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Chapitre 1. Revue de littérature

1.10. Utilisation des cocultures de levures-bactéries lactiques

Les bactéries lactiques et les levures coexistent et coopèrent dans des produits comme le vin, le kefir, et le levain. Typiquement, la composition de la communauté microbienne dans ces produits est stable, ce qui indique qu'il existe des mécanismes sous-jacents qui empêchent l'exclusion par compétition (De Vuyst and Neysens, 2005). Il est supposé que des interactions mutuellement bénéfiques entre les espèces se produisent, fournissant une base solide pour la coexistence et la prévention de l'introduction d'autres espèces microbiennes dans l'habitat. Par conséquent, pour obtenir une reproductibilité, il est très important d'élucider les interactions entre les microorganismes en fermentation dans des matrices alimentaires pertinentes du point de vue industriel. Cependant, des informations sur ces mécanismes sont rares.

Il existe très peu d’information sur l’effet des cocultures bactéries lactiques / levure pour produire des EPS. L’analyse physiologique et transcriptomique de la coculture de S. cerevisiae avec Lactobacillus delbrueckii ssp. bulgaricus ou avec

Lactococcus lactis IL-1403 a été réalisée dans des fermentations en continu (Mendes et al., 2013 ; Maligoy et al., 2008).

Ces expériences conduites en anaérobiose n’ont pas relevé de différences dans la croissance des souches entre les cultures pures et les cocultures. Le métabolisme du lactose par la coculture Lactobacillus delbrueckii et la levure peut être considéré un exemple classique de mutualisme. La bactérie hydrolyse le lactose et libère le galactose qui est utilisé comme source de carbone par la levure, en même temps celle-ci génère le dioxyde de carbone par la fermentation alcoolique qui supporte la croissance de la bactérie lactique. L’absence de la voie de Leloir pour le métabolisme du galactose et de bêta- galactosidase pour la bactérie et la levure, respectivement, explique clairement la complémentation des deux espèces dans le métabolisme du lactose (Mendes et al., 2013).

La coculture de L. rhamnosus PN04 et Leuconostoc mesenteroides Vtcc-B-643 a permis l’augmentation de la production de leur exopolysaccharides de 42% et 32%, respectivement ( Khue and Ngoc, 2013). L’information fournie par les travaux de Tada et al., (2007) et Cheirsilp et al., (2003) montrent que la coculture entre Lactobacillus kefiranofasciens et la levure permet à celle-ci de consommer le lactate produit par la bactérie lactique et d’augmenter de 29% la production d’exopolysaccharides (kefiran) avec une saturation de 5% de l’oxygène dissous (DO) et des cocultures en batch alimenté avec du lactose. Ce type de culture paraît pouvoir favoriser l’utilisation de l’acide lactique comme substrat par la levure et d’éviter la compétition avec la bactérie lactique pour le glucose et le galactose produist lors de l’hydrolyse du lactose.

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Yamasaki-Yashiki et al. (2017) ont démontré la surexpression d'un gène codant pour une protéine homologue au niveau de la polyprényl glycosylphosphotransférase liée à la production des EPS par Lacticaseibacillus paracasei en coculture avec S. cerevisiae. Les mêmes auteurs ont suggéré que la production d’EPS pourrait être induite par le contact direct bactérie-levure grâce à la reconnaissance de mannane dans la paroi cellulaire de la levure. L'adhérence des cellules des BL à la levure pourrait déclencher la production d’EPS par les bactéries lactiques tout comme la consommation efficace d'acide lactique par la levure (Yamasaki-Yashiki et al. 2017). L’étude de la production d’EPS par les souches de L.

rhamnosus RW-9595M, ATCC 9595 ou R0011 en coculture avec la levure de boulangerie n’a pas été rapportée dansr la

littérature.

Dans l’industrie céréalière et boulangère, les EPS commencent à trouver leur place dans la production des levains et les produits sans gluten. La production de produits sans gluten doit surmonter le défi de réussir à obtenir les propriétés viscoélastiques que les protéines du gluten confèrent à la pâte à pain (Lynch et al., 2018a). Pour pallier l’absence de gluten, des hydrocolloïdes ou des gommes sont couramment utilisées pour créer les propriétés viscoélastiques requises pour améliorer la structure, la sensation en bouche, la durée de vie et acceptabilité des produits sans gluten. L’utilisation des souches productrices d’EPS a suscité l’intérêt de l’industrie pour remplacer naturellement les gommes alimentaires du commerce comme l'hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) (Lynch et al., 2018a). La production des EPS in vivo est vivement recherchée, car c’est un polymère naturel qui répond à la demande de produits naturels des consommateurs.

Le levain est une étape intermédiaire de la pâte pendant la préparation du pain qui contient des microorganismes métaboliquement actifs. Il a été démontré que les souches de BL produisant des EPS en milieu liquide forment également le même polymère pendant la fermentation du levain (pâte) en présence de sucre. En outre, dans chaque levain, il existe au moins une souche de lactobacilles productrice d’EPS (Tieking and Gänzle, 2005; Galle and Arendt, 2014). Les EPS dans la pâte améliorent l’absorption d’eau, la rhéologie, la machinabilité et la stabilité pendant la congélation tout comme le volume de la mie du pain (Galle et Arendt, 2014;Lynch et al., 2018b).Sieuwerts et al., (2018) signalent qu’une des clés de la cohabitation est que S. cerevisiae produit des facteurs de croissance stimulant les bactéries lactiques L. plantarum et

Fructilactobacillus sanfranciscensis dans un environnement de type levain. L’établissement des combinaisons de BL avec

la levure de boulangerie pour contrôler la fermentation lors de la production de levain a été un sujet de recherche, car c’est un outil utile pour améliorer les propriétés sensorielles et physiques du pain. En outre, il peut aider à prolonger la durée de conservation en retardant le durcissement du pain et en empêchant la détérioration par des moisissures (Elhariry et al., 2011).

Récemment, des études de la production d’EPS de type homopolysaccharides de fèves de Fava pour l’obtention du dextrane par Weisiella confusa VTT E-143403 ou Leuconostoc pseudomesenteroides DSM 20193 en ajoutant du sucrose ont été réalisés (Xu et al., 2019; Xu et al., 2017). Les pâtes fermentées présentaient un comportement typique de diminution de la viscosité par cisaillement (pseudoplasticité) en fonction des courbes de viscosité. La présence des EPS diminue l’homogénéité de la structure protéique résultant de l'effet d'exclusion, conduisant à la séparation de phase fréquemment observée dans les systèmes polysaccharides / protéiques (Xu et al., 2019).

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L’utilisation du son de blé fermenté ou de ses dérivés est jusqu’à maintenant limitée à sa possible utilisation dans la panification (Coda et al., 2014;Anson et al., 2011 ; Hemery et al., 2010; Anson et al., 2012; Mateo et al., 2012; Snelders et al., 2014). L’utilisation du son de blé préfermenté par différentes souches de Lactobacillus, entre autres Latilactobacillus

curvatus et L. delbrueckii subsp. bulgaricus, comme un ferment avec l’ajout de la levure de boulangerie permet d’améliorer

la fermentation du levain et de développer un produit de boulangerie sain et nutritif enrichi au son (Zalán, 2015). Dans ce contexte, Abedfar et al.,(2019) signale l’utilisation du levain (20%) obtenu par fermentation du son de blé par L. plantarum NR_104573.1 productrice de EPS (1% EPS g/100 WBS) pour produire du pain iranien. La présence des EPS et du levain améliore les propriétés physiques, thermiques et de texture du pain tout comme la durée de conservation du pain (Abedfar

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