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Une relation entre coopération et collaboration

4.4 L A RELATION VEILLEUR - DECIDEUR : VERS UNE RESOLUTION COLLABORATIVE DES

4.4.1 Une relation entre coopération et collaboration

Chapitre 4

Le problème informationnel :

le veilleur face à la recherche

d’information et au décideur

Sommaire

4.1 INTRODUCTION ... 145

4.2 QU’EST-CE QU’UN VEILLEUR ? ... 146

4.3 LES MODALITES DE LA RECHERCHE D’INFORMATION DU VEILLEUR : CONTEXTE, SYSTEME ET PROCESSUS ... 152

4.3.1 L’accès à l’information pour le veilleur ... 153 4.3.2 Le veilleur et le système de recherche d’information ... 164

4.3.2.1 Les aspects généraux du système de recherche d’information ... 164

4.3.2.2 Les principaux modèles de système de recherche d’information ... 169

4.3.2.3 Proposition : vers un système de traçabilité du document et de

contextualisation de l’information ... 183

4.3.3 Qu’est-ce qu’une information pertinente pour le veilleur ? ... 184

4.3.3.1 Définitions et critères du jugement de pertinence ... 185

4.3.3.2 La pertinence : entre confrontation et mise en correspondance de systèmes

(de préférences) ... 188 4.4 LA RELATION VEILLEUR-DECIDEUR : VERS UNE RESOLUTION COLLABORATIVE DES

PROBLEMES ... 191

4.4.1 Une relation entre coopération et collaboration ... 193 4.4.2 Intelligibilité mutuelle et contexte partagé ... 195 4.4.3 Les méthodes et outils d’aide à la résolution collaborative des problèmes ... 197 4.4.4 Le rôle fondamental de la confiance ... 202 4.4.5 Le triangle Décideur-Veilleur-Information : vers une ‘bermudisation’

des acteurs ? ... 204 4.4.6 Propositions : trois actions pour asseoir la collaboration ... 207

4.5 CONCLUSION ... 218

4.1 Introduction

Le troisième volet de notre étude portera sur le veilleur et sur ses différentes interactions avec les deux autres composantes de notre triangle : le décideur

et l’information médiée par le système de recherche d’information (SRI) (Figure 39). Colla bora tion de so lutio n Proc essu s COO PERE R Proce ss us DE CI DER

Figure 39 - Le veilleur, le problème informationnel et ses interactions.

Le veilleur est au centre de deux processus : le processus rechercher (de l’information) dont la pertinence dépend des préférences du décideur et le processus coopérer, siège des communications et échanges de connaissances entre les deux acteurs. Ces deux aspects et leurs implications seront présentés tout au long de ce quatrième chapitre.

Nous développerons à travers la caractérisation du problème informationnel, les activités du veilleur et principalement son rapport à l’information en insis-tant sur son rôle d’accompagnateur du décideur dans les transferts de connais-sance du domaine de l’information vers celui de la décision. De l’audit des be-soins à la présentation de l’information, la veille, mais devrions-nous dire le veilleur, a pour objectif de produire un résultat pertinent selon les préférences du décideur, relativement au problème décisionnel. Ainsi, en favorisant l’«empowerment »228 du décideur et en influençant le passage d’une pensée déci-sionnelle vers une intention informationnelle, nous verrons que le veilleur, en plus d’être un spécialiste de la gestion de l’information, peut être également un

‘nexialiste’229, c’est-à-dire un créateur de relations et de significations.

4.2 Qu’est-ce qu’un veilleur ?

Les définitions du veilleur que nous avons trouvées dans la littérature sur la veille et l’intelligence économique (ou faisant référence à celui-ci (voir [Annexe 1]), sont peu nombreuses. Est-ce parce que les auteurs ont préféré jusqu’alors mettre plus l’accent sur les pratiques (les actions de veille) et leurs finalités que sur cet acteur ? Est-ce par réponse à une sollicitation particulière des décideurs ou par discrétion qu’exige naturellement cette profession ?

228 Eisen [EIS94] définit l' « empowerment » comme la façon par laquelle un individu accroît ses compétences et habiletés tout en dévelop-pant la confiance, l'initiative et le contrôle. C’est une forme d’appropriation de son pouvoir à travers une « expérience qualifiante » [DUN91]. Bien que le laisserait entendre cette définition, l'empowerment n’est pas une démarche individuelle mais est plutôt une dyna-mique altruiste. Comme le souligne Katz [KAT84], l’empowerment relève d’ ‘un paradigme synergique’ où les personnes sont interreliées et où le partage des ressources et la collaboration sont encouragés.

229 En 1959, dans son livre ‘The Space Beagle’ (la faune de l’espace), l'écrivain canadien de science fiction A.E.Van Vogt (1912-2000), a inventé le terme de « nexialisme » [ESC78] (du latin nexus qui signifie lien, et nectere lier) qui est, dit-il « la science de relier d'une ma-nière ordonnée le savoir d'un champ de la connaissance à celui des autres champs ». Appliqué à notre contexte, nous pourrions dire que le veilleur en tant que ‘nexialiste’, favoriserait la mise en relation de savoirs et de connaissances issus de différents domaines pour faire émer-ger des idées novatrices. (nous pourrions également rapprocher le concept de nexalisme à celui de multidisciplinarité).

La plupart d’entre elles présente le veilleur par métonymie, ainsi que l’illustre

la définition de Jacobiak et Dou : « La veille est capable de capter, en toute

léga-lité, puis de transmettre, des éléments d’information difficiles à obtenir »

[JAK92]. Pour Da Silva, le veilleur est simplement celui « qui est capable de

mettre en place une cellule de veille » [LOP02]. C’est un « chef d’orchestre230 »

précise Dou [DOU95], un « être à l’écoute, capable d’anticiper les tendances et

doué d’une insatiable curiosité » et un « traqueur de signaux annonciateurs du futur » pour Cartier [CAR99]. Kahaner [KAH96], le considère comme ayant de

plus le rôle du « joker » ou ‘fou du roi’, c'est-à-dire comme ayant une certaine

li-berté d’expression. Pour Achard [ACH05], le veilleur est à la fois un expert de la synthèse des dossiers, un animateur dans son milieu, un facilitateur de prise de décision et un signaleur de menaces et d’opportunités. Salmon et de Linares

ajoutent qu’il « doit être un homme de réseau et de rencontres, connu et reconnu

par les chercheurs et par sa hiérarchie » [SAL97], être qui plus est un péda-gogue, un leader et un moteur du changement pour Corniou [COR02], voire un

gardien du secret231 et du savoir232. Ainsi que le précise Jacobiak, le veilleur ne

peut avoir toutes ces qualités : « la veille est un sport d’équipe » [JAK03], sport

auquel nous pourrions ajouter ‘dont le veilleur est le pivot(33)’.

Les référentiels métiers comme ceux de l’ADBS233, du CIGREF234, du CDIES235

ou du CEDIES236 mettent en exergue plutôt sa fonction : le veilleur est celui qui

« alimente les décideurs d'une entreprise en informations sélectionnées et trai-tées en vue de les alerter sur l'évolution de l'environnement (technique, concur-rentiel, économique, réglementaire, etc.) de l'entreprise et de les aider dans leurs prises de décision. » [ADB02]. Nous trouvons dans ces référentiels et dans les ouvrages sur l’IE plusieurs dénominations différentes du métier de veilleur dont un grand nombre sont empruntées à l’anglais: veilleur, veilleur straté-gique, veilleur économique, traqueur, observateur, spécialiste de la gestion de l’information, documentaliste spécialisé en veille, veilleur-documentaliste, chargé d’intelligence économique, chargé de veille, vigiste (emprunté au

québé-cois), courtier en information (« broker »), watcher, market watcher, observer,

knowledge manager, information specialist, information analyst, intelligence manager, intelligence competitive manager, record manager, scientific surveyor, industry watcher, gatekeeper,newsmaster (veilleur de « news » et de fils RSS237). Il semblerait qu’actuellement l’appellation de ‘veilleur’ tombe en désuétude au

230 Nous avons trouvé cette métaphore du ‘chef d’orchestre dans un grand nombre d’articles de presse spécialisée à l’instar de celui de Dargouge : le veilleur est le « bon chef d’orchestre qu’exige la symphonie de l’intelligence économique» [Dargouge O., Courrier de l’ANVAR, 108, novembre 1997].

231 Nous avons été sensible au mot « awo » qui en langue Yoruba signifie ‘le secret’ ou encore ‘la vision’ et « babalawo » : le ‘gardien ou possesseur de ce secret ou de cette vision’. Nous retrouvons cette dimension du secret et de la connaissance dans ce proverbe africain : « chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle » cité par A. Hampâté Bâ (1900-1991) [Hampate Ba A., Aspects de la civilisa-tion africaine :Personne, culture, religion, Paris : Présence africaine, 1995]. Dans d’autres civilisations, nous trouvons aussi « egregoros » le veilleur en grec qui prend le sens de maitre du secret dans l’occultisme, mais aussi de l’éveillé par la conscience (ce qu’est d’ailleurs le boudha pour les boudhistes).

232 Dans le prolongement de la note précédente, nous retrouvons ce terme de veilleur dans les légendes scandinaves qui ont inspiré certains jeux de rôles (Donjons & Dragons, World of Warcraft par exemple) : Heimdall, le veilleur de l’arc-en-ciel, Arvak, le grand-veilleur, Ygg-drasill, l’arbre de la connaissance comme Ophyr qui sont aussi les gardiens du savoir.

233ADBS : Association des professionnels de l’information et de la documentation. (anciennement Association française des Documenta-listes et Bibliothécaires spécialisés, faisant suite en 1963 à l 'Union française des organismes de documentation (UFOD) crée en 1931 (première association professionnelle de documentalistes en France)

234 CIGREF : Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, a été créé en 1970 dont le but est de promouvoir l'usage des systèmes d'information comme facteur de création de valeur et source d'innovation pour l'entreprise.

235 CDIES : Centre de Diffusion de l'Intelligence Economique et Stratégique de la région Nord Pas de Calais (hébergé à l’Université de Lille 2)

236 CEDIES : CEntre de Documentation et d’Information sur l’Enseignement Supérieur du Luxembourg : « La fonction du veilleur est d'informer les décideurs d'une entreprise sur l'évolution entre la documentation et le renseignement » ([en ligne] www.cedies.public.lu

(page consultée en juillet 2006))

237 RSS : Really Simple Syndication (syndication vraiment simple), ou aussi Rich Site Summary (Sommaire d'un site enrichi) est un for-mat de syndication de contenu Web qui permet de diffuser les nouveautés et les actualités des sites d'inforfor-mation ou des blogs, ce qui per-met de rapidement consulter ces dernières sans avoir à visiter le site.

profit d’acronymes comme ceux de RIES (Responsable de l’intelligence écono-mique et stratégique), de DIE (Directeur de l’intelligence éconoécono-mique), de RSSI (Responsable sécurité des systèmes d’information) ou de DSI (Directeur des systèmes d’information). Nous proposons de réunir ces différentes désignations de «knowledge workers238» [DRU59] [HAA06] ou « professionnel de l’intelligence économique » [MAR01] et de les fédérer par souci de clarté et de simplicité sous l’appellation unique de veilleur.

Knauf et Goria [KNA04] [GOR05] proposent quant à eux de distinguer le

veil-leur de l’infomédiaire239. Pour ces auteurs, le veilleur serait plus un ‘technicien’

de la recherche d’information à la différence de l’infomédiaire qui étendrait ses

activités à des missions de coordinations entre plusieurs entreprises : « Le

veil-leur surveille des informations en permanence alors que l’infomédiaire répond a des besoins plus ponctuels. Il fait de la prospection, il a une bonne connaissance du réseau local, oriente davantage dans ses réponses et tient une position cen-trale en captant des signaux provenant de toute la filière, en les regroupant et en les exploitant » [GOR05]. Cette définition de l’infomédiaire prolonge celle de

Arnaud, « l'infomédiaire est un spécialiste de l'information dont le rôle consiste

à savoir traduire une requête d'information venant du grand public, effectuer les recherches correspondantes dans les bases de données choisies avec soin puis à restituer les résultatset dont le principal défi consiste à se tenir au courant des avancées technologiques » [ARN02] .

L’infomédiaire, tel qu’il est présenté par Knauf [KNA04] et tel que nous le per-cevons, serait assimilé à un ‘veilleur’ chargé d’une médiation (tant sur l’information que sur le processus d’IE) dans un contexte d’intelligence territo-riale pour un collectif d’entreprises ayant ponctuellement un intérêt commun à défendre. Nous considérerons cependant que le veilleur, en tant qu’acteur in-terne à l’entreprise, reste le mieux placé pour comprendre le décideur et son problème décisionnel, car il s’y trouve plus facilement en contact, concerné et associé à ses enjeux. En cela, il devient moins objectif, mais se trouve tout comme l’ensemble des acteurs de l’entreprise, soumis aux mêmes contraintes et aux mêmes influences ; il participe à la culture, aux activités et au vécu qui construisent l’organisation et fédèrent les hommes autour du projet d’entreprendre. La notion d’appartenance ‘à une équipe’ (en référence à la cita-tion de Jakobiak ci-dessus) dans ce contexte est primordiale. Le veilleur sera donc à la fois un infomédiaire (par rapport aux besoins et à la gestion / protec-tion de l’informaprotec-tion), un intermédiaire (un connecteur, un facilitateur de ces échanges) et un interlocuteur privilégié (pour le décideur et son problème déci-sionnel). C’est sur cet acteur que repose l’intégralité du processus de veille in-clus dans la démarche d’IE : il en assure de ce fait, le management, la respon-sabilité et la coordination. Le veilleur est donc pour nous un décideur particu-lier qui interagit à la fois dans le domaine de l’information et avec son ‘homo-logue’ dans le domaine économique. Nous notons quelques similitudes dans

238 Ou littéralement ‘travailleurs de la connaissance’. Cette dénomination fait aussi référence au « symbolic analyst» proposé par Reich [REI01] comme étant celui qui identifie et résout les problèmes liés au savoir dans les organisations.

239 Initialement, l’'infomédiaire (ou quelquefois ‘informédiaire’) était un terme général pour décrire les intermédiaires informationnels [BRO01] (les personnels des bibliothèques, les documentalistes, etc.).Actuellement, ce concept est plutôt assimilé une firme qui ‘intermé-die’ ou met en relation, grâce à des canaux numériques, les flux d’informations qui circulent entre les entreprises et les consommateurs [HAG97] [SIN99]. Ces flux d’information permettent la rencontre (ou « matching » [BEH01]) du besoin d’un consommateur avec l’offre commerciale existante de façon à produire des gains économiques. Ainsi, une place de marché, un site d’enchères, un portail d’information sont des infomédiaires. Ce sont des ‘concentrateurs’ d’information organisés autour d’un dispositif technique (site web, base de données, etc.). L’originalité des travaux de Knauf [KNA04] est qu’elle ait cherché à considérer l’infomédiaire, non plus comme une interface numérique, mais comme un acteur externe qui va proposer des services de médiation entre plusieurs entreprises (en étant une sorte d’électron libre) pour organiser et valoriser les patrimoines informationnels de celles-ci, au sein d’une région, d’un territoire ou d’un pôle de compétitivité.

leurs principales fonctions respectives et qui ont été résumées dans le tableau et le schéma suivants [KIS03] (Figure 40) :

Esp

ace du problème déci

sionnel Espace du problème infor m ationnel Les s ys mes d’in form ation

Figure 40 - Les principales similitudes dans les fonctions du veilleur et du décideur

Si nous mettons en regard les activités du décideur et du veilleur, nous voyons des concordances dans les actions opérées par ces deux acteurs : identifier (les signaux pour le décideur, les indicateurs pour le veilleur), sélectionner (les stratégies pour le premier, les sources pour le second), évaluer (les risques, les résultats) et gérer (les coûts, les systèmes d’information). Ces actions se fédèrent autour de deux dynamiques (et qui sous soumis aux filtres des systèmes de préférence et de pertinence des deux acteurs) :

- Pour le veilleur, de connaître les informations issues de l’environnement, mais aussi de connaître les enjeux du décideur, - Pour le décideur, de réagir suite aux signaux détectés, mais aussi de réagir suite aux informations restituées par le veilleur.

Les fonctions du décideur : (Ré) agir & Décider

Les fonctions du veilleur : (Re) connaître & Veiller

- Identifier les signaux faibles de l’environnement et les stratégies qui permet-traient d'améliorer les performances de l’entreprise.

- Opérer parmi ces stratégies des choix en fonc-tion des caractéristiques du secteur d’activité, des concurrents et des partenaires.

- Allouer des ressources financières et humaines aux actions spécifiques engendrées par la prise de décision.

- Mesurer et assumer les conséquences liées à la prise de décision

- Collecter, analyser et diffuser l'information pour rendre plus intelligible l’environnement.

- Sélectionner les sources d’informations pertinentes. Suivre les évolutions des flux informationnels

- Coordonner la démarche d’IE, mettre en place des indicateurs de résultats et les évaluer

- Gérer et alimenter le système d’information de l’entreprise.

Métafonction : Traduire le problème décisionnel en problème informationnel

Pour réaliser ces différentes tâches, le veilleur doit être en mesure de dévelop-per des compétences particulières. Boulanger et coll. [BOU00b] parlent de com-pétences clés de succès (CCS) afférentes au traitement de l’information et de compétences complémentaires qui se rapportent à des domaines variés. Celles-ci sont assez proches de celles évoquées dans le descriptif des Celles-cinq pôles du ré-férentiel de formation en IE [MIN05]. Saccomano [SAC98] définit sept

capaci-tés primordiales du veilleur : la capacité à définir et à comprendre240 les besoins

du ou (des) décideur(s) ; l’analyse ; l’analyse statistique et de données ; la capa-cité à construire une méthodologie de recueil et de traitement d’informations multisources ; la capacité à produire des conclusions ; la capacité à communi-quer ses résultats et enfin la capacité à recueillir l’évaluation de celui ou de ceux-ci. Selon nous, traduire les problèmes décisionnels en problèmes informa-tionnels dans le contexte d’IE nécessite de cultiver des compétences qui repo-sent sur différents savoirs : des savoirs déclaratifs (expertise du domaine), des savoirs procéduraux (compétences méthodologiques), des savoir-être (attitude empathique), mais aussi des savoir-dire (capacités à interpréter et à communi-quer) et des savoir-agir (motivation, force de conviction et persuasion). En effet, le veilleur est appelé à travailler en réseaux à travers des dispositifs de com-munication existants (sociaux, technologiques, informationnels) mais égale-ment est amené à en créer avec de nombreux acteurs qui ne peuvent ou ne veu-lent pas tout simplement partager leurs informations et leur savoir. Il est donc important en plus de ces compétences relationnelles et techniques, de dévelop-per des connaissances dans la gestion des conflits (tant humains que tech-niques, voire ‘cognitifs’) que dans les dialogues (interhumains, intermachines,

et homme-machine) et d’être attentif à leurs différents effets de bords241 et

biais.

Bien que nous le considérions comme un ‘décideur informationnel’, la percep-tion de son statut par le ‘décideur économique’ est loin d’être évidente. Comme

le souligne Achard, « Le statut du veilleur dépend de l’acceptabilité de sa

fonc-tion dans l’entreprise, de sa marge de manœuvre, de son espace d’expression et de la facilité relationnelle qu’il ou elle ont su établir avec l’ensemble de leurs clients internes » [ACH05]. Pour Boulanger et coll. [BOU02a], ses missions et la réalité de sa fonction se situent au centre de nombreux paradoxes :

Il doit être communicatif tout en étant réservé et discret ;

Il doit être généraliste, mais doit aussi pouvoir dialoguer avec des

spécia-listes ;

Il transmet des informations aux décideurs, mais ne ‘décide’ pas à

propre-ment parler. (Il possède une force de proposition mais doit rester effacé dans le processus de décision);

Il a pour mission de trouver des informations pertinentes, mais ne sait pas

toujours si elles sont perçues comme telles ;

Il diffuse et partage des informations dans un monde où l'information est

pouvoir ; (il doit transmettre toute l’information nécessaire, mais seulement ce qu’il convient)

240 Cette faculté de ‘comprendre’ est à rapprocher de la notion de « mind-reading » (ou de lecture dans les pensées), c’est-à-dire être dans la capacité de deviner les besoins non exprimés. Cette notion est résumée par Wyer « Il doit avoir l’art de discerner les pensées non expri-mées des gens, ce qui consiste à savoir comment leur donner ce qu’ils ne savent pas qu’ils désirent. » [WYE30]

241 L'étymologie du concept d’effet de bord est une traduction mot à mot de l'expression anglaise « side effect » qui signifie ‘ effet secon-daire’ (qui est à rapprocher des effets secondaires d'un médicament par exemple).

Il apporte la nouveauté ou des éléments dérangeants qui peuvent aller à l’encontre des décisions ou des objectifs fixés ;

Il est confronté à l’urgence des demandes d'informations et au manque de

temps pour les exploiter convenablement.

En outre, le veilleur, de par ses fonctions, est souvent amené à se projeter dans le futur et dans l'inconnu. Il doit posséder, selon Martinet et Marti [MAR01] un profil psychologique particulier qui relève, lui aussi, de plusieurs divergences :

C’est un homme d’entreprise qui se consacre essentiellement au monde

ex-térieur : seule une connaissance approfondie de son entreprise lui permet cette attitude ;

C’est un homme de synthèse, méthodique, rigoureux, à même de concevoir

et d’organiser les recherches d’informations : ce n’est pas directement un homme de terrain, mais son passé professionnel l’a familiarisé avec cet as-pect. Son travail est peu coloré par son affectivité ou son émotivité : le veil-leur doute et n’euphorise pas ;

C’est un homme d’influence et non de pouvoir qui a plaisir à se savoir

der-rière les choses importantes. Ne s’attendant pas à des récompenses for-melles, car les décisions sont prises la plupart du temps sans référence ex-plicite à ses travaux, c’est un homme de l’ombre, de progrès qu’un succès n’arrête pas, encore moins l’attente ou l’absence de résultats.

Achard [ACH05] ajoute que ses missions sont souvent entravées par le contrôle des idées (comme le renforcement des croyances et des préférences du

déci-deur). Le veilleur doit malgré sa proximité242 au circuit décisionnel et sa