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Rapport au Conseil d’Etat

Chapitre 1 : L'Université de Genève

Une Université de qualité

Genève a de quoi être fière de son Université. Elle est reconnue sur le plan national et international comme une institution de haute qualité. Elle accueille près de 13'400 étudiantes et étudiants et occupe régulièrement une place parmi les 30 meilleures universités européennes et parmi les 150 meilleures au monde. Le nombre de doctorantes et doctorants (799 Suisses et 1152 étrangers) est un signe de la vitalité de la recherche réalisée en son sein.

D’autres indicateurs démontrent davantage encore la reconnaissance dont jouit l’activité scientifique de l’Université de Genève. Elle occupe en Suisse la troisième position (derrière l’Ecole polytechnique de Zurich et l’Université de la même ville) en nombre de publications internationales reconnues et elle est la première université généraliste en terme d’audience et d’impact de ses publications scientifiques. Dans le domaine du financement de la recherche, l’Université témoigne d’une haute compétitivité. Le Fonds national de la recherche scientifique lui accorde depuis plusieurs années, de toutes les hautes écoles suisses, le montant le plus élevé de subsides1. Pour trois pôles nationaux de recherche (émotions, génétique du développement, nouveaux matériaux), l’Université de Genève a été désignée comme responsable primaire (leading house) et elle participe à de nombreux autres pôles.

Elle est également leader de sept projets attribués par les autorités de l’Union européenne, dans le cadre du 6e Programme-cadre de recherche et développement technologique, et participe en outre à 110 projets2.

1 Environ 60 millions de francs en 2005 et en 2006.

2 Les subsides générés par la participation au 6ePCRD se montent à environ 35 millions de francs, dont près de 9 millions pour la seule année 2006.

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Elle est aussi très active dans les autres programmes3 et organisations4 de recherche européenne. Elle a été la première université suisse à être cooptée par la Ligue des universités de recherche européennes, qui compte entre autres les universités de Cambridge, Oxford, Paris 6, Louvain et depuis peu celle de Zurich.

L’Université de Genève est aussi un acteur important de la vie culturelle genevoise : Elle offre à travers l’université du 3e âge et ses cours publics, fréquentés par de nombreux auditeurs (770), des possibilités d’acquérir ou d’approfondir les connaissances les plus diverses. La participation de l’Université aux Nuits de la Science, au Festival Science et Cité, aux Semaines du Cerveau ne sont que quelques exemples du dialogue noué avec son environnement sur les nouveaux développements de la recherche et ses impacts sur la société.

Parmi les étudiants, 60% sont des femmes ; le quart de l’effectif global est constitué de ressortissants d’autres cantons, et 34%, soit près de 19% en provenance de l’Union européenne, viennent de l’étranger. Il s’agit là des taux les plus élevés parmi les universités suisses, démontrant la volonté d’ouverture et l’attractivité de l’Université de Genève.

Le corps enseignant est composé de 748 professeurs et chargés de cours, ainsi que de 2516 collaborateurs de l’enseignement et de la recherche. Parmi les professeurs, les femmes ne représentent que 15%. Ce taux, trop modeste, est cependant le plus élevé de Suisse et témoigne des efforts ciblés entrepris par l’Université depuis de nombreuses années. Les 1146 collaboratrices de l’enseignement et de la recherche (46%) constituent un potentiel important.

Les étrangers représentent 35% des professeurs et près de 50% des collaboratrices et collaborateurs de l’enseignement et de la recherche.

Des zones d’ombre

Cependant, il y a aussi matière à préoccupation.

Comme toutes les universités cantonales de Suisse, celle de Genève a vu sa dotation budgétaire décrocher par rapport à l’évolution du nombre d’étudiantes et étudiants.

3 COST : Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique, SCOPES : Scientific cooperation between Switzerland and Eastern Europe.

4 CERN : Organisation européenne pour la recherche nucléaire, ESA : European space agency, ESO : European southern observatory, EMBO : European molecular biology organisation, etc.

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Le très important effort financier que la République et canton consent, complété par les subsides de la Confédération et les versements des cantons pour leurs ressortissantes et ressortissants qui la fréquentent, ne doit pas cacher les difficultés financières de l’institution, difficultés accrues par l’annualité du budget et la rigidité de ses rubriques.

Le faible taux d’encadrement des étudiantes et étudiants, notamment dans certaines facultés de sciences humaines, est préoccupant.

Par ailleurs, le taux d’échec ou d’abandon reste élevé (environ 32% pour les Suisses, aucune statistique n’étant établie pour les étrangers, dont certains ne fréquentent l’Université que pour quelques semestres).

L’Université de Genève a également connu ces toutes dernières années des tensions internes, qui ont finalement éclaté au grand jour lors de ce que l’on peut appeler la crise de 2006. Elle a conduit le Conseil d’Etat à nommer un enquêteur spécial, Thierry Béguin. Il a mis en évidence, dans son rapport du 15 janvier 2007, « un éclatement des pouvoirs et un manque de clarté des responsabilités respectives touchant la gestion, la gouvernance et le contrôle, qui appellent des modifications législatives ». En particulier, une relation conflictuelle entre la direction administrative et la direction académique s’était installée et des dysfonctionnements graves ont été constatés dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Les auditions menées par la commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi sur l’Université (CELU) ont également fait état d’un manque de transparence interne.

De plus, le Grand Conseil n’a jamais été saisi, comme le prévoyait pourtant la révision de la loi du 25 octobre 2002, d’une convention d’objectifs quadriennale, instrument central de la relation entre l’Etat et l’Université.

Enfin, le fait qu’aucun recteur, depuis deux décennies, n’a assumé ses fonctions au-delà d’un seul mandat de quatre ans constitue un autre symptôme des difficultés de gestion de l’Université. Cela a contribué à affaiblir la position de Genève dans les débats qui ont lieu au niveau national sur l’organisation du paysage universitaire suisse.

Le besoin d’une nouvelle loi sur l’Université

La loi qui régit l’Université remonte à 1973 et a connu plusieurs révisions plus ou moins profondes, notamment à cinq reprises au cours des années ’80, puis en 1994 et 2002. Les modifications successives ont certes conduit à résoudre des problèmes qui se posaient dans l’immédiat, elles ont aussi abouti à réduire la cohérence et la lisibilité de la loi.

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L’autonomie de l’Université a constamment été un principe déclaré de tout cet immense travail législatif, mais la définition même du champ de l’autonomie est restée floue et peu praticable ; elle supporte mal, par exemple, la comparaison avec l’autonomie dont jouissent les Hôpitaux universitaires de Genève. La densité de la loi, qui règle de façon très précise entre autres la structure en facultés et les fonctions exercées par le corps enseignant, a considérablement limitée la capacité de l’Université de s’adapter à l’évolution des besoins et des connaissances. Le Grand Conseil a ainsi été amené, à plusieurs reprises, à légiférer à chaud sur des questions d’organisation interne, comme la durée du mandat des collaboratrices et collaborateurs de l’enseignement et de la recherche. La double commande de fait entre les autorités et l’administration cantonales, d’une part, et les organes de l’Université, d’autre part, a compliqué et grippé les mécanismes de gestion.

L’appel réitéré à une direction forte a été insuffisamment accompagné d’une réflexion sur le rôle des autres organes de l’Université et sa tradition participative. Il en est résulté un manque de clarification entre les compétences décisionnelles et consultatives des diverses instances. Le rapport entre le pilotage politique et la gestion, stratégique et opérationnelle, de l’Université n’a pas été suffisamment approfondi. On en est ainsi arrivé à ce que des organes prennent des décisions qui ne relevent pas de leurs compétences et que la lenteur des procédures conduise soit à retarder de façon démesurée les mesures à prendre, soit à enliser des réformes nécessaires.

Les ambitions de l’avant-projet

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat décide, en juillet 2006, de mandater une commission externe chargée de rédiger un avant-projet de loi sur l’université5. Cette commission, en analysant les volontés exprimées tout au long du processus législatif des quatre décennies écoulées et les problèmes rencontrés par son application, a été frappée de constater le consensus qui règne quant au diagnostic et quant à la nécessité de prendre des mesures. Elle a dès lors considéré, comme le mandat l’y invitait, qu’elle n’avait pas à formuler des propositions pour une Xe révision de la loi mais bien à élaborer une loi nouvelle.

5 Voir l’annexe IV.

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Dans ce contexte, elle a pris en considération l’évolution du paysage universitaire suisse et ses perspectives à la lumière de l’article constitutionnel fédéral6, examiné les lois récentes régissant les universités cantonales et le domaine des Ecoles polytechniques fédérales et tenu compte du besoin de coordination de l’enseignement supérieur (hautes écoles spécialisées et universités).

En effet, il est très important pour l’avenir de l’Université de Genève qu’elle puisse participer activement à la coopération et à l’émulation qui caractérisent les relations entre les hautes écoles à l’échelle genevoise, nationale et internationale.

L’avant-projet a pour ambition :

de renforcer le pilotage politique de l’Université, en faisant de la loi un cadre rigoureux des principes auxquels elle est soumise et de la délégation des compétences dont elle bénéficie, et en donnant au Grand Conseil les moyens de se prononcer sur la politique universitaire en toute connaissance de cause et d’en apprécier la réalisation.

de promouvoir un dialogue entre le Conseil d’Etat et l’Université, qui repose sur la négociation de la convention d’objectifs, d’une enveloppe financière quadriennale et des moyens d’évaluer la réalisation de leurs objectifs communs, en fixant les acteurs, les étapes et les impératifs de cette négociation.

de donner à l’Université les moyens dont elle a besoin pour réaliser sa mission et de lui en confier la gestion autonome, sous la haute surveillance de l’Etat ; de déléguer à l’Université la compétence d’édicter son Statut et ses règlements, tout en réservant au Conseil d’Etat l’approbation de ceux-ci.

de renforcer la direction de l’Université, en attribuant au Rectorat les compétences nécessaires à son orientation stratégique et à sa gestion opérationnelle.

de fixer les compétences décisionnelles et consultatives, ainsi que les organes auxquels elles sont attribuées, de façon à ce que les responsabilités soient assumées au niveau optimal, sans lacune ni redondance.

d’assurer aux unités principales d’enseignement ou de recherche (facultés et autres) les compétences et moyens nécessaires à l’organisation de leurs activités.

6 Article 63a, adopté en votation populaire le 21 mai 2006 (FF 2005, numéro 51, page 6793).

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d’améliorer l’ancrage de l’Université de Genève dans le paysage universitaire suisse et européen, en lui donnant les moyens et le pouvoir de décision, afin de collaborer avec d’autres hautes écoles, de délivrer avec ces dernières des titres communs, de procéder à des engagements communs de professeurs, d’assumer la direction de projets communs.

de permettre à l’Université de Genève de se profiler dans l’émulation nationale et internationale entre hautes écoles, notamment en raccourcissant les procédures d’engagement de professeurs et en lui permettant d’offrir à des personnalités de renom des conditions compétitives.

de conforter le sentiment d’appartenance et de participation à une œuvre commune au sein de la communauté universitaire.

Le caractère de service public et l’autonomie de l’Université peuvent ainsi être conjugués. L’autonomie fonde une responsabilité envers la cité et les autorités politiques qu’elle s’est données ; mais elle fonde aussi une responsabilité envers la communauté universitaire : les étudiantes et étudiants doivent pouvoir bénéficier d’un enseignement de qualité, les collaboratrices et collaborateurs doivent pouvoir exercer leurs activités d’enseignement, de recherche et de service dans une organisation efficace, équitable et transparente.

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