• Aucun résultat trouvé

9. HYDROCARBURES AROMATIQUES POLYCYCLIQUES, HAP

9.3.3 Utilisation de créosote

9.3.3.1 Production et utilisation de créosote

Parmi les grandes familles de produits de préservation du bois, existent celle des produits issus de la distillation de la houille, les créosotes. Elles ont à la fois des propriétés biocides et des caractéristiques hydrofuges. Les HAP qu’elles contiennent sont particulièrement efficaces contre la pourriture [Rayzal et al., 1998].

Elles sont le plus souvent issues de la distillation de goudron de houille (le goudron de houille étant lui-même un sous-produit du traitement à haute température du charbon pour produire du coke ou du gaz) et parfois de la distillation d’autres produits, comme le bois.

Les créosotes sont un mélange épais et huileux, leur couleur va de l’ambre au noir. Elles se composent d’un mélange de composés sélectionnés au moyen d’un intervalle de température de distillation. Le mélange est relativement complexe, riche notamment en hydrocarbures aromatiques polycycliques (naphtalène, fluorène, anthracène notamment).

Ces substances sont plus ou moins actives et participent à la préservation du bois. La créosote est plutôt utilisée pour des bois soumis à des conditions difficiles. Il s’agit essentiellement de bois qui doivent supporter une humidité toujours supérieure à 20 % : bois horizontaux en extérieur (balcons, coursives...) et bois en contact avec le sol (poteaux téléphoniques, traverses de chemin de fer, clôtures, etc.) ou avec une source d’humidification prolongée ou permanente.61 On traite le bois à la créosote en répandant celle-ci au pulvérisateur ou en plongeant le bois dans un bain de créosote ; le traitement peut aussi avoir lieu par une combinaison de procédés de mise sous vide et sous pression dans des réacteurs fermés.

9.3.3.2 Utilisation et production de créosote en Europe

Depuis le 30 juin 2003, en application de la directive 2001/90/CE, l’utilisation de créosote ou de bois est traité à la créosote est très fortement limitée. En outre la teneur maximale autorisée en benzo(a)pyrène a été divisée par dix, passant à 0,005 % en masse.62

En Europe, les quantités de HAP impliqués dans la production de créosote sont de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an (40 000 tonnes en 1999 d’après EU RAR, 2000 ; 17 000 tonnes/an de phénanthrène et de naphtalène, soit environ 27 200 tonnes pour le total des HAP, d’après l’International Programme on Chemical Safety, 1998) [Royal

61 Page sur la préservation du bois du site Internet du Comité national pour le développement du bois (CNBD) : http://www.bois-construction.org/.

62 Pour plus de détails, se reporter à la partie ‘Réglementation’.

Haskoning, 2003a].

La consommation de créosotes en France a beaucoup baissé. De l’ordre de 30 000 à 40 000 t/an en 1960, elle était descendue à environ 10 000 t/an au milieu des années 1990 (essentiellement pour traiter les traverses de chemin de fer et certains poteaux de transport des lignes électriques aériennes) [Rayzal et al., 1998].

9.3.3.3 Utilisation de créosote en France

L’utilisation de créosote est fortement limitée par la réglementation. Par dérogation, quelques grands organismes peuvent encore en utiliser pour la préservation du bois :

• La SNCF utilise des créosotes lourdes (distillation entre 200 et 450 ° C) pour les traverses de chemin de fer [Rayzal, 1995]. Ces traverses sont traitées à la créosote par un établissement spécialisé de la SNCF. Cependant leur usage décroît au profit des traverses en béton : en effet elles ne sont plus utilisées que pour l’entretien de lignes traditionnelles existantes. Pour les lignes TGV et les lignes neuves, des traverses en béton sont utilisées. Cela limite donc l’utilisation de créosote.

• EDF utilise de la créosote pour les poteaux des lignes électriques (plus précisément pour les pieds de poteaux, la partie en contact avec le sol, en épicéa). EDF utilise des poteaux en bois ou en béton. Ces derniers servent pour les tensions élevées et pour l’ancrage des lignes basse tension (c’est-à-dire environ un poteau sur cinq, pour bien fixer la ligne). Les autres poteaux sont en bois, traité soit à la créosote, soit aux sels métalliques (environ 2/3 créosote et 1/3 sels métalliques). EDF achète le bois déjà traité et ne les retraite pas une fois en place.

• France Télécom utilise (ou a utilisé) des créosotes légères (distillation entre 170 et 400 ° C) pour les poteaux en bois utilisés comme support du réseau téléphonique [Rayzal, 1995].

D’après Rayzal (1998), les créosotes servent encore ponctuellement au traitement de certains équipements agricoles (piquets) ou d’ouvrages de génie civil (retenues de berge).

9.3.3.4 Traitement des bois créosotés en fin de vie

L’élimination des traverses en bois de la SNCF est effectuée par la société SIDENERGIE (département 46). Cette entreprise produit du charbon de bois domestique (agréé par le ministère de la Santé). Elle traite, en plus de déchets de scierie, 6 000 tonnes de bois par an (soit environ 100 000 traverses par an)63. Le traitement consiste en une valorisation matière par thermolyse. Les bois sont épurés de la créosote d’imprégnation et transformés en charbon végétal.64

Chaque année, quelques milliers de tonnes de poteaux EDF arrivent en fin de vie. Ils sont soit réemployés par des agriculteurs (pour être débités et servir de piquets de délimitation de parcelle par exemple), soit incinérés.

On estime à environ 300 000, le nombre de poteaux retirés annuellement du ‘parc installé’

de France Telecom. Afin de les protéger des agressions extérieures (intempéries, insectes), ces poteaux ont subi différents traitements chimiques qui sont, ou qui ont été pour l’essentiel, à base de sulfate de cuivre ou de CCA (Cuivre, Chrome, Arsenic) et de créosote. [Le Calvez, 1999]

63 Source : ADEME (http://www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_1_13.html).

64 http://www.recyclot.fr/etsivous.html.

9.3.3.5 Émissions de HAP

La créosote peut contenir jusqu’à 85 % de HAP. Entre 20 et 40 % du poids total peut être attribué aux 16 HAP définis comme polluants prioritaires par l’EPA. Les niveaux de benzo(a)pyrène sont de l’ordre de quelques centaines de ppm [Royal Haskoning, 2003a].

Tableau 42. Proportion des créosotes en HAP (% en masse) [Source : Rayzal et al., 1998]

Canada Allemagne

Traverses Poteaux Naphtalène, méthylnaphtalène 17,5 22,9 27

Phénanthrène 10,2 25,8 23

Fluorène 5,1 14,1 16,2

Fluoranthène 9,9 7,4 6,1

Benzofluorène - 6,5 6,1

Acénaphtène 5,6 4,9 4,7

Pyrène 4,4 3,6 3,2

Autres 9,9

Les émissions de HAP sont surtout dues :

• aux fuites des récipients et des réacteurs dans lesquels sont contenus la créosote et traités les bois,

• à l’évaporation des composés volatils de HAP du bois traité,

• à l’égouttage du bois traité.

Lorsque le bois est stocké à l’horizontale, les HAP migrent à travers le bois ce qui aboutit aussi à des émissions. Les quantités rejetées dépendent du type de créosote, du bois et des méthodes de préservation utilisées [OSPAR, 2001b].

Des HAP sont émis également lorsque des bois traités sont incinérés.

D’après Holland et al. (2001), on estime à 46 kg les émissions atmosphériques de B[a]P dues au traitement du bois avec du carbolineum en 2010 en Europe.

Suite aux diverses applications du bois traité à la créosote, les HAP peuvent être émis par migration dans le bois, par évaporation et par lessivage dans le sol et dans les eaux de surface.

Dans le bois traité à la créosote, les composés de créosote ne sont pas liés aux fibres du bois mais elles migrent à l’intérieur de celui-ci. Au soleil, le bois peut transpirer : la créosote apparaît à sa surface. Cela arrive lorsque le bois est saturé en créosote ou lorsque la créosote contient une forte proportion de composés volatils. [Braunschweiler, 1996]

Une étude britannique a montré que les HAP dominants dans la fraction volatile du bois traité à la créosote étaient le phénanthrène, le fluorène et le pyrène, qui sont parmi les HAP les moins toxiques. D’après cette même étude les émissions atmosphériques de HAP dues au bois traité à la créosote étaient estimées au Royaume-Uni à environ 100 tonnes, c’est-à-dire dans le même ordre de grandeur que les émissions dues aux véhicules [Gevao et al., 1998].

Les fuites de créosote du bois vers le sol est un processus long. Une étude finlandaise estime que cela prend entre 5 et 10 ans. [Braunschweiler, 1996]

Les composés solubles dans l’eau de la créosote passent facilement dans les eaux. Des études ont montré que 70 à 80 % des HAP qui fuient dans les eaux et provenant de la créosote sont des naphtalènes et des composés à faible température d’ébullition, phénanthrène, acénaphtène [OSPAR, 2001b].

Les micro-organismes sont susceptibles de dégrader biologiquement les HAP dans le sol.

Les eaux de surface sont touchées par le lessivage des composés de la créosote solubles dans l’eau, tels que le phénanthrène, l’acénaphtène et le dibenzofurane. Du fait de leur faculté d’adsorption sur les particules, ils s’accumulent aisément dans les sédiments [OSPAR, 2001b].