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Utilisation d'un habitat sous emprise ostréicole

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 146-150)

Chapitre VI. Comportement natatoire des soles en mésocosme: activité et distribution

VI.4.3. Utilisation d'un habitat sous emprise ostréicole

Outre les fluctuations de l’hydro-climat que l’on sait d’ordre à orienter et modifier les choix de résidence (voir parag. précédant), la configuration géographique d’un espace, sa structuration spatiale et la pérennité de ses qualités en tant qu’habitat sont des éléments déterminants de la répartition des poissons (Burke 1995; Cote et al. 2003). Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes efforcés de minimiser les perturbations autres que celles générées par la présence des structures d’élevage et des huîtres vivantes, tout en conservant au mésocosme ses attributs semi-naturels. Les entrées d’eau, susceptibles d’orienter les déplacements de sole en mésocosme (Lagardère et al. 1992), ont du être perçues par tous les individus lors des déplacements nocturnes et plus durablement, par les soles 1 et 7 localisées dans la zone C, plus proche de l’entrée d’eau (Figure VI.4). Cependant, ces apports sont restés faibles et, opérés à partir d’un seul conduit vertical situé hors de l’enclos (Figure VI.1), ils ont pu diffuser vers l’enclos sans générer de courant. Les parois verticales de l’enclos ont partagé l’espace en créant des zones de rupture sur lesquelles venaient buter les vents et, pour partie, la lumière incidente. Si la présence de l’enclos a temporairement agi sur l’activité natatoire (voir également ci-dessus), celle des structures d’élevage, avec des huîtres vivantes (zone H) ou sans celles-ci (zone C), est apparue l’élément le plus constant de la répartition spatiale des soles de cette expérience.

A propriétés hydrologiques égales, les mécanismes impliqués dans la sélection d’un habitat par un poisson plat mettent en jeu les propriétés bio-sédimentaires du milieu (cues), les indices permettant de localiser de tels milieux (clues) et une période d’apprentissage (learning, in : Gibson 1997). Pour la sole, espèce benthophage nocturne, il s’agit avant tout de zones de substrats meubles : outre qu’elles permettent l’enfouissement diurne, elles peuvent contenir des pélites et matières organiques pourvu que cela s’accompagne des proies préférentielles de la sole, dont les polychètes (Salen-Picard et al. 2002). Cependant, 8 soles sur 9 ont utilisé le couvert des structures d’élevage qui a pu jouer le rôle d’abri nécessaire à la période diurne. Que les soles se soient, ou pas, enfouies dans le sédiment ne pouvait être établi en télémétrie 2D. Il faut toutefois noter une relative activité diurne dans les zones H et C, sous ombrage, comparée à celle de l’unique sole localisée dans la zone L. La comparaison des résultats acquis au cours des 3 sessions suggère que des facteurs autres que la lumière sont intervenus dans le taux d’occupation des zones H et C.

Dans un bassin ostréicole, les huîtres renforcent le flux vertical de matière par leur activité de filtration et le rejet de fécès / pseudo-fécès (Sornin 1981). L'enrichissement en

Partie 3. Effets de la Conchyliculture – Comportement natatoire sous influence ostréicole

matières azotées (en particulier sous forme d'azote ammoniacal) est l'une des modifications majeures de ces zones (Feuillet-Girard et al. 1988; Dame et al. 1989). Cela entraîne également une réduction de la profondeur de la couche oxygénée et une augmentation de la teneur en matière organique du sédiment (Nugues et al. 1996). Bien que dans un cadre expérimental réduit dans l’espace et la durée, des modifications de même nature sont révélées par comparaison entre zones : la biodéposition due aux huîtres de la zone H a significativement modifié les propriétés du recouvrement en vase de l’enclos ainsi que les qualités physico-chimiques de l’eau (Tableau VI.3 et Tableau VI.4). L'augmentation du flux vertical de matière sous les huîtres vivantes est d'un facteur 3 à 5, comparée aux zones C et L et du même ordre de grandeur qu’en milieu naturel (Feuillet-Girard et al. 1994; Nugues et al.

1996). Il en est de même pour l'augmentation des composés azotés dissous dans l'eau (Feuillet-Girard et al. 1988). Cependant les composés azotés, connus pour altérer le comportement des poissons, sont restés à des niveaux d'un facteur 100 à 1000 inférieurs aux valeurs démontrées toxiques (Bianchini et al. 1996; Dosdat et al. 2003; Foss et al. 2003).

Les sorties nocturnes hors de la zone H peuvent correspondre au besoin de quitter un milieu temporairement moins bien oxygéné (Figure VI.2A). Cependant, une certaine fidélité à la zone initialement occupée mérite d’être soulignée, le retour sous l’abri des tables se faisant le matin quand les concentrations en oxygène sont les plus basses. Par exemple, les soles 4 et 8 retrouvent respectivement les zones H et L après des excursions nocturnes plus ou moins amples, parfois associées à des perturbations météorologiques (Figure VI.5). Cette exploration de toutes les zones de l’enclos peut indiquer une nécessaire recherche de nourriture. Des modifications significatives de la faune benthique ont été décrites dans les zones de culture d'huîtres (Castel et al. 1989; Nugues et al. 1996), avec une augmentation des espèces moins sensibles à l'enrichissement en matières organiques et, en particulier, de la méiofaune aux dépends de la macrofaune. Notre expérience s’est avérée de trop courte durée pour favoriser cet enrichissement en faune benthique, sauf à constater les prémices du développement des copépodes harpacticoïdes et cela, quelle que soit la zone. Ainsi l’essentiel de la macrofaune disponible (Hedistes diversicolor, Abra spp), si elle a été consommée, n’a été renouvelée que par des juvéniles en fin d’expérience. Toutefois, les soles sont des prédateurs opportunistes (Sorbe 1981; Cabral 2000), capables d’utiliser l’entomofaune des marais à poissons (Lasserre

& Lasserre 1978), ce qui explique probablement des comportements moins sensibles à la qualité des proies disponibles.

VI.5. Conclusion

Le comportement natatoire des soles en mésocosme reste dominé par un rythme nycthéméral, avec des changements d’amplitude dus au cortège de variables hydro-climatiques dont les effets ne peuvent être dissociés les uns des autres. La présence de structures d’élevage ostréicole n’affecte pas significativement ce comportement. Dans le cadre de notre expérience, les modifications hydrologiques et bio-sédimentaires liées aux cultures d'huîtres sur tables n’ont pas restreint l’accès à l’habitat qui se trouve sous leur emprise. Au contraire, cette pratique ostréicole s’accompagne d’une structuration en micro-habitats plus fréquemment utilisés que les zones non couvertes.

Des études in situ seront nécessaires avant d’étendre ces conclusions à la nourricerie intertidale qui se trouve dans l’espace concédé aux parcs à huîtres. Dans cette perspective, le panel de réponses comportementales déjà connues pour cette espèce pourra servir de référentiel. La présente étude atteste de la grande capacité d’adaptation de cette espèce à la présence des élevages d’huîtres. Dans ce cadre, la reconnaissance d’un (micro)-habitat précédemment occupé suggère une capacité de repérage ou de mémorisation des aires de refuge ou de nourrissage. Récemment reconnue aux vertébrés inférieurs que sont les poissons, elle va au-delà d’un héritage génétique (voir revue in : Odling-Smee & Braithwaite 2003).

Prendre en compte une telle capacité est essentiel pour comprendre les modes de déplacement ou d'occupation d'un habitat.

Chapitre VII. Infestation parasitaire de la sole commune

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 146-150)