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Introduction

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Chapitre II. Croissance potentielle et réalisée des juvéniles de la sole ( Solea solea) sous

II.1. Introduction

Les performances de croissance des poissons dépendent avant tout des potentialités propres à chaque espèce qui déterminent les réponses observées pendant les phases larvaires et juvéniles ou encore l'âge d'entrée en maturation (Roff 2000). Les jeunes poissons présentent typiquement une croissance rapide qui va leur permettre d'atteindre à la fin de la saison de croissance une taille favorisant leur survie pendant l'hiver (revue in : Sogard 1997). Ces performances de croissance sont modulées par l'environnement et, les poissons étant pour la plupart ectothermes, la température est l'une des variables majeures impliquées dans les

Partie 1. Déterminants intrinsèques et environnementaux de la croissance – Croissance potentielle et réalisée

Brett 1979). La croissance des poissons va dépendre également de la latitude (revue in : Pörtner et al. 2001). La taille atteinte à l'hiver sera le résultat des caractéristiques de la période et du lieu de ponte, de la durée de la vie pélagique avant la colonisation (effets maternels, revue in : Solemdal 1997) ainsi que des conditions rencontrées lors de cette colonisation.

Le concept de nourricerie recouvre les questions de la concentration des juvéniles, de la définition d'un habitat approprié en termes de croissance et de survie et, par conséquent, de la contribution au recrutement dans la population adulte (Beck et al. 2001; Van der Veer et al.

2001; Le Pape et al. 2003b). Pour de nombreuses espèces dont le cycle de vie se déroule sur le plateau continental, mais dans des habitats séparés pour les juvéniles et les adultes, les nouvelles recrues, après une migration vers la côte, colonisent des zones côtières et estuariennes éminemment variables (Gillanders et al. 2003). C'est le cas de la sole commune (Solea solea L.), avec des distances entre les zones de frayères (Riley 1974; Arbault et al.

1986; Borremans 1987; Van der Land 1991; Eastwood et al. 2001) et les nourriceries (Koutsikopoulos et al. 1989a; Cabral & Costa 1999; Amara et al. 2000; 2001; Riou et al.

2001; Van der Veer et al. 2001) qui dépendent de la latitude et/ou de la largeur du plateau continental. Miller et al. (1985) ont lancé le concept de la 'dépendance estuarienne' pour les juvéniles de poissons plats comme résultant d'un compromis entre les besoins de la population (principalement une température optimale pour la croissance, un abris contre les prédateurs et des proies en abondance) et les contraintes imposées par ces habitats (en particulier, des variations de l'hydrodynamisme et plus généralement des qualités physico-chimiques de l'eau). Ces conditions environnementales particulières impliquent que les poissons utilisant ces nourriceries aient développé un ensemble de processus, à travers des réponses comportementales et physiologiques, leur permettant d'optimiser la croissance (e.g.

Paralichthys californicus, Madon 2002). C'est vrai pour la sole, et tout particulièrement pour ses juvéniles qui sont très eurythermes (Fonds 1975). Lefrançois & Claireaux (2003) ont mis en évidence la 'faible dépendance thermique de la sole' ; ces auteurs ont évalué à 13,3-22,9°C la gamme de températures au sein de laquelle les juvéniles conservent au moins 80% de leur capacité métabolique maximale, cette dernière ayant été obtenue pour une température de 19,7°C.

Ces propriétés expliquent probablement la large répartition géographique de cette espèce : les populations de soles se répartissent depuis la Norvège jusqu'aux côtes est de l'Afrique et occupent également la Méditerranée, exception faite des zones les plus orientales (Quéro et al. 1986). A l'échelle locale, les facteurs biotiques (la nourriture, la compétition

intra et inter-spécifique et la prédation) interagissent avec les facteurs abiotiques et les contraintes anthropiques, faisant des nourriceries côtières des systèmes multivariés et complexes (voir revue in : Roman et al. 2000). Quels que soient leurs effets sur la croissance des jeunes poissons, ces facteurs réduisent (voir revue in : Sogard & Olla 2002) ou accroissent les variations du taux de croissance (Sogard & Able 1992; Fitzhugh et al. 1996). Les processus de compensation modulent les taux de croissance observés à l'échelle de l'aire de répartition de l'espèce. Par exemple, les juvéniles de la sole sont plus petits (de 8 à 11,7 cm en longueur totale) à la fin d'une saison de croissance plus courte dans les nourriceries de Mer d'Irlande ou de la Mer du Nord (Rijnsdorp & Van Beek 1991; Rogers 1994; Amara 2003) que ceux de l'estuaire du Tage au Portugal (longueur totale de 16-17 cm, Cabral & Costa 1999), et ceci en dépit de taux de croissance plus élevés dans les nourriceries septentrionales (Jager et al. 1995; Van der Veer et al. 2001).

La sole du golfe de Gascogne est une espèce de première importance au sein des pêcheries européennes. Ce stock a récemment été reconnu comme ayant dépassé les limites biologiques de sécurité (Anonymous 2002). Il constitue à la fois une unique population (Kotoulas et al. 1995; Exadactylos et al. 2003) et une seule unité de gestion (ICES VIIIab divisions) qui fait l'objet d'une régulation (TAC). Depuis les années 1990, ce stock était caractérisé par une faible variation des taux de recrutement annuels (Forest 1995), comparé aux stocks situés plus au nord (Rijnsdorp et al. 1992). Il a été suggéré que ces conditions de recrutement particulières résultent des températures hivernales des masses d'eau, rarement limitantes dans le golfe de Gascogne (souvent au-dessus de 9°C pendant la période de reproduction, Koutsikopoulos & Lacroix 1992).

La sole constituait ainsi une bonne candidate pour étudier le potentiel de croissance d'un espèce eurytherme au milieu de son aire de répartition, le golfe de Gascogne (Figure II.1). Toutes conditions égales par ailleurs, si des températures optimales pour la croissance règnent au sein des nourriceries, à la fois en terme d'amplitude et de durée, les juvéniles devraient être capables d'atteindre une taille maximale avant l'hiver. Les pertuis Charentais, récemment reconnus comme abritant les plus fortes concentrations de juvéniles (Le Pape et al. 2003b), sont des baies macrotidales situées au milieu des côtes atlantiques françaises. Elles correspondent à la zone côtière turbide de petits estuaires ('nearshore turbid zone', Day et al.

1989) et constituent, pour les poissons, des habitats dominés par la conchyliculture (Leguerrier et al. 2003). Dans ces écosystèmes complexes, les contraintes environnementales naturelles ainsi que les forçages anthropiques peuvent contribuer à réduire la croissance des

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juvéniles comme suggéré par Gilliers et al. (2004b) et Le Pape et al. (2003c). L'objectif de cette étude était d'utiliser les variations de croissance des juvéniles de la sole pour identifier si les conditions particulières rencontrées au sein de la nourricerie étaient susceptibles d'agir sur le taux de croissance et la taille atteinte à l'hiver. Une expérience en mésocosme a été conduite pour permettre une comparaison avec la croissance observée en milieu naturel et discriminer, si possible, certains des facteurs responsables des variations de croissance.

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