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Usages de drogues illicites chez les 15‑30 ans

Dans le document Les comportements de santé des jeunes (Page 113-144)

François Beck Romain Guignard Jean-Baptiste Richard Ivana Obradovic Stanislas Spilka Stéphane Legleye

InTRoDUCTIon

L’observation épidémiologique des usages des drogues illicites a beaucoup progressé en France depuis la fin des années 1990, au regard du nombre d’enquêtes mises en œuvre et de leur capacité accrue à rendre compte de manière précise des pratiques en vigueur [1]. L’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte sont, pour une part importante des individus, une période qui correspond à l’expérimenta-tion de certaines substances psychoactives ; elle conduit également, parfois, à l’installation dans un usage plus régulier. Le Baromètre santé permet d’observer l’évolution des usages de drogues entre 1992 et 2010 chez les jeunes âgés de 15 à 30 ans : l’analyse de ces données permet ainsi de compléter le dispo-sitif d’enquêtes mis en place par l’Observa-toire français des drogues et des toxicoma-nies (OFDT) et ses partenaires autour des usages en population adolescente. Menée par questionnaire autoadministré et stricte-ment anonyme, l’Enquête sur la santé et les

consommations lors de l’appel de prépara-tion à la défense1 (Escapad) permet de faire le point régulièrement sur les niveaux de consommation de substances psychoac-tives des jeunes de 17-18 ans et de présenter les évolutions récentes des pratiques d’usage à la fin de l’adolescence [2, 3]. L’enquête European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (Espad) permet pour sa part d’observer les usages des lycéens [4], tandis que l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) est centrée sur les collégiens [5], toutes deux étant répétées selon un rythme quadriennal. Cet ensemble d’enquêtes permet ainsi d’observer la diffu-sion des usages tout au long de l’adolescence jusqu’aux débuts de la vie adulte, entre 11 et 30 ans.

Les produits étudiés dans ce chapitre sont soit des produits classés sur la liste

1. Rebaptisée Journée défense et citoyenneté.

114 Les comportements de santé des jeunes - Analyses du Baromètre santé 2010

LEs DroguEs ILLIcITEs ou DéTournéEs DE LEur usagE

Le cannabis (ou chanvre indien) est une plante dont est extraite la marijuana (herbe), la résine (haschisch) ou l’huile. Il est le plus souvent fumé sous forme de cigarette (joint). Le cannabis possède des effets eupho‑

risants, désinhibiteurs, relaxants mais il peut provoquer un phénomène de décompensation psychique. Il peut également induire une dépendance psychique chez les consommateurs quotidiens. Une consommation chro‑

nique de cannabis, associée ou non au tabac, augmente également le risque de cancer des voies aérodigestives.

Les poppers désignent une famille de composés syn‑

thétiques volatils nitrités se présentant sous la forme de petites bouteilles à inhaler. Ils ont un effet désinhi‑

biteur bref et intense, provoquant le rire et l’euphorie mais aussi une accélération du rythme cardiaque. Ils peuvent exposer, dans certains cas rares, à des pro‑

blèmes sanguins graves. Parmi les drogues, les poppers bénéficiaient jusqu’à une période récente d’un sta‑

tut juridique particulier. Si les poppers contenant des nitrites de pentyle ou de butyle sont interdits à la vente en France et classés comme stupéfiants depuis 1990, d’autres (nitrites d’amyle et de propyle) étaient encore

disponibles de manière licite, en sex‑shop notamment, jusqu’à une période récente. Depuis l’arrêté du minis‑

tère de la Santé du 29 juin 2011, tous les poppers sont désormais interdits à la cession et à la vente.

L’héroïne est un dérivé de la morphine, elle‑même dérivée de l’opium. Elle possède des propriétés eupho‑

risantes et relaxantes. Son administration par voie intraveineuse en fait un vecteur majeur de transmis‑

sion virale (hépatites et VIH). Elle peut également être sniffée ou fumée. Les effets de l’héroïne sur le cerveau sont plus immédiats qu’avec d’autres substances. Son utilisation induit une très forte dépendance physique et psychique, caractérisée par un important syndrome de manque en cas de sevrage.

L’ecstasy désigne des produits synthétiques conte‑

nant de la MDMA (méthylènedioxymétamphétamine), sous forme de comprimés, de poudre ou de cristaux.

Apparue en France vers la fin des années 1980, cette

« drogue de l’amour » s’est largement répandue au cours des années 1990, notamment avec l’essor du mouvement techno, et dépasse désormais largement ce cadre.

des stupéfiants (cannabis, amphétamines, cocaïne, ecstasy, LSD, héroïne, poppers, champignons hallucinogènes), soit des produits détournés de leur usage à des fins psychotropes (colles, solvants volatils), les caractéristiques de ces différents produits étant rappelées dans l’encadré ci-dessous.

Ce chapitre ne traite pas des « nouveaux produits de synthèse » (NPS), substances qui imitent les effets de différents produits illicites (ecstasy, amphétamines, cocaïne, cannabis, etc.) et qui semblent en essor (en particulier les cannabinoïdes de synthèse [6]). L’alcool et le tabac, du fait de l’ampleur de leur diffusion en France, sont traités dans des chapitres ad hoc (voir le chapitre

« Les consommations de boissons alcoo-lisées parmi les 15-30 ans », page 87 et le chapitre « Le tabagisme chez les jeunes

de 15-30 ans », page 69) et ne seront ici mobilisés que de façon sommaire, pour être mis en perspective avec les drogues illicites, dans une partie spécifique traitant de la polyconsommation. Dans la mesure où le cannabis reste de loin la substance illicite la plus consommée en France, une large part lui est consacrée dans ce chapitre.

La première partie de ce chapitre présente les niveaux d’usage de cannabis parmi les jeunes de 15 à 30 ans, leur évolution depuis le début des années 1990, les facteurs associés à l’usage selon la fréquence de consommation et les principales différences régionales. Les grandes tendances concer-nant les autres drogues illicites seront ensuite exposées, pour conclure cet état des lieux par une brève description des pratiques de polyconsommation régulière.

115 Usages de drogues illicites chez les 15-30 ans

RéSULTATS

cannaBIs

facilité d’accès au cannabis Parmi les individus de 15 à 30 ans inter-rogés dans le Baromètre santé 2010, 60,6 % déclarent s’être déjà vu proposer « du cannabis, du haschisch, de la marijuana, de l’herbe, un joint ou du shit », les hommes (67,9 %) plus souvent que les femmes (53,4 % ; p<0,001). Cette proportion est plus importante avant 30 ans (60,6 % vs 35,2 % chez les 31-64 ans ; p<0,001). Jusqu’à 30 ans, les opportunités d’accès au cannabis augmentent assez naturellement avec

l’avancée en âge (48,6 % parmi les 15-19 ans, 64,8 % parmi les 20-25 ans, 67,3 % parmi les 26-30 ans ; p<0,001), si bien que l’accessibi-lité du cannabis culmine dans cette période de la vie, à un niveau assez stable depuis les années 2000 (63,3 % en 2000, 61,2 % en 2005).

niveaux d’usage de cannabis par âge et par sexe

Aujourd’hui, l’usage de cannabis est plus fréquent chez les jeunes (15-30 ans) qu’il ne l’a été dans les précédentes généra-tions, quel que soit le niveau de consomma-Le LSD (de l’allemand Lysergik Saüre Dietahylamide,

plus connu en France sous le nom d’acide lysergique) est un hallucinogène provoquant des distorsions de la perception visuelle, spatiale et temporelle, pouvant aller jusqu’aux hallucinations. Il se présente le plus sou‑

vent sous la forme d’un buvard imbibé de solution de LSD, qui est surtout administré par ingestion, même si certains utilisateurs le fument, mélangé à du tabac, ou se l’injectent. À forte dose ou chez les sujets prédispo‑

sés, le LSD peut induire des illusions délirantes dange‑

reuses, des suicides ou des perturbations psychiques durables.

La cocaïne se présente le plus souvent sous la forme d’une fine poudre blanche, consommée par voie nasale (sniffée). Elle est plus rarement consommée par voie intraveineuse. Auparavant confinée à des milieux sociaux favorisés, proches du monde du spectacle, ainsi qu’aux populations marginalisées, elle est désor‑

mais consommée dans de nouveaux espaces et par de nouvelles catégories sociales (milieux festifs, classes moyennes, chômeurs, etc.). Elle provoque une eupho‑

rie immédiate, une stimulation intellectuelle et phy‑

sique mais n’engendre pas de dépendance physique.

La dépendance psychique peut en revanche s’avérer extrêmement forte.

Les amphétamines sont des produits de synthèse sti‑

mulants, le plus souvent disponibles sous forme de cachets (à gober) ou de poudre. Elles sont le plus sou‑

vent consommées dans un cadre festif ou pour améliorer des performances sportives ou professionnelles. La forte dépendance psychique engendrée par les amphétamines explique qu’elles aient récemment été sorties de la phar‑

macopée pour être classées parmi les stupéfiants.

Les champignons hallucinogènes et les autres hallu‑

cinogènes végétaux sont des produits d’origine natu‑

relle contenant des principes actifs hallucinogènes. Ils provoquent des distorsions de la perception visuelle, spatiale et temporelle. On peut citer d’autres halluci‑

nogènes, tels que la mescaline, le datura, la Salvia divi-norum, etc.

Les produits pris par inhalation sont divers (colles, solvants, détachants, vernis, protoxyde d’azote, air sec, dérivés du pétrole, etc.). Les principes actifs les plus connus sont le protoxyde d’azote (gaz hilarant), l’éther, le trichloréthylène et l’acétone. Les principaux utilisa‑

teurs sont les adolescents car les inhalants sont pour la plupart d’accès facile et peu coûteux. Les troubles engendrés peuvent être sérieux, tant sur le plan phy‑

sique que psychique. Ces produits sont en vente libre ou à usage hospitalier (protoxyde d’azote, éther).

116 Les comportements de santé des jeunes - Analyses du Baromètre santé 2010

tion [tableau I]. L’expérimentation concerne ainsi 44,4 % des 15-30 ans et 26,7 % des 31-64 ans (p<0,001). Pour des niveaux d’usage plus fréquents, les jeunes sont 5 à 6 fois plus nombreux à consommer que leurs aînés : 19,0 % en ont consommé au cours des douze derniers mois, 10,7 % au cours du dernier mois et 2,6 % ont un usage quoti-dien.

L’expérimentation de cannabis touche donc une large partie des jeunes généra-tions. Passé l’âge de 25 ans, seul un homme sur trois n’a jamais été en contact avec le cannabis (vs plus d’une femme sur deux).

Comme dans l’ensemble de la population, les usages de cannabis des 15-30 ans sont en effet marqués par une prédominance masculine, et ce d’autant plus nettement que la fréquence de consommation augmente.

Ainsi, à ces âges, plus d’un homme sur deux a déjà expérimenté le cannabis (51,3 % vs 37,6 % des femmes, sex-ratio (SR) = 1,4 ; p<0,001), un sur quatre en a consommé dans l’année (25,2 % vs 12,8 % des femmes, SR = 2,0 ; p<0,001) et près d’un sur sept en a consommé dans le mois (14,9 % vs 6,5 % des femmes, SR = 2,3 ; p<0,001). Les usages réguliers concernent 7,7 % des hommes (vs 2,5 % des femmes, SR = 3,1 ; p<0,001) et les usages quotidiens 3,8 % des hommes (vs 1,4 % des femmes, SR = 2,7 ; p<0,01).

Jusqu’à 30 ans, chez les hommes, la prévalence de l’expérimentation de cannabis

augmente de manière importante avec l’âge, pour toucher les deux tiers des hommes entre 26 et 30 ans, alors que les niveaux de diffusion du cannabis sont relativement stables, chez les femmes, entre 20 et 30 ans [figure 1]. Concernant l’usage masculin dans l’année, il atteint son point culmi-nant entre 20 et 25 ans (28,4 %) ; chez les femmes, les niveaux restent similaires entre 15 et 25 ans (environ 15 %). Par ailleurs, c’est entre 20 et 25 ans que les niveaux d’usage régulier sont les plus importants, quel que soit le sexe (9,5 % chez les hommes et 3,7 % chez les femmes). Après 25 ans cepen-dant, les jeunes adultes de sexe masculin restent encore assez nombreux à déclarer des niveaux d’usage régulier conséquents (8,3 %).

évolution des niveaux d’usage de cannabis

Les niveaux d’usage de cannabis ont connu une forte hausse au cours de la décennie 1990-2000, avant de se stabiliser à un niveau élevé. La diffusion du cannabis parmi les jeunes de 15 à 30 ans a quasiment doublé entre le début des années 1990 et les années 2000, tant chez les hommes que chez les femmes. Chez les hommes, le niveau d’expérimentation du cannabis est stable depuis 2000, alors qu’il n’a pas cessé d’aug-menter depuis le début des années 1990

LExIquE DEs nIVEaux DE proxImITé ET D’usagE Du cannaBIs (éVaLués à parTIr DE DonnéEs DécLaraTIVEs)

Proposition : s’être vu proposer un produit au moins une fois au cours de la vie.

Expérimentation : avoir consommé un produit au moins une fois au cours de la vie.

Usage actuel (ou au moins occasionnel) : avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours des douze derniers mois.

Usage récent : avoir consommé un produit au moins une fois au cours des trente derniers jours.

Usage régulier : avoir consommé un produit au moins dix fois au cours des trente derniers jours.

117 Usages de drogues illicites chez les 15-30 ans

chez les femmes, pour se stabiliser, plus tardivement, entre 2005 et 2010 [figure 2]. Après une hausse très nette entre 1995 et 2000, l’usage actuel de cannabis a peu évolué entre 2000 et 2010 : aujourd’hui, un jeune sur cinq déclare avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours de l’année passée (12,8 % des femmes et 25,2 % des hommes).

Si le cannabis a connu une forte diffusion au sein du public jeune depuis les années 1990, les usages plus fréquents de cannabis ont augmenté de façon à la fois plus limitée et plus circonscrite dans le temps.

L’usage récent de cannabis a ainsi légère-ment diminué entre 2000 et 2005 chez les femmes (de 8,3 % à 6,2 %), pour se stabi-liser par la suite [tableau II]. La part d’usa-niveaux de consommation du cannabis en 2010 : comparaison entre les 15-30 ans et les 31-64 ans et comparaison entre hommes et femmes parmi les 15-30 ans (en pourcentage)

15‑30 ans 31‑64 ans Différence Rapport 15‑30 ans

Hommes 15‑30 ans

Femmes Sex‑ratio

Expérimentation 44,4 26,7 *** 1,7 51,3 37,6 1,4***

Usage actuel 19,0 3,8 *** 5,0 25,2 12,8 2,0***

Usage récent 10,7 1,9 *** 5,6 14,9 6,5 2,3***

Usage régulier 5,1 0,9 *** 5,7 7,7 2,5 3,1***

Usage quotidien 2,6 0,5 *** 5,2 3,8 1,4 2,7**

* : p<0,05 ; ** : p<0,01 ; *** : p<0,001.

TaBLEau I

usage de cannabis chez les 15-30 ansa en 2010 selon l’âge et le sexe (en pourcentage)

15-19 ans 20-25 ans 26-30 ans 15-19 ans 20-25 ans 26-30 ans

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

%

Jamais consommé Expérimentation

Usage actuel Usage régulier

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

%

Hommes Femmes

5,1 9,5 8,3

17,0 18,9 15,5

10,2

26,3 42,0

67,7

45,4 34,2

2,2 3,7 1,4

13,2 11,5

5,7 7,0

28,5 37,1

77,6

56,3 55,8

a. Contrairement à ce qui est fait dans le reste du chapitre, les pourcentages indiqués sur cette figure se réfèrent à des types d’usage « exclusifs ». Par exemple, 10,2 % des hommes de 15‑19 ans déclarent avoir expérimenté le cannabis mais ne pas en avoir un usage actuel (dans l’année).

Source : Baromètre santé 2010, Inpes.

fIgurE 1

118 Les comportements de santé des jeunes - Analyses du Baromètre santé 2010

gers réguliers apparaît quant à elle stable depuis 20002 : l’usage régulier de cannabis concerne environ un jeune sur vingt.

Parmi les 26-30 ans, 71,8 % des personnes qui ont expérimenté le cannabis n’en ont pas consommé au cours de la dernière année (63,4 % des hommes, 83,9 % des femmes).

Une large majorité des consommateurs arrête donc la consommation assez rapidement, avec quelques différences selon la situation professionnelle (73,0 % des actifs occupés vs évolution des usages de cannabis chez les 15-30 ans

de 2000 à 2010, par sexe (en pourcentage)

2000 2005 2010

Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble

Expérimentation 49,8 30,0 40,3 51,0 35,5*** 43,4** 51,3 37,6 44,4

Usage actuel 26,2 14,2 20,5 24,8 12,5 18,8 25,2 12,8 19,0

Usage récent 16,8 8,3 12,7 15,6 6,2** 11,0* 14,9 6,5 10,7

Usage régulier 7,5 2,6 5,1 8,2 2,6 5,4 7,7 2,5 5,1

Évolutions 2000‑2005 : * : p<0,05 ; ** : p<0,01 ; *** : p<0,001. Les évolutions entre 2005 et 2010 ne sont pas significatives.

Source : Baromètre santé 2010, Inpes.

TaBLEau II

évolution de l’expérimentation et de l’usage actuel de cannabis chez les 15-30 ans de 1992 à 2010, par sexe (en pourcentage)

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

%

2000 2005 2010

1992 1995

22,9 29,3

40,3

43,4 44,4

33,1 36,3

49,8 51,0 51,3

14,5 21,5

30,0

35,5 37,6

11,2 12,6

20,5 18,8 19,0

17,3 15,4

26,2

24,8 25,2

6,1 9,3

14,2 12,5 12,8

Expérimentation

Hommes Ensemble Femmes Usage actuel

Source : Baromètre santé 2010, Inpes.

fIgurE 2

2. Les usages récents et réguliers ne sont pas disponibles pour les années 1992 et 1995, dans la mesure où la question de l’usage au cours du mois n’était pas posée avant 2000.

119 Usages de drogues illicites chez les 15-30 ans

64,0 % des chômeurs) ou le niveau de diplôme (75,3 % pour un diplôme supérieur au bac vs 68,0 % pour un diplôme inférieur au bac).

facteurs associés aux usages de cannabis

Outre l’âge et le sexe, les facteurs associés à l’usage de cannabis tiennent à certains aspects bien identifiables du contexte de vie : résidence en milieu urbain (plus l’agglomé-ration de résidence est importante, plus les chances de consommer du cannabis sont élevées) et situation financière [tableau III]. Ainsi, le sentiment d’insécurité financière et, dans une moindre mesure, la taille de l’agglomération de résidence sont associés

à la probabilité de consommer du cannabis, de manière assez analogue entre les sexes. À l’inverse, l’avancée en âge va de pair, chez les femmes, avec une diminution de la propen-sion à consommer du cannabis, alors que, chez les hommes, elle n’influe en rien sur les chances de consommer. De même, la situation de chômage n’est associée à l’usage actuel que chez les hommes, pour qui elle constitue un facteur important de surconsommation (OR = 1,7 ; p<0,001). Par conséquent , le vieillissement et le chômage influent sur la consommation de cannabis d’une manière tout à fait spécifique chez les jeunes de sexe masculin, jusqu’à 30 ans.

Ce lien apparent entre situations de préca-rité et usage actuel de cannabis mériterait

facteurs associés à l’usage actuel de cannabis chez les 15-30 ans en 2010, dans l’ensemble et par sexe

Ensemble Hommes Femmes

N % ORa IC % ORa IC % ORa IC

Sexe ***

Homme (réf.) 2 850 25,2 1

Femme 3 132 12,9 0,4*** 0,4 ; 0,5

Âge *** * ***

15-19 ans (réf.) 1 573 19,0 1 22,0 1   15,7 1  

20-25 ans 2 268 22,0 1,1 0,9 ; 1,3 28,8 1,2 0,9 ; 1,5 15,5 0,9 0,7 ; 1,2

26-30 ans 2 141 15,5 0,8* 0,6 ; 1,0 24,3 1,0 0,7 ; 1,4 7,1 0,5*** 0,3 ; 0,7

Situation professionnelle * ** ***

Travaille (réf.) 2 857 17,1 1 23,3 1 10,3 1

Étudiant 2 266 20,1 1,2 1,0 ; 1,4 24,3 1,2 0,9 ; 1,6 15,9 1,1 0,8 ; 1,5

Au chômage/inactif 859 21,0 1,2 1,0 ; 1,4 33,8 1,7*** 1,3 ; 2,1 11,4 0,7 0,5 ; 1,0

Perception de la situation financière *** *** *

« Ça va » (réf.) 3 836 17,4 1 22,9 1 11,5 1

« C’est juste » 1 384 19,5 1,2* 1,0 ; 1,4 27,2 1,2 1,0 ; 1,5 12,2 1,2 1,0 ; 1,6

« C’est difficile » 762 26,0 1,8*** 1,5 ; 2,2 34,8 1,8*** 1,4 ; 2,3 19,3 1,9*** 1,4 ; 2,6

Taille d’agglomération *** * **

Rural (réf.) 1 323 14,8 1 20,1 1   9,7 1  

2 000 à 20 000 habitants 1 037 17,6 1,2 1,0 ; 1,5 25,0 1,3 1,0 ; 1,8 10,3 1,1 0,8 ; 1,6 20 000 à 200 000 habitants 1 118 19,0 1,4** 1,1 ; 1,7 26,1 1,4* 1,1 ; 1,8 11,8 1,3 0,9 ; 1,9 200 000 habitants et plus 1 536 21,0 1,5*** 1,2 ; 1,8 26,3 1,3 1,0 ; 1,6 15,8 1,8*** 1,3 ; 2,5 Agglomération parisienne 968 22,1 1,7*** 1,3 ; 2,1 28,8 1,5** 1,2 ; 2,0 15,6 1,9*** 1,3 ; 2,6

* : p<0,05 ; ** : p<0,01 ; *** : p<0,001. Résultats obtenus par le test du Chi2 de Pearson pour la colonne % (pourcentages pondérés issus des tris bivariés pour les croisements entre chacune des covariables et la variable dépendante) et par le test de Wald pour la colonne OR (odds‑ratios issus des régressions logistiques).

Source : Baromètre santé 2010, Inpes.

TaBLEau III

120 Les comportements de santé des jeunes - Analyses du Baromètre santé 2010

cependant d’être confirmé par une analyse plus approfondie : la précarité est en effet un phénomène multidimensionnel, difficilement réductible à un seul indicateur descriptif du contexte de vie. Ainsi, l’insécurité financière ressentie, par exemple, peut recouvrir des situations hétérogènes et peu comparables entre elles3. Il apparaît de ce fait indispen-sable d’explorer les liens entre les différents éléments caractéristiques du contexte de vie et l’usage régulier de cannabis.

Globalement, l’usage régulier de cannabis apparaît lié à l’ensemble des variables socio-démographiques étudiées : sexe, âge, situa-tion professionnelle, situasitua-tion financière, taille de l’agglomération de résidence. Les femmes, les 26-30 ans et les étudiants se révèlent moins concernés par l’installation dans un usage régulier de cannabis, si on les compare aux hommes, aux jeunes âgés de 15 à 25 ans ou aux chômeurs. La taille d’agglo-mération joue comme facteur de consom-mation surtout pour les usagers au cours de l’année : vivre dans un grand pôle urbain influe moins fortement sur l’usage régulier que sur l’usage actuel, même si la tendance reste globalement la même. La situation de chômage, pour les hommes, et les difficultés financières perçues se révèlent au contraire favoriser plus net tement la consommation régulière de cannabis, ce qui constitue un résultat important [tableau IV].

Le gradient social plus marqué pour les usages plus fréquents de cannabis témoigne d’une situation où l’usage régulier de cannabis apparaît comme un marqueur de précarité socioprofessionnelle. Ce résultat fait écho à des travaux de recherche récents menés en population adolescente [7, 8]. évolution des inégalités

depuis 2000 par rapport à la situation professionnelle Les chances de consommer du cannabis varient fortement selon la situation

profes-sionnelle des jeunes (travail, études, chômage). De ce point de vue, il semble que les inégalités se soient creusées depuis 2000 [tableau V]. En effet, la progression de la diffusion du cannabis entre 2000 et 2010 s’est limitée aux jeunes arrivants sur le marché du travail. Parmi eux, elle a été bien plus nette chez les chômeurs que chez les jeunes en situation d’activité profes-sionnelle. C’est aussi dans la catégorie des jeunes actifs, en particulier parmi les chômeurs, que les usages plus fréquents de cannabis se sont développés au cours de la dernière décennie, alors qu’ils ont glo ba-lement baissé chez les étudiants. Enfin, le résultat le plus saillant établit la surexpo-sition des chômeurs à l’usage régulier de cannabis : ainsi, la proportion de fumeurs réguliers de cannabis n’a cessé d’aug-menter parmi les chômeurs et les inactifs depuis 2000 alors qu’elle s’est stabilisée, depuis quelques années, chez les jeunes qui ont un travail et qu’elle a nettement diminué (−50 %) chez les étudiants.

Pour confirmer cette tendance, on peut modéliser l’évolution des usages de cannabis selon le statut d’activité des jeunes enquêtés, afin de repérer d’éventuelles distorsions quant aux populations concer-nées par la consommation de ce produit.

Pour confirmer cette tendance, on peut modéliser l’évolution des usages de cannabis selon le statut d’activité des jeunes enquêtés, afin de repérer d’éventuelles distorsions quant aux populations concer-nées par la consommation de ce produit.

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