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1.2 De l’évolution de la culture de sécurité

2.1.1 Iatrogénie médicamenteuse : définitions

Depuis quelques années, la iatrogénie médicamenteuse est au centre des discussions et réflexions. « La définition même du risque iatrogène ne fait pas l’objet d’un consensus et [...] évolue au fil des débats internationaux sur cette question »[77]. Il s’agit une notion évolutive et variable selon les pays.

Etymologie

Etymologiquement, la iatrogénie vient du grec ancien, iatros qui signifie « mé- decin », et de genês, « engendrer ». Par conséquent, la iatrogénie désigne ori-

ginellement tout ce qui est engendré par le médecin et comprend à la

fois les effets indésirables médicamenteux mais aussi les conséquences non médicamenteuses de la prise en charge médicale [63]. La iatrogénie médica- menteuse n’est donc qu’un volet bien précis de la iatrogénie.

A l’étranger...

Les définitions de la iatrogénie médicamenteuse ne sont pas identiques d’un pays, d’une langue et d’un continent à l’autre.

Dans certains pays, tels que les Etats-Unis, le terme de risque iatrogène n’est pas utilisé de façon courante. On parle le plus souvent de medical error, d’

adverse events in health care system, de preventable adverse event, etc. Une

étude franco-canadienne souligne que la plupart des américains interrogés sur la définition du risque iatrogène incluent les erreurs liées à la prescription médicamenteuse (ce qui rejoint la définition étymologique) et se réfère au

Risk Management Handbook dont la définition est la suivante : « Iatrogenic

risk is medicaly related. An iatrogenic patient injury is directly related to or caused by medical or professional health care. Examples of iatrogenic patient injury include a bowel perforated during a colonoscopy, an operation performed on the wrong patient, removal of the wrong body part during surgery, an anaphylactic reaction to a prescribed drug or chemical agent, and postoperative infections »[77]. En conclusion, les Etats-Unis voient dans le risque iatrogène, tout risque compliquant le processus de soin, que l’on pourrait éviter.

Dans le même esprit, le Canada n’utilise que peu fréquemment le terme de

risque iatrogène. Les canadiens préfèrent parler d’évènements indésirables

présente aux Etats-Unis.

Dans les pays anglophones, la iatrogénie est définie comme :

• « any illness that resulted from a diagnostic procedure or from any form of therapy »[139],

• « Illness resulting from a physician’s professional activity, or from the professional activity of other health profesionals »[2],

• « induced inadvertently by a physician or surgeon or by a medical treatment or diagnostic procedures »[4].

En conclusion, les pays anglo-saxons et nord-américains mettent en avant, dans la définition de la iatrogénie médicamenteuse, deux points principaux :

• le fait que la iatrogénie médicamenteuse soit le résultat d’un acte

médical,

• la notion d’évitabilité.

...et en France

Quelques définitions de la iatrogénie sont proposées par les dictionnaires et s’inspirent de l’étymologie du mot. Le Dictionnaire de Médecine Flammarion précise que le mot iatrogénique qualifie tout ce « qui est provoqué par le méde- cin et ses thérapeutiques »[76]. Cette définition rejoint celle du Dictionnaire Robert où le mot iatrogénie est expliqué comme « toute pathologie d’origine médicale »[131]. Le dictionnaire Le Petit Robert met l’accent sur le fait qu’il s’agit d’un acte « provoqué par le médecin ou par le traitement médical ». Le dictionnaire de Médecine Dorland reprend cette définition, en la précisant : « Résultat de l’activité médicale, initialement appliquée aux troubles induits chez le malade par l’auto-suggestion induite par le contact avec le médecin. Le terme est maintenant appliqué à tout effet indésirable, conséquence d’un traitement par un médecin ou un chirurgien, en particulier les infections ac- quises durant le traitement, appelées infections nosocomiales »[66].

La iatrogénie ou l’adjectif iatrogène s’emploient pour désigner :

• « conséquences indésirables ou négatives sur l’état de santé indivi- duel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqués ou prescrits par un professionnel habilité et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé »(HCSP, 1996),

• « toute pathogénie d’origine médicale au sens large, compte tenu de l’état de l’art à un moment donné, qui ne préjuge en rien d’une erreur, d’une faute ou d’une négligence »[125] et introduit donc la notion de faute, ou plutôt de non faute (Conférence Nationale de Santé,),

• « tout effet péjoratif, non désiré, non attendu, d’un médicament em- ployé à des doses recommandées pour la prophylaxie, le diagnostic et le traitement »(OMS).

La iatrogénie n’est pas seulement une conséquence d’une erreur de l’équipe médicale.

En ce qui concerne plus précisément la iatrogénie médicamenteuse, l’Organi- sation Mondiale de la Santé (OMS) la définit, en 1969 comme « toute réponse néfaste et non recherchée à un médicament survenant à des doses utilisées chez l’homme à des fins de prophylaxie, de diagnostic et de traitement ». Le dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse la définit comme un « dommage survenant chez le patient, lié à sa prise en charge médicamen- teuse et résultant de soins appropriés, de soins inadaptés ou d’un déficit de soins »[52], alors qu’il définit le mot iatrogène comme « toute conséquence indésirable ou négative sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel de santé et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé [37] ; de iatroV : médecin, et de l’élé- ment tiré du radical du verbe grec gennan : engendrer, au sens de ce qui est produit, engendré ou déterminé par l’activité médicale et plus généralement par toute activité de soin [19,51,77] »[52].

Au contraire des autres définitions, l’AFSSAPS insiste sur le fait que la iatrogénie médicamenteuse est une conséquence et un effet physique. « La iatrogénie médicamenteuse est l’ensemble des effets indésirables directement liés à l’effet pharmacologique lors de l’utilisation d’un médicament. Certaines pathologies iatrogènes sont inhérentes à l’usage des médicaments dans les conditions normales d’emploi et donc inévitables. D’autres sont évitables car elles résultent d’une utilisation des médicaments non conforme aux indica- tions et recommandations »[35]. Cette définition reprend la notion d’évita- bilité, en précisant tout de même que la iatrogénie médicamenteuse peut résulter d’une mauvaise utilisation du médicament et met donc en avant la notion de mésusage.

« En France, l’erreur médicamenteuse n’est actuellement pas définie dans les textes réglementaires »[59]. La définition jusqu’alors disponible, hormis celles proposées par les dictionnaires, était celle de l’Association d’Assurance Qua- lité en Thérapeutique et Evaluation (AAQTE) qui s’inspirait de la définition américaine établie par le NCCMERP (Institution coordinatrice du système de déclaration des erreurs médicamenteuses aux Etats-Unis), et définissait l’erreur médicamenteuse comme « tout événement iatrogène médicamenteux

évitable, potentiel ou avéré, résultant d’un dysfonctionnement non intention- nel dans l’organisation de la prise en charge thérapeutique du patient. De tels événements peuvent s’avérer secondaires à la prescription ; la communi- cation des ordonnances ; l’étiquetage des médicaments, leur emballage et leur dénomination ; leur préparation, leur délivrance et leur dispensation ; leur administration par un professionnel de santé ; l’information et l’éducation du patient ; le suivi thérapeutique ainsi que les modalités d’utilisation »[59].

Cette définition introduit donc un tout nouveau qualificatif : non inten-

tionnel.

En 2006, la Société Française de Pharmacie Clinique proposait une nouvelle définition dans la première édition du dictionnaire français de l’erreur médi- camenteuse : « L’erreur médicamenteuse est un écart par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la prise en charge thérapeutique médicamen- teuse du patient. L’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte relatif à un médicament, qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient. Par définition, l’erreur médicamenteuse est évitable car elle manifeste ce qui aurait dû être fait et qui ne l’a pas été au cours de la prise en charge thérapeutique médicamen- teuse d’un patient. L’erreur médicamenteuse peut concerner une ou plusieurs étapes de la prise en charge médicamenteuse, telles que : sélection au livret du médicament, prescription, dispensation, analyse des ordonnances, pré- paration galénique, stockage, délivrance, administration, information, suivi thérapeutique ; mais aussi ses interfaces, telles que les transmissions ou les transcriptions ». Cette définition complète celle proposée par l’AAQTE et

introduit la notion de norme et d’écart par rapport à cette norme.

Au regard des différentes définitions proposées au cours du temps, un évène- ment indésirable médicamenteux peut être qualifié de :

• grave : « à partir du moment où il est susceptible d’entrainer une pro- longation de l’hospitalisation, s’il peut être à l’origine d’un handicap ou d’une incapacité à la fin de l’hospitalisation ou, s’il est associé à une menace vitale ou un décès »[68],

• évitable : « évènement qui ne serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de cet évènement »[68],

• avéré : dans le cas où l’erreur n’est pas interceptée avant l’administra- tion au patient,

• potentiel : dans le cas où l’erreur est interceptée avant la phase d’ad- ministration au patient,

2.1.2 Les conséquences et les chiffres liés à la iatrogénie