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2.3 L’approche systémique de la iatrogénie médicamenteuse : mise

2.3.2 Une prise en charge médicamenteuse particulière : celu

La prise en charge médicamenteuse liée au processus de chimiothérapie s’appuie sur la prise en charge médicamenteuse plus « classique ». Cependant, quelques étapes supplémentaires sont nécessaires et les étapes déjà présentes sont complexifiées. Dans le cas de chimiothérapie, la prise en charge s’organise autour de 8 étapes principales, décrites dans la figure 2.8 :

Figure 2.8 – Les grandes étapes de la prise en charge médicamenteuse par chimiothérapie

1ère étape : la prescription

La phase de prescription n’est pas spécifique aux chimiothérapies. Comme cela a été vu précédemment, cette phase requiert la présence d’une personne habilitée, à savoir le médecin. Lors de la prescription de médicaments anti- cancereux, le médecin doit faire le choix d’un protocole, qu’il adapte à son patient, suivant ses antécédents et sa surface corporelle. Sur l’ordonnance, les différentes préparations, le dosage, la durée du traitement, les voies d’admi- nistration ainsi que d’éventuelles indications aux infirmières, sont indiqués. Cependant, par rapport aux thérapies conventionnelles, une compétence par- ticulière est nécessaire étant donné la complexité de ce type de thérapeu- tique. La prescription médicale conduit à la demande de préparation de la chimiothérapie[25].

2nde étape : la validation pharmaceutique

Cette étape, déjà présente quelles que soit les prescriptions, est particuliè- rement importante dans le cas des chimiothérapies. Le pharmacien vérifie également, outre le respect des indications, la faisabilité des différentes pré- parations, en prenant en compte le choix des solvants, des contenants (poches, seringues, etc.), etc. L’introduction de cette étape à ce moment de la prise en charge médicamenteuse permet de limiter les risques futurs de iatrogénie.

3ème étape : la préparation

Cette étape est la plus délicate en terme technique car elle consiste à fabri- quer le médicament en lui-même, de manière peu automatisée aujourd’hui. Dans un premier temps, la personne habilitée (pharmacien ou préparateur) rassemble les différents produits dont il va avoir besoin, puis les stérilise. Le préparateur peut alors s’appuyer sur une fiche, présentant la préparation, les produits et matériels nécessaires, ainsi que les différentes étapes à réaliser. Il existe deux étapes principales :

• la reconstitution, lorsque le produit est lyophilisé car trop instable, • la dilution, qui consiste à prélever une certaine quantité de produit et

à la diluer dans un solvant (glucose, NaCl, etc.).

Une fois les différents produits réunis, le matériel est introduit dans un sas de stérilisation, où les préparateurs vont alors préparer la solution. Chaque préparation est ensuite vérifiée par un autre préparateur. Une fois réalisés, les produits sont emballés avant d’être placés dans le chariot de transport. Par rapport aux autres préparations comme la nutrition parentérale, les contraintes particulières consistent en la dangerosité de la manipulation des produits pour les opérants et la faible stabilité des produits. Cette étape incontournable est désormais centralisée au niveau des pharmacies à usage intérieur (PUI) dans des locaux spécifiques : isolateurs ou salles blanches.

4ème étape : le transport

Le transport des produits anti-cancéreux se fait distinctement de celui des autres médicaments. Le transport des chimiothérapies a lieu plusieurs fois par jour et est tracé.

5ème et 6ème étape : l’administration au patient et son suivi

Les produits étant particulièrement toxiques vu leur nature, l’administration doit être particulièrement conforme aux règles de bonne pratique, les vitesses d’ administration ou extravasations par exemple pouvant entrainer des effets indésirables graves. De même, le suivi doit être renforcé.

7ème étape : l’élimination

Dans le cas des chimiothérapies, une élimination spécifique des déchets est obligatoire car ces derniers sont toxiques, notamment en ce qui concerne les reliquats si existants.

En synthèse, ce processus de chimiothérapie injectable présente certaines caractéristiques par rapport aux autres processus de prise en charge médica- menteuse :

• processus multi-étapes et multi-acteurs : médecins, infirmières, phar- maciens, préparateurs, manutentionnaires sans oublier le patient, • risques particuliers liés notamment à :

– la complexité des protocoles associant souvent une multi thérapie sur des durées ou des rythmes particuliers, pouvant varier selon les cures pour un même patient,

– l’étape délicate de préparation (faibles doses, calcul nécessaire, mé- lange de produits),

– la toxicité propre des médicaments, – la vulnérabilité des patients.

• compétences spécifiques nécessaires pour l’ensemble de ces acteurs pour faire face aux risques cités,

• contraintes organisationnelles fortes, avec une activité importante ras- semblée en un temps court, difficilement modulable car en lien avec d’autres processus : analyse biologiques, etc.,

• contraintes temporelles liées à la stabilité des produits et à l’enchaîne- ment des thérapeutiques pour le patient,

• contraintes matérielles (équipements et locaux) afin d’être conforme et de disposer de place adaptée à l’activité,

• impact économique, les traitements anticancéreux étant particulière- ment coûteux et devant être rattachés impérativement à un séjour de patient bien identifié dans le cadre de la Tarification à l’Activité – T2A ; les reliquats lors de la préparation, les périmés ou les produits détériorés par une mauvaise conservation correspondront à des mon-

tants élevés,

• contraintes liées à l’élimination des produits, réglementée afin d’éviter un impact sur l’environnement,

• terrain favorable grâce à l’informatisation complète du circuit déjà existante.

En effet, ce point favorable est à souligner. Contrairement aux autres processus de prise en charge médicamenteuse, celui des chimiothérapies est presque toujours totalement informatisé, de la prescription à l’administra- tion, apportant une gain en terme de sécurité indéniable, même si l’informa- tisation en elle-même apporte ses propres risques à ne pas sous-estimer.

En conclusion de ce chapitre, il apparait que désormais la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse est reconnue comme priorité nationale comme le démontre la publication d’un arrêté spécifique récent, l’arrêté du 6 avril 2011 portant sur le management de la qualité de la prise en charge mé- dicamenteuse du patient, imposant des résultats concrets aux établissements, et ce dans un délai assez court.

Démarche méthodologique

Les méthodes d’analyse du risque utilisées actuellement et développées dans le chapitre précédent, notamment dans le domaine de la santé (AM- DEC, APR), doivent faire face à la complexité toujours plus importante des systèmes.

En effet, ceux-ci ont évolué, ce qui a notamment introduit de nouvelles notions, comme celle de variabilité. De fait, les méthodes utilisées jusqu’à maintenant, laissent entrevoir des limites et des manques.

C’est pourquoi, depuis quelques années, de nouveaux concepts liés à la culture de la sécurité sont apparus, faisant émerger de nouvelles théories et amenant au développement de nouvelles méthodes, prenant plus en compte la variabilité des systèmes complexes ainsi que de nouveaux paramètres tels que les aspects humains ou organisationnels.

Après avoir identifié les limites des méthodes dites de 1èregénération, nous

nous intéresserons aux théories qui sont apparues ces dernières années et nous développerons deux méthodes innovantes de nouvelle génération : les méthodes STAMP et FRAM.

3.1 De la nécessité de prendre en compte de

nouveaux paramètres

3.1.1 Les limites des théories et méthodes actuelles

Le rôle et la place de l’homme dans les systèmes représentent une part importante de leur complexification : au départ, dans les premières théories de gestion des risques, l’homme était considéré comme un risque d’erreur, au même titre qu’une machine qui faillit. Les objectifs des enquêtes lors des accidents étaient donc de déterminer les erreurs humaines et de comprendre si elles étaient la première cause ou l’évènement déclencheur[87]. Plus récem- ment, l’objectif a été de comprendre les facteurs de performance entrainant l’erreur humaine. Sont alors apparues les notions de pression au travail, de conditions de travail, etc. L’erreur humaine devient donc le produit de plu- sieurs facteurs. Cette nouvelle vision a permis de mieux comprendre les acci- dents pendant un certain temps. Cependant, elle ne s’applique pas à certaines situations actuelles. Ceci a notamment conduit à la théorie d’équivalence des succès et des échecs, qui sera présentée dans la partie suivante.