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Comment reconnaître les groupements d’employeurs non marchands ?

Pour bénéficier d’un statut particulier encore faut-il trouver les critères qui en définissent la catégorie juridique. Nous avons souligné plus haut qu’il n’existait pas de définition légale des secteurs marchands et non marchands.

Les critères inopérants

Beaucoup de GE ont pour adhérents des structures de droit privé à but lucratif : des socié- tés, des commerçants, des artisans, des professions libérales, des agriculteurs. La pour- suite d’un but non lucratif pourrait être le signe distinctif des adhérents à un groupement d’employeurs non marchand. Mais c’est un signe trompeur, car de très nombreuses struc- tures sans but lucratif ont une activité marchande (vente de biens et de services par des associations, des fondations, des syndicats, etc.). Observons que pour cette raison l’appel- lation « groupement d’employeurs associatif » est également inopérante (ce n’est pas une catégorie juridique de GE) car il n’y a pas que les associations qui font partie des secteurs non marchands. Y sont aussi rattachés les collectivités territoriales susceptibles d’adhérer à un GE, les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) qui, elles-mêmes, peuvent être des groupements d’employeurs, les établissements publics (les CREPS4, par exemple), etc.

On pourrait pareillement penser que les structures non marchandes relèvent du champ de l’économie sociale et solidaire (ESS) et qu’en cela elles se différencient des structures marchandes. Ce critère est toutefois inopérant. En effet l’ESS est composée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échange et de consommation de biens ou de services5. Ce sont donc à la fois des activités marchandes et non marchandes. Par ailleurs

ces activités sont mises en œuvre par les personnes morales de droit privé constituées non seulement sous la forme de coopératives, de mutuelles, de fondations ou d’associations, mais aussi par les sociétés commerciales ; toutes ces structures devant remplir un certain nombre de conditions6. En outre, la loi du 31 juillet 2014 précise bien que l’ESS est « un

4. Les centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) sont des établissements publics nationaux français, placés sous la tutelle du ministère des sports. Ils participent à la formation d’éducateurs sportifs et d’agents publics ainsi qu’à l’entraînement et à l’accompagnement de sportifs de haut niveau.

5. Loi no 2014-856 du 31 juillet 2014.

6. Dont l’utilité sociale et des principes de gestion qui imposent qu’une fraction des bénéfices soit affectée à la constitution d’un fonds de développement, qu’une autre soit affectée au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires et que les structures ne procèdent pas à l’amortissement du capital.

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PERSPECTIVES

mode d’entreprendre » et de « développement économique » qui poursuit un but autre que le seul partage des bénéfices et qui fonctionne selon un mode de gouvernance démocra- tique et une gestion conforme à certains principes (maintien ou développement de l’acti- vité, réserves impartageables).

Il est évident que le secteur non marchand relève du champ d’application de la loi sur l’ESS. Mais il est tout aussi évident que le secteur marchand l’est également lorsque les structures en remplissent les critères. Au demeurant, on peut penser qu’à la lumière de ces critères, tous les GE font partie du champ de l’ESS, qu’ils soient composés d’adhérents ayant une ac- tivité marchande ou non marchande (ou d’un mélange des deux comme il arrive souvent). L’approche par la fiscalité est également insatisfaisante7. En matière d’impôt sur les sociétés,

les GE qui ont pour objet de mettre à disposition de leurs membres du personnel pour les besoins de leur exploitation sont considérés comme exerçant une activité à caractère lucra- tif8. Qu’ils soient marchands ou non marchands, les GE sont donc tous assujettis à l’impôt

sur les sociétés.

En revanche, il en va différemment pour la TVA car certains GE bénéficient des dispositions de l’article 261 B du code général des impôts qui autorise une exonération de TVA sous une double condition : que leurs adhérents ne soient pas soumis à la TVA (exonération ou non assujettis comme les collectivités territoriales) et, qu’en cas d’assujettissement de l’un ou de plusieurs de ses adhérents à la TVA, la fraction des recettes de l’adhérent soumis à TVA ne dépasse pas 20 % du total desdites recettes. Dans le cas contraire, le groupement d’employeurs perd le bénéfice de l’exonération de TVA9.

On voit ainsi que le caractère marchand ou non marchand d’une structure n’est pas le critère qui permet de l’assujettir ou non à la TVA (certaines activités non marchandes sont assujetties), ce qui a des répercussions sur l’assujettissement du GE lui-même et rend ino- pérant, sur la base de ce critère fiscal, sa qualification de groupement marchand ou non marchand.

Créer un statut de groupement d’employeurs d’intérêt social

Alors c’est peut-être moins le caractère non marchand des GE qui doit retenir l’attention que le fait qu’ils présentent une utilité sociale spécifique.

L’article 2 de la loi du 31 juillet 2014 sur l’ESS considère que poursuivent une utilité sociale les structures dont l’objet satisfait à titre principal à l’une, au moins, des trois conditions suivantes :

– elles ont pour objectif d’apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins en matière d’accompagnement social ou médico-social. Ces personnes peuvent être des salariés, des usagers, des clients, des membres ou des bénéficiaires de cette structure ; – elles ont pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sani-

taires, sociales, économiques et culturelles, à l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation populaire, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

7. Debat O., 2012, « Histoire fiscale d’un initiateur sans visage : le groupement d’employeurs », Droit social, no 10, p. 916-923.

8. « Ces groupements exercent une activité à caractère lucratif et sont donc passibles du régime de droit commun de

l’impôt sur les sociétés » (réponse ministérielle no 178 à Mme Moreau, JO, AN du 28 juillet 1986, p. 2315, BOI-IS-

Champ-10-50-10-30-20120912).

– elles concourent au développement durable dans ses dimensions économique, so- ciale, environnementale et participative, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale.

Ces critères sont exactement ceux que remplissent les GE dont on veut reconnaître la spé- cificité. Mais, une fois encore, ils sont également susceptibles d’être remplis par des entre- prises du secteur marchand, y compris celui à but lucratif et, par conséquent, les GE aux- quels elles adhèrent.

Il faudrait donc combiner ces critères avec certaines modalités de fonctionnement des structures adhérentes. En premier lieu, les adhérents du GE d’intérêt social mobilisent des ressources monétaires qui, certes, peuvent notamment provenir des ventes sur un marché ou à ses adhérents. Mais ces ressources reposent surtout sur des financements redistribu- tifs : des subventions publiques de l’État et des collectivités territoriales, des aides sociales, des prélèvements sociaux (cotisations de Sécurité sociale), etc. En second lieu, une grande part des ressources des GE d’intérêt social repose sur des financements privés extérieurs : des dons, des appels de cotisation dans les associations (sportives, culturelles notamment). Enfin, les structures adhérentes de ces GE fonctionnent pour l’essentiel grâce au travail bé- névole de leurs organes de direction, de leurs administrateurs et de leurs propres adhérents. Ces trois traits de caractère sont véritablement distinctifs. Les GE qui les rassembleraient pourraient alors, eux aussi, être distingués des autres. On pourrait les nommer « groupe- ment d’employeurs d’intérêt social ».

Selon quelles modalités reconnaître les groupements d’employeurs