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Chapitre 1 : Diversité génétique du colza à l’échelle d’un agroécosystème

J. Discussion

Contrairement à une vision assez répandue, les champs de colza ne sont pas des entités uniformes de génotypes et de variétés. Notre étude nous a permis de mettre en évidence 3 typologies de champs. Les champs semés avec une variété commerciale sont généralement

98 Figure 18 : Distribution de l’indice de diversité (Simpson-Gini) pour les populations férales (a) et les champs (b) contenant au moins 5 plantes assignées. Lors l’indice est de 0, la diversité est nulle et la population homogène ; lorsque l’indice est de 1, la diversité est maximale.

Figure 19 : Distribution de l’indice de diversité (Simpson-Gini) au sein des champs et des populations férales. Les points en noir indiquent les indices pour chaque population. La barre horizontale indique la médiane. Le point en gris indique la moyenne.

a, b, Indice de diversité Indice de diversité F q u e n c e F q u e n c e D iv e rs it é Champs Populations

99 facilement assignables et possèdent peu de plantes d’autres variétés. Les champs semés avec deux variétés sont également aisément reconnaissables à travers nos données génétiques et ceci malgré notre échantillonnage relativement réduit. Un nombre non négligeable de champs ne peuvent être assignés à une seule variété, ceci pour deux raisons : les plantes de ces champs sont assignées mais trop variées, les plantes de ce champ ne sont pas assignées. L’existence de semences de ferme pourrait expliquer la composition génétique de ces champs non assignés. Bien que cette pratique soit de plus en plus découragée, nous savons que 15 à 30% des agriculteurs, suivant les années, gardent une partie des récoltes pour les semer l’année suivante (CETIOM, comm. pers.). Les plantes issues de semences de ferme possèdent certainement des génotypes qui ne sont pas dans notre liste de référence, ce qui nous empêche de les assigner, ou des génotypes qui s’assimilent à d’autres variétés que la leur, ce qui explique cette diversité de variétés. Si des repousses de colza se produisent dans les champs de fermes certifiées, les graines de ces repousses peuvent se mélanger aux semences certifiées et les agriculteurs sèmeront un mélange de variétés. Il est alors possible que les plantes des champs soient contaminées par les autres variétés dès le semis. Les plantes de ces champs peuvent produire des graines hybrides dont les génotypes ne sont pas reconnaissables.

Que ce soit lié aux semences de ferme, à la contamination des semences, aux banques de graines en champs, la diversité variétale au sein des champs est beaucoup plus importante qu’attendue, même pour les champs assignés à une variété commerciale (Figure 12). Les variétés cultivées une seule année persistent dans l’agroécosystème les années suivantes, dans les plantes de champs (Figure 13) et dans les plantes férales (Figure 14). Les variétés supplémentaires, n’appartenant pas aux variétés assignées aux champs, sont probablement des variétés semées dans des champs que nous n’avons pas analysés, ou semées les années précédentes.

Tous les champs de notre zone n’ont pas été analysés. Il est plus difficile de raisonner sur les plantes de populations férales car ces plantes proviennent en premier lieu de pertes de graines issues des champs. Si une variété est présente dans une population férale alors qu’elle n’est présente pas dans les champs que nous avons analysé, nous ne sommes pas certains que cette variété ne soit pas issue de champs de la zone non analysés. En effet cette « nouvelle » variété peut provenir des champs de colza qui existent autour de notre zone d’étude et pour lesquels nous n’avons aucune information. Des graines de champs situés hors de la zone d’étude pourraient lors de la récolte transiter sur les routes de l’agroécosystème étudié et produire des populations férales. La composition variétale des plantes de populations

100 Figure 20 : Distribution de l’indice de diversité (Simpson-Gini) en fonction de l’année au sein des populations férales (a) et des champs (b). Les points en noir indiquent les indices pour chaque population. La barre horizontale indique la médiane. Le point en gris indique la moyenne.

Figure 21 : Diversité intra-population moyenne calculée pour les populations férales et les champs en fonction de l’année.

101 férales est similaire à celle des plantes de champs. Les variétés qui ne sont pas les variétés dominantes des champs se retrouvent également dans les plantes de populations férales. Une seule variété « nouvelle » est présente parmi les plantes de populations férales. Cette nouvelle variété pourrait donc soit provenir d’un camion ayant récolté un champ hors de la zone étudiée, soit d’un champ non analysé dans la zone d’étude. La persistance des variétés, observée dans le cas des plantes de champs, est encore plus importante dans le cas des plantes de populations férales. Nous observons en effet une augmentation progressive du nombre de variétés trouvées au sein des populations férales. Cette augmentation de variétés pourrait être liée à l’effort d’échantillonnage des populations de 2005 (Tableau 4b), mais le nombre de variétés observées augmente même en mettant de côté ces populations de 2005.

Nous avons pu montrer une similarité variétale entre les plantes des champs d’une année et les plantes des populations férales de l’année suivante. La diversité variétale des populations dépend ainsi principalement de la diversité variétale des champs de l’année précédente. Un tel lien entre les champs d’une année n et les populations férales de l’année

n+1 avait été montré sur la base de l’analyse de données de localisations géographiques dans

l’étude de Pivard et al. (2008a). Ce lien entre populations férales et champs n’avait pas encore été montré avec des outils de la génétique. Il faut cependant préciser que, compte tenu de la diversité variétale intra-champ, cette diversité a été observée à l’échelle des plantes de champs, et non pas des champs.

Il nous semble difficile en l’état de montrer que les populations férales qui ont une diversité génétique similaire à certains champs sont géographiquement proches de ces champs. Nous disposons de trop peu de populations férales pour lesquelles nous ayons une quantité d’informations génétiques suffisantes, et ces populations sont éclatées de manière géographique, année par année. Une très faible fraction de nos populations échantillonnées se retrouve deux années de suite, ce qui ne nous permet pas de suivre l’évolution de la diversité variétale d’une population persistante. De surcroît, le fait de trouver une plante de population férale assignée à la variété Aviso en 2005, à proximité d’un champ de variété Aviso en 2004 ne nous donne pas comme information que la graine vient de ce champ, mais que les deux plantes sont de la même variété.

Les résultats des diversités inter-populations et intra-populations confirment les résultats obtenus sur les résultats des assignations. Les champs possèdent un certain nombre de bordures totalement ou très homogènes (Figure 18b), ce qui correspond à une typologie de champs semés avec une seule variété. La diversité des plantes de populations férales est plus

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Figure 22 : Diversité intra-populations férales en fonction de la localisation géographique de ces populations. Les points en noir indiquent les indices pour chaque population. La barre horizontale indique la médiane. Le point en bleu-gris indique la moyenne.

D iv e rs it é Chemins Routes

103 élevée que celle des plantes de champs (Figure 19), qui possédaient déjà moins de variétés. La diversité des populations férales tend à augmenter avec les années (Figure 20a), ce qui vient renforcer nos hypothèses de provenance des champs et de maintien des populations férales par autorecrutement. La diversité des champs augmente également (Figures 13 et 20b). Ces différences de diversité pour les champs et les années correspondent probablement aux choix effectués par les agriculteurs concernant les variétés semées. Des semences de ferme sont susceptibles de contenir une plus grande diversité de variétés. De même, ces taux de contamination des semences certifiées doivent varier certainement selon les variétés et les années.

Le fait que la diversité des populations férales se trouvant au bord d’une route goudronnée soit plus élevée que celles des populations férales se trouvant au bord de chemins de terre (Figure 17) nous donne une piste importante sur les origines de ces populations. Bien que ce résultat ne puisse être validé actuellement que pour les populations férales de 2005, la multiplicité des phénomènes de dispersion peut expliquer cette différence. Si nous considérons que toutes les autres sources de graines, que ce soit les pertes de graines de champs directement sur la bordure de route, les graines issues de la banque de graines et celles issues de l’autorecrutement des populations férales, ne sont pas significativement différentes pour les populations situées en bordure de chemin de terre et celles situées en bordure de route, la dispersion par le biais des bennes de récolte peut expliquer cette différence de diversité variétales des populations férales. Les chemins de terre sont très rarement empruntés, hormis par les agriculteurs s’occupant de leurs champs et par les bennes de récolte transportant les graines de colza du champ à la route afin d’atteindre le silo. Les sources de graines à l’origine des populations férales se limitent donc aux champs adjacents et aux rares bennes et tracteurs empruntant ces chemins. Les routes goudronnées sont au contraire très empruntées tout le long de l’année, et particulièrement à l’époque des récoltes. Ces routes goudronnées reçoivent des graines provenant d’autres champs et donc fort probablement ayant d’autres variétés que celles des champs adjacents. Même si cette dispersion est limitée, elle permet certainement d’apporter la quantité de graines provenant de l’extérieur expliquant cette plus forte diversité variétale.

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