marqueurs génétiques (Curn & Zaludova 2007), ce degré semble fortement varier chez le colza. Les SSR de l’étude de Tommasini et al. (2003) sont tous polymorphes avec une moyenne de 6.2 allèles par locus (de 2 à 12 allèles pour 15 SSR testés) et ils permettent de discriminer les 10 variétés de colza testées. Les SSR de l’étude d’Elling et al. (Elling, Neuffer & Bleeker 2009) amplifient de 14 à 27 allèles chacun. Au contraire, sur les 15 SSR de l’étude de Sobotka et al. (2004), seuls 5 sont polymorphiques et un seul exhibe plus de deux allèles. Pascher et al. (2010) ont testé 35 SSR pour en sélectionner 9, possédant de 2 à 9 allèles

61 chacun. Bond et al. (2004) ont également montré que les allèles uniques, les allèles nuls et l’amplification de nombreux allèles sont relativement communs avec les SSR.

L’utilité d’un marqueur est mesurée par une balance entre son degré de polymorphisme et sa capacité à être multiplexé (Powell et al. 1996). Les SSR et les AFLP conviennent parfaitement à cette description. Les AFLP révèlent plus de polymorphisme pour le colza (Sobotka et al. 2004) que les SSR et leur capacité à être associés dans un multiplexe est plus grande (Powell et al. 1996). Cependant, la technique AFLP est plus coûteuse que la technique SSR, et elle nécessite des équipements particuliers alors que les séquenceurs automatiques ADN sont des standards dans les laboratoires. Les SSR sont considérés comme des outils précieux pour l’analyse génétique du colza et des Brassica en général, car ces marqueurs sont nombreux, hautement informatifs, techniquement simples, robustes et compatibles avec la détection et la mesure automatique des allèles (Tommasini et al. 2003).

Si aujourd’hui le choix du marqueur moléculaire peut sembler évident, ce n’était pas le cas lorsque l’équipe de l’unité ESE a étudié cette question en 2002. Les iSSR commençaient à peine à être connus. Les AFLP étaient connus mais cette technique nécessite des appareils particuliers. Notre étude visant à obtenir des informations sur le plus grand nombre possible de plantes, qu’elles soient en champs, dans une population férale ou provenant d’une variété certifiée, et ce pour un suivi sur plusieurs années, l’équipe a alors choisi de travailler avec des microsatellites.

D.2.b. Les SSR sélectionnés pour notre étude D.2.b.1. Les données génétiques de 2002

La mise au point des marqueurs moléculaires utilisés pour les données de 2002, c'est-à-dire, le choix des marqueurs en fonction de leur stabilité et de leur polymorphisme, a été effectué par l’équipe du GEVES de Surgères, en collaboration avec le laboratoire ESE. Six marqueurs SSR révélant 9 loci ont été choisis afin de discriminer 18 variétés de colza récurrentes depuis 4 ans dans la région de Selommes. Certains de ces loci possédaient des allèles nuls, ce qui compliquait les analyses. Les champs de 2002 ont été génotypés avec ces marqueurs, les résultats d’assignation les concernant proviennent de la thèse de Céline Devaux (2006).

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Locus Amorces Taille des allèles

1 Ra2E11 189 206 210 218 220 2 Na12D08 94 95 100 114 127 132 136 3 Na10H03 128 132 4 Ol12F02 132 138 5 153 162 164 166 192 6 Ol11B05 130 138 7 Na14H11 123 126 128 8 Ra2A05 99 102 104

Tableau 1 : SSR utilisés pour les données de 2003 à 2005 ainsi que pour les populations férales de 2002.

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D.2.b.2. Les données génétiques à partir de 2003

La plateforme de génotypage de l’INRA de Clermont-Ferrand a pris la relève pour l’analyse du jeu de données de 2003 à 2005, avec des populations de 2002. Compte tenu du passage à un séquenceur haut débit, les marqueurs moléculaires ont été réévalués. Les marqueurs de 2002 les plus polymorphiques ont été conservés, ceux présentant des allèles nuls écartés, le tout en se basant sur le pouvoir d’exclusion de chaque marqueur testé sur les variétés commerciales. Au total, ce sont 7 marqueurs SSR qui ont été choisis révélant 8 loci polymorphes : Ra2E11_A, Na12D08, Na10H03, Ol12F02_A, Ol12F02_B, Ol11B05_A, Na14H11_A et Ra2A05_B.

D.2.b.3. Propriétés des marqueurs microsatellites choisis pour l’étude

Les SSR Ra2E11_A, Ol11B05_A, Na14H11_A et Ra2A05_B révèlent deux loci, dont un monomorphe qui n’est donc pas considéré. Ol12F02 révèle lui deux loci polymorphes : Ol12F02_A et Ol12F02_B. Le taux de polymorphisme varie de 2 à 7 allèles par locus (Tableau 1). Brassica napus L. est un amphiploïde possédant 24 chromosomes nommés A (provenant de l’ancêtre supposé Brassica rapa) et B (provenant de Brassica oleacera). Ra2E11 est porté par le chromosome A03 (www.brassica.info). Na12D08 est porté par le chromosome A06 (Rygulla et al. 2008). Na10H03 est porté par le chromosome C01, Ol12F02_A par A09 et Ol12F02_B par C05 (Delourme et al. 2006). Ol11B05_A est porté par le chromosome A03 (Piquemal et al. 2005). Na14H11_A est porté par le chromosome C02 (Jestin et al. 2010). Enfin, Ra2A05_B est porté par le chromosome A07 (Lowe et al. 2004).