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Au regard de l’importance de l’IL-7 dans le développement et l’homéostasie des populations lymphocytaires, l’utilisation de cette cytokine en clinique chez des patients présentant des lymphopénies chroniques de diverses étiologies (cancer, infections virales) fut rapidement considérée.

1. Données précliniques

Cette possibilité fut étayée dans différents modèles précliniques montrant que l’administration d’IL-7 recombinante chez des animaux traités avec différents immunosuppresseurs ou dans des modèles de greffe de moelle favorisait la reconstitution du compartiment immun (Fry et al., 2001; Morrissey et al., 1991). Il est important de noter que cet effet s’explique principalement par un effet d’amplification du pool de lymphocytes T en périphérie et indépendamment du thymus. De plus, l’activité reconstituante de l’IL-7 a pu être démontrée comme surpassant celle d’autres cytokines homéostatiques comme l’IL-15 ou le FLT3L (Alpdogan et al., 2005; Fry et al., 2001). Au-delà de son activité de reconstitution du pool lymphocytaire, l’administration d’IL-7 en contexte vaccinal semble également augmenter la qualité de la réponse T Ag spécifique et la survie du pool T mémoire (Melchionda et al., 2005; Nanjappa, et al., 2008). Le moment de l’administration semble d’ailleurs jouer un rôle important dans ces phénomènes. Son effet sur le développement de la réponse spécifique est essentiellement observé lorsque l’IL-7 est co-administré avec le vaccin, alors que son effet sur la réponse mémoire est surtout observable si l’IL-7 est injecté au cours de la phase de contraction de la réponse T CD8+.

En contexte infectieux, l’administration de l’IL-7 semble avoir aussi des effets bénéfiques. En effet, le traitement avec de l’IL-7 de souris infectées par LCMV augmente la clairance virale des animaux, un effet reposant sur son effet modulateur sur certains facteurs suppressifs comme PD- 1 et SOCS3 au sein des lymphocytes T mais aussi l’induction de la production d’IL-22 (Pellegrini et al., 2011). L’IL-7 semble aussi jouer un rôle modulateur intéressant dans certains modèles de chocs septiques. Même s’il pourrait sembler contre-intuitif qu’une déficience en lymphocytes T aggrave la physiopathologie d’un choc septique, l’administration d’IL-7, dans un

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modèle de ponction caecale, permet d’inhiber l’apoptose des lymphocytes T, d’augmenter la migration des leucocytes vers le site inflammatoire et de réduire la charge bactérienne (Unsinger et al., 2010). Même si ces données suggèrent un rôle bénéfique de l’IL-7 en contexte d’infection bactérienne, il reste clairement à démontrer son activité dans un modèle d’infection bactérienne spécifique non polymicrobienne.

2. Etudes et essais cliniques

Les premières études utilisant de l’IL-7 pour administration humaine ont utilisé une IL-7 recombinante humaine (IL-7rh) produite par Escherichia coli. Toutefois, les essais ultérieurs ont eu recours à de l'IL-7rh produite dans les cellules eucaryotes reproduisant avec plus d’exactitude les profils de glycosylation présents dans la protéine naïve et diminuant aussi les risques de développement d’Ac anti-IL-7rh. Jusqu’à présent, plusieurs essais cliniques basés sur l’administration d’IL-7 ont été initiés dans le monde chez des patients ayant subits une transplantation de cellules souches hématopoïétiques, atteints de cancer, de lymphocytopénies idiopathiques ou d’infections chroniques virales (HIV, HBV et HCV) (Mackall et al., 2011). Dans tous ces essais, l’IL-7rh a été administré de façon sous-cutanée, à des doses variant de 3 à 60 μg/kg et allant d’une à 8 doses. A l’exception de quelques effets secondaires communs (fièvre, léger malaise), l’IL-7rh est globalement bien toléré. Aucune toxicité aigüe n’a été observée dans les protocoles basés sur l’administration de l’IL-7rh.

Dans la première étude, l’IL-7rh a été administré chez 16 patients atteints de cancers chimio- résistants tous les 2 jours pour une durée de 14 jours. L’IL-7 a induit une diminution transitoire du nombre des lymphocytes circulants les premiers jours après l’administration, probablement due au recrutement de ces cellules vers les tissus. Dans les jours suivants, une augmentation dose-dépendante des lymphocytes T CD4+ et CD8+ circulants a pu être observée avec un pic à J21. Cet effet a de plus perduré 8 semaines après l’arrêt du traitement. Il est important de noter que l’administration d’Il-7 a été associée à une augmentation de la taille des organes lymphoïdes secondaires comme la rate ou les ganglions lymphatiques, ainsi qu’une augmentation importante de l’activité métabolique au niveau de ces sites (Sportes et al., 2008). Même si la demi-vie de l’IL-7rh mesurée est relativement courte (6-10h), les effets biologiques persistent dans le temps (Sportes et al., 2010). L’IL-7 étant connue pour se lier à certains composants de la matrice

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extracellulaire, les effets persistants de la thérapie par l’IL-7rh peuvent être dus à une saturation du compartiment tissulaire, suivie par une libération lente de la cytokine.

L’IL-7rh a été aussi testé dans des modèles d’infections virales chroniques. Ainsi 18 patients atteints d’une infection par HIV ont reçu une seule dose d’IL-7 (Sereti et al., 2009). Cette étude a confirmé que l’IL-7rh induisait une lymphopénie précoce, suivie par une augmentation significative des nombres des LT CD4+ et CD8+ à partir de J4 suivant l’administration de l’IL-7 et qui persistait jusqu’au 14ème jour. Etant donné que les taux d’IL-7rh au niveau du sérum

présentaient un pic 4h après son administration et que la demi-vie de l’IL7 est courte, les résultats confirment que les effets biologiques de l’IL-7rh continuent même après que les taux sériques de la cytokine reviennent à la normale. Dans une autre étude où l’IL-7rh a été administré en 8 doses tous les 2 jours chez 14 patients atteints de HIV, une augmentation des nombres des lymphocytes T ainsi qu’une expansion des T naïfs et mémoires a été observée (Levy et al., 2009). Malgré des augmentations transitoires de la réplication du virus, les taux d’IL-2 et d’IFN-γ obtenus in vitro en réponse à des antigènes viraux a été augmentée chez 4 patients ayant suivi la thérapie indiquant une amélioration significative de l’immunité antivirale. De façon similaire, un essai chez un patient atteint d’une leuco-encéphalopathie multifocale progressive associée à une leucopénie CD4+ idiopathiques a montré une reconstitution immunitaire précoce suite au traitement par l’IL-7rh (Patel et al., 2010).

Ces essais cliniques ont également mis en évidence des effets de l’IL-7 sur la lymphopoïèse des lymphocytes B. Si l’administration de l’IL-7rh aboutissait à des effets négligeables sur les lymphocytes B matures circulants, des augmentations transitoires du nombre de lymphocytes B immatures ont été notées dans 2 études (Sereti et al., 2009; Sportes et al., 2010). L’IL-7rh pourrait ainsi induire une prolifération précoce de lymphocytes B au niveau de la moelle associée à l’apparition d’hématogones, des précurseurs médullaires de la lignée B (observés généralement suite à la reprise d’une chimiothérapie intense) pouvant être confondus avec des cellules malignes en microscopie.

C. Nouveaux outils biologiques renforçant l’innocuité et l’activité