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Les approches historiques de l’accès à l’information

4.3.1 L’accès à l’information pour le veilleur

4.3.1.1 Les approches historiques de l’accès à l’information

Les sciences de l’information et de documentation ont beaucoup évolué depuis le siècle dernier, passant par plusieurs étapes successives. Celles-ci se sont fé-dérées, selon Fondin [FON95], Henneron [HEN97], Metzger et Polity, [FON06] autour de quatre paradigmes principaux (Tableau 5) (Figure 41):

Approches Principes Caractéristiques

Approche « document » Universalité de traitement Conservation du patrimoine

Approche « recherche docu-mentaire »

Familiarité des lieux et des ou-tils

Apprentissage des techniques documentaires

Approche « système » Evaluation pour en permettre

l’évolution La mesure de toutes les activi-tés documentaires.

Approche « Orientée-usager /

utilisateur » Mieux connaître pour apporter un meilleur service Etude des besoins des utilisa-teurs. Tableau 5 - Les quatre approches de la documentation.

Une approche orientée ‘document’ débuta au XIX° siècle avec le

développe-ment des collections d’ouvrages dans les bibliothèques. Celles-ci, devant faire face à l’augmentation de leurs acquisitions, ont dû optimiser l’inventaire de leur fonds. Le livre et son traitement du livre devinrent la principale préoccupation des professionnels de la documentation. Ce ‘docu-ment’, dans une logique de conservation et de protection, se retrouvait alors porteur d’une connaissance, trace et véhicule du savoir. Ainsi, des normes et des règles de traitement furent élaborées dans une optique ‘universelle’

247 Un écosystème désigne l'ensemble formé par une association ou communauté d'êtres vivants avec l’environnement Les éléments cons-tituant un écosystème développent un réseau d'interdépendances permettant le maintien et le développement de la vie. Nous avons em-prunté le terme d’’écosystème informationnel’ à celui d’« information ecologies » de Nardi et O’Day « an information ecology is a sys-tem of people, practices, values and technologies in a particular environment » [NAR99] et en référence à l’acception de J. de Rosnay [ROS96b]

processus

(comme les classifications CDD248 et CDU249) et ’internationale’ (les ISBN et

ISBD250) afin que chaque document puisse avoir (et être à) sa place. Le

cata-logue qui fut créé pour les référencer en sera le « GPS251 », l’alpha et

l’oméga, c'est-à-dire la preuve de l’excellence de l’activité de ces profession-nels.

Une seconde approche fut fédérée autour de la recherche documentaire. Elle

a cherché à donner à l’utilisateur les moyens de se repérer dans les biblio-thèques et l’a incité à utiliser les outils mis à sa disposition. L’accent fut mis sur la familiarisation et sur la formation à l’usage des produits et tech-niques documentaires pour accéder aux documents, c'est-à-dire sur la ‘bonne’ utilisation des lieux afin que les ‘trésors’ rangés sur les rayons ne restent pas ignorés.

Une troisième approche apparut dans les années 1950 : les bibliothèques,

devenues des centres de documentation, furent assimilées à des systèmes où règnent des interactions complexes entre ses différentes composantes (professionnels, utilisateurs, outils, techniques, …). Celles-ci ont alors cher-cher à en évaluer leur performance et à en mesurer toutes les activités :

ci-tons principalement les mesures de pertinence (rapports silence / bruit252,

taux de rappel253 / précision), les biblio- et infométries, et toutes les

évalua-tions possibles de la qualité des biens, des services et des prestaévalua-tions auprès des usagers. C’est à la fin de cette période, avec l’avènement des

ordina-teurs qui deviennent dans ce contexte ‘évaluatif’ des « outils merveilleux »

(selon la métaphore de Fondin [FON06]), que la chaîne documentaire est passée d’une vision linéaire à une vision plus ‘systémique’, circulaire et cy-clique en raison d’une part, d’une plus grande rapidité des mesures quanti-tatives à chacune des étapes de traitement, et d’autre part, d’une formalisa-tion plus explicite des critères et objectifs poursuivis par les bibliothèques.

La quatrième approche est née dans les années 1980. Elle a cherché à

pla-cer l’utilisateur final ou ‘usager’ au centre des préoccupations : sa demande et son besoin l’emportent désormais sur l’offre. Comme le soulignent

Chau-diron et Ihadjadène, le « paradigme usager considère que l’attention doit

être portée sur les besoins réels de l’usager et de son environnement » [CHA02]. Les recherches sur l’utilisateur ont été conduites selon les prin-cipes issus du marketing, c’est-à-dire que mieux on connaît celui-ci à tra-vers ses besoins, ses attentes et ses pratiques, et mieux il est possible ré-pondre à sa demande. Ce dernier est perçu comme un client dont il est né-cessaire d’anticiper sa demande, de connaître les raisons de sa fréquenta-tion ou de sa non-fréquentafréquenta-tion. Des typologies d’utilisateur, des catégorisa-tions d’usages et du besoin (avec un fort souci de modélisation), seront crées

248 A la fin du XIXème siècle, l'américain Melville Louis Kossuth Dewey (1851-1931), inventa une classification qui porte depuis son nom (Classification Décimale de Dewey (CDD)). Celle-ci est structurée sous la forme d’une organisation hiérarchique des connaissances (10 classes constituées de 10 divisions, chacune comprenant 10 subdivisions), partant du général vers le particulier et permettant de situer les documents dans un domaine par un indice numérique et de leur attribuer une place dans la bibliothèque.

249 La Classification Décimale Universelle (CDU) a été adaptée, il y a un siècle environ de la Classification Décimale de Dewey par les avocats belges Paul Otlet (1868-1944) et Henri La Fontaine (1854-1943) et dont elle emprunte les fondements.

250 International Standard Book Number (ISBN) et International Standard Book Description (ISBD)

251 Le GPS (Global Positioning System) est un système de localisation par satellite mis en place par le département américain de la défense dans les années 1970 et qui permet de déterminer les coordonnées géographiques d'un point situé n'importe où dans le monde. Par exten-sion et analogie, le catalogue serait une sorte de « système de positionnement global » permettant de connaître, grâce au catalogue, la loca-lisation d’un ouvrage (par sa côte) dans une bibliothèque.

252 bruit : documents retrouvés non pertinents , silence : documents pertinents non retrouvés

253 Taux de rappel ou « recall ratio » : proportion de documents pertinents retrouvés par rapport à l'ensemble des documents pertinents de la base documentaire. Taux de précision « precision ratio » : proportion de documents pertinents par rapport à l'ensemble des documents récupérés.

processus afin de lui proposer des prestations adaptées. La seconde finalité de cette approche a consisté à adapter ensuite le système de recherche d’information

pour le rendre plus utile et plus communicant (« un système de

communica-tion entre un producteur d’informacommunica-tion ou auteur et utilisateur » précise Po-lity [POL04]). En devenant ainsi plus performant, le SRI permettait d’augmenter la satisfaction de l’utilisateur.

Figure 41 - Les quatre approches de la documentation (d’ap. Fondin) [FON06]

Ce schéma présente dans les grandes lignes (et sous la forme d’un cône) , les différents éléments de la chaîne documentaire. Ces quatre approches ont favorisé tour à tour chacun de ces éléments (le catalogage et l’indexation dans l’approche docu-ment, les mesures de performance des outils de recherche dans l’approche système par exemple).

Dans les années 1990, une nouvelle approche, s’inscrivant notamment autour des travaux d’Ellis [ELL93] [ELL97], de Le Coadic [COA99], de David [DAV99a], Wilson [WIL99] [WIL00] et Dervin [DER03] a fait son apparition, en s’intéressant plus particulièrement aux acteurs [POL04] et aux usages (ou « user studies ») de l’information. Dans cette mouvance, Thivant et Bouzidi

dé-finissent l’utilisateur-acteur comme « celui qui se situe au cœur de l’action et

qui agit ; il doit être au centre de l’analyse » [THI05] et ses pratiques

informa-tionnelles « comme l’ensemble des actions et des choix qu’il utilise lors d’une

phase de recherche d’information provoquée par un besoin d’information » [SAR01]. Ainsi que le précise Wilson [WIL00], ces actions et ces choix peuvent être actif ou passif, conscients ou non et liés aux différentes sources d’information utilisées. C’est dans ce paradigme que nous situons nos travaux. Au-delà de la diversité de leurs finalités, ces approches possèdent un point commun : celui de considérer à la fois le document et l’utilisateur-acteur comme des ‘objets’, c’est-à-dire comme des éléments du réel qui peuvent être observés et ‘traités’ avec attention et le plus ‘objectivement’ possible.

processus