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L’UNION DES EMPLOYEURS DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (UDES) OU L’EXPÉRIENCE D’UN SYNDICAT D’EMPLOYEURS

Entretien avec Sébastien Darrigrand, délégué général

L’UDES est une organisation professionnelle qui représente les employeurs de l’économie sociale et soli- daire dans leurs grandes composantes historiques : associations, coopératives, mutuelles. Nous existons depuis 1994 et comptons aujourd’hui vingt-quatre membres qui représentent des employeurs secteur par secteur. Ces membres fédèrent à peu près soixante mille entreprises et établissements, et plus d’un million de salariés. La mutualisation des emplois est un axe important à la fois pour nos adhérents et dans la façon dont on envisage la relation à l’emploi dans les territoires.

Quelles sont les préoccupations de vos adhérents en matière de mutualisation de l’emploi ? On considère que sur un bassin d’emploi, notamment dans le secteur associatif, il est parfois difficile de trouver des emplois à temps plein : le travail est le plus souvent à temps partiel soit subi, soit choisi, en tout cas du temps court lié à l’activité, à savoir le service à la personne au sens large, la petite enfance, l’adolescence, les personnes âgées ou les personnes handicapées. En effet, il s’agit généralement d’heures plus que de contrats pleins. Dans un club de sport, c’est un éducateur sportif quelques heures par semaine. Quand on fait de l’animation périscolaire, c’est la sortie des écoles le soir. Quand on fait du portage de repas à domicile, c’est matin, midi et soir.

Pour ces activités-là, la question de la mutualisation de l’emploi est une question centrale. Cela peut favo- riser la sécurisation des parcours des salariés en leur permettant, d’une part, de mutualiser leurs heures pour avoir un temps plein et, d’autre part, de pouvoir accompagner des mobilités professionnelles à tra- vers plusieurs employeurs dans un territoire donné. C’est pour cela que nous avons débuté des travaux et que nous suivons de près les GE. Nous avons d’ailleurs fait figurer, dans l’un des accords que nous avons signés en 2014 sur l’emploi des jeunes, tout un chapitre sur la nécessité de la mutualisation des emplois à travers les GEa. Nous avons participé plusieurs fois à des manifestations organisées par les GE en régions

pour présenter nos métiers. Nous avons même soutenu, au niveau des pouvoirs publics, un certain nombre de dispositions de nature fiscale visant à aligner le groupement d’employeurs sur le droit commun. Quelles pourraient être ces mesures fiscales en faveur des groupements d’employeurs ?

Nous relayons les propositions du centre de ressources pour les groupements d’employeurs (CRGEb) qui

nous alerte régulièrement sur les questions fiscales. Notamment sur la question de la TVA et de la conta- mination fiscale : même si le GE est composé majoritairement d’associations, il suffit d’un seul employeur assujetti à la TVA dans le groupement pour que le groupement entier et tous ses membres le soient. Il s’agit donc de choses qu’il faudrait faire évoluer, nous le savons. Nous avons donc relayé cela à plusieurs reprises par un certain nombre de dispositions législatives ces dernières années.

Que faut-il faire pour promouvoir les GE ?

Il faut aussi améliorer la communication auprès des différents publics et notamment auprès des em- ployeurs qui ne sont pas toujours au fait de l’existence de ce type de dispositif. Nous avons fait intervenir plusieurs fois un certain nombre de représentants de GE dans des réunions de travail de notre réseau, justement pour expliquer, faire comprendre. Nos employeurs sont un peu réticents parce qu’il y a quand même une cotisation à payer au groupement, qui n’est pas neutre au départ, mais certains s’y retrouvent ensuite parce que le groupement assure pour eux toute une gestion technique des ressources humaines.

a. www.udes.fr/actualites/ludes-4-confederations-syndicales-sengagent-pour-linsertion-professionnelle-lemploi

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PRATIQUES • ANALYSES

C’est quelque chose qui fait que cela peut être assez structurant pour l’employeur. Un peu comme un comité de bassin d’emploi, si vous voulez. Cela signifie que l’on est vraiment dans des logiques territoriales où il peut être vertueux, intéressant et efficient pour un employeur de se retrouver avec des organisations proches pour partager, pour mutualiser, pour mettre en place des compétences communes que lui seul ne pourrait pas développer.

Par ailleurs, nous avons des relations avec nos homologues européens. Il y a aussi des expériences très réussies au Québec et au Canada sur cette dimension. Le milieu coopératif fonctionne beaucoup de cette façon-là avec des échanges, de la mutualisation, de la capacité de créer du lien entre acteurs. Le mouvement coopératif est très fort en Italie, en Espagne, notamment dans le Sud, et dans de nombreux endroits, il pallie en quelque sorte l’absence de présence forte des GE ou, en tout cas, il en constitue une sorte d’alternative.

D’après vous, pourquoi les groupements d’employeurs, qui existent réglementairement depuis vingt-cinq ans, ne sont pas davantage développés ?

Je pense que c’est un problème de culture. C’est-à-dire que les employeurs ont du mal à voir la véritable valeur ajoutée de la structuration en groupement. Ce n’est pas forcément quelque chose de très français. On voit de plus en plus se développer les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) qui essaient de mettre en relation un certain nombre d’acteurs pour travailler ensemble, mais ce n’est quand même pas une vision très française des choses. Les gens ont parfois du mal à travailler ensemble et à imaginer qu’ils puissent partager des activités, partager des compétences, etc.

Je pense qu’il y a aussi un problème de visibilité de leur structuration globale et nationale. C’est-à-dire qu’il y a des groupements d’employeurs très développés dans l’agriculture, il y a les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ), il y a le centre de ressources pour les groupe- ments d’employeurs (CRGE) en Aquitaine et dans les Pays de la Loire. Il y a maintenant la Fédération nationale des groupements d’employeurs (FNGE), qui s’est développée à l’échelon hexagonal. Mais je pense qu’il y a aujourd’hui un problème de structuration globale du dispositif pour lui donner de la visibilité vis-à-vis des employeurs.

Il y a probablement un travail à faire pour mieux sensibiliser les employeurs et les demandeurs d’emploi à ces possibilités qui existent dans les territoires. Il y a donc un travail d’information et sans doute un chaînage à trouver entre les Régions, Pôle emploi, l’APEC et un certain nombre d’acteurs accompagna- teurs à la création d’entreprises ou au développement d’entreprises pour donner davantage de visibilité, surtout pour l’employeur et pour le demandeur d’emploi. Car l’idée de s’organiser en GE peut venir du demandeur d’emploi, de l’intermédiaire de l’emploi (Pôle emploi, par exemple), de l’employeur lui-même ou du syndicat d’employeurs. Cela peut aussi venir d’un organisme tiers qui accompagne les employeurs dans les territoires, notamment à travers les comités de bassin d’emploi, les incubateurs ou autres. Je pense donc qu’il y a, de la part d’un certain nombre d’acteurs de la chaîne emploi-formation, un travail territorial et de proximité à réaliser pour mieux faire connaître, faire de la pédagogie et renforcer les arguments en faveur du GE : auprès de l’employeur, en termes de stabilité des dispositifs, parce que le GE lui permet de développer son activité et, surtout, d’être sécurisé dans ses ressources humaines (RH), et auprès du demandeur d’emploi, en lui expliquant que c’est rassurant d’être dans une structure, de pouvoir être encadré, d’avoir la possibilité de faire appel à plusieurs employeurs pour développer son activité. Il est important de refaire très fortement de la pédagogie sur cette dimension. Il faut que cela parte du local et que ce soit plus organisé. Il existe un certain nombre d’acteurs qui assurent cette information-là, mais nous rencontrons des demandeurs très régulièrement dans des salons, des forums, etc. Ils ne connaissent pas ce dispositif et ils sont très intéressés lorsqu’on leur en parle. Cela veut donc dire qu’il y a une articulation et des croisements à trouver entre les acteurs eux-mêmes, les GE et puis les intermédiaires de l’emploi pour être plus efficace sur l’accompagnement et la communication.

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