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Une présence très remarquée en droit français

Section II: L'information recueillie auprès des tribunaux de commerce

A- Une présence très remarquée en droit français

337. A l'instar des sources d'information évoquées plus haut, il existe d'autres canaux d'information qui proviennent des structures spontanées de détection ou offre de prévention. Ces sources d'information présentent un caractère informel. Leur présence est très remarquée en droit français (A). En revanche, on note leur quasi inexistence en droit OHADA (B).

A- Une présence très remarquée en droit français

338. Les cellules de prévention sont une pratique bien connue du tribunal de commerce de Paris. Les offres de prévention sont de deux ordres : celles d'origine judiciaire, ce sont les cellules de prévention, et celles à l'initiative de certains professionnels.

339. Leur rôle consiste à recevoir les délégations de chefs d'entreprise en respectant leur anonymat et sur la base d'un certain nombre d'information641, les alertent sur les risques d'un éventuel état de cessation des paiements. Cette structure de prévention détection qui est d'une utilité pratique avérée642 n'est malheureusement pas encore bien implantée dans l'ensemble des tribunaux de commerce, son caractère informel lui est fortement défavorable. En terme de droit comparé, il faut relever par exemple qu'en Belgique, c'est la loi elle même qui impose la présence d'un service d'enquête commerciale au sein de chaque tribunal de commerce643, le législateur français devrait s'en inspirer et procéder à une certaine réorganisation de ces structures informelles d'information644 afin de les rendre plus efficace. Une discussion s’est cependant fait jour à propos de l’instauration de ces cellules de prévention réunissant sous la présidence du président du tribunal, les représentants de divers institutions (impôts, URSAFF,

639 Art. 48 AUDCG. 640 Art. 20 AUDCG.

641 Perte de la moitié du capital, inscriptions des privilèges du trésor et de l’Ursaff, inscriptions de protêts, capitaux propres négatifs, reports incessants d’assemblée générale, défauts de dépôts de comptes annuels. 642 V. à titre d’éléments statistiques, LPA 20 sept. 2005, n° 187.

643 J. L. Duplat, Le service des enquêtes commerciales outil de prévention en matière de faillites en Belgique, Rjcom 1989, p. 49 ; A. Jacquemont, droit des entreprises en difficultés, 7 è éd. Litec 2012, p. 50.

168 Banque de France) afin d’obtenir des informations à jour et fiables sur les débiteurs pour décider des mesures de prévention à mettre en œuvre645

. Le caractère informel de ces cellules a soulevé des interrogations646 et suscité des critiques. Ces critiques reposaient sur leur mode de fonctionnement, et plus précisément, au regard du principe l'impartialité du juge et du droit à un procès équitable et notamment relativement aux principes de procédure civile et d’égalité de traitement des créanciers647. Ces critiques fustigeaient en réalité la présence du président du tribunal qui était membre de ces cellules, il participe de ce fait à la collecte des informations. Or, sa présence peut dissuader les chefs d'entreprise à participer aux convocations, ces réactions ont conduit à remettre en cause l’efficacité de ces sources de détection. En revanche, d’autres auteurs au contraire, mettent en avant l’efficacité de ces pratiques car, elles permettent au président du tribunal de convoquer uniquement les débiteurs qui éprouvent des difficultés avérées648. En attendant qu’un cadre légal soit trouvé à ces pratiques, il faut considérer que du moment où elles permettent de détecter les difficultés et donc d’amoindrir le risque de défaillance des entreprises, leur caractère informel ne doit pas faire perdre de vue leur importance indiscutable en matière de détection des difficultés. En outre, ces critiques ne sont plus justifiées dans la mesure où il a été préconisé pour une question d'impartialité, que le président du tribunal ne fasse pas partie de ces cellules649Cela permettra de rendre efficace ces cellules car plutôt la détection se fera dans un cadre moins formalisé, plus elle sera efficace.

340. Quant aux offres de prévention détection initiées par certains professionnels, on peut relever qu'elles sont d'apparition récente et se présentent sous forme d'associations regroupant des experts comptables, des commissaires aux comptes, des juges consulaires honoraires et avocats. Leur rôle est d'une part informer les dirigeants d'entreprise sur l'existence du système de prévention détection et mettre à la disposition de ces derniers les informations pratiques pouvant leur permettre de réagir le plutôt possible dans le traitement des difficultés rencontrées650. La particularité de ces cellules d'information et de prévention (CIP) réside

645 M.-H. Monsèrié- Bon, Entreprises en difficulté « détection des difficultés », Rep. Sociétés dalloz, mars 2012, p. 12.

646

Rép. min. n° 50929, JOAN Q. 11 mai 2010, p. 5356.

647 J. Vallens, « Les tribunaux de commerce peuvent ils instituer des cellules de « prévention-détection » »? Ch. Delattre, « La prévention détection doit s’exercer dans le respect du cadre légal », Rev. proc. coll. juill.- aout 2010. 18.

648 P. Modat, « Les cellules de prévention : l’efficacité n’est pas contraire à la loi, Rev. proc. coll. mars-avr. 2011. 28.

649 P.-M. Le Corre, op. cit. n° 120.09 ; V. aussi sur la question de l’impartialité du juge consulaire, J.-L. Vallens « Les tribunaux de commerce peuvent ils instituer des cellules de prévention détection ? » D. 2010. 173 ; M. Venier, l’impartialité ou les limites de la prévention informelle, RTC com 2010, p. 780.

169 dans la gratuité et la confidentialité de leur mission651. On peut citer encore d'autres structures de prévention détection comme la commission des chefs d'entreprise (Codechef), le médiateur de crédit, la banque de France, les tiers de confiance, et notamment les chambres de commerce qui ont mis en place des comités de prévention des difficultés des entreprises652.

Ces structures dites informelles dont le législateur s’est pourtant inspiré pour instituer certaines techniques de prévention détection comme l’alerte du président du tribunal ou de prévention traitement comme le mandat ad hoc, ne sont malheureusement pas présentes en droit Ohada653.

B-Une quasi inexistence en droit OHADA

341. Les cellules de prévention hors tribunal n'existent pas dans l'espace juridique OHADA. Pourtant on retrouve au sein des Etats membres signataires du traité OHADA, les mêmes acteurs comme en droit français, susceptibles de jouer un rôle de détection au sein des juridictions compétentes. Qu'il s'agisse des avocats, des experts comptables, des commissaires aux comptes, des banques (BECEAO)654, la banque centrale des pays d'Afrique centrale (BCEAC)655, des compagnies d'assurance, les chambres de commerce et d'industrie, toutes ces personnes et structures peuvent dans un cadre organisé et avec l'appui des présidents des juridictions compétentes instituer des cellules de prévention-détection. Ces cellules de prévention sont d'une utilité pratique certaine, elles se déroulent en effet dans un cadre informel et confidentiel, elles préservent donc le secret de leur mission et les résultats des entretiens avec les chefs d'entreprise ne sont pas publiés.

342. En outre, l’adhésion à ces cellules ne nécessite aucun frais de dossier, les services sont gratuits. Il faut donc souhaiter que de telles initiatives soient prises au sein de l'espace communautaire OHADA, et cela, pour deux raisons fondamentales. La première raison résulte de l'insuffisance des sources de détection en droit OHADA, et la seconde provient du fait que l'ensemble des professionnels qui composent ces cellules couvrent en général l'ensemble du monde des affaires, et à cet titre, ils sont en relation permanente avec les entreprises dont ils sont souvent pour certains les conseillers. La prochaine réforme de l'acte

651P.-M. Le Corre, op. cit. n° 120. 09. 652 C. Saint-Alary-Houin, op. cit. p.206. 653

M. Venier, « L’impartialité ou les limites de la prévention informelle », RTC com 2010, p. 780.

654 Banque économique centrale des états de l'Afrique de l'ouest. Fonctionnant sur le modèle de la banque européenne, la BCEAO réunit les pays de l’Afrique subsaharienne qui utilisent le franc CFA comme monnaie. 655

Banque économique centrale des états de l’Afrique centrale. Comme la BECAO, la BECAC, réunit les états de l’Afrique centrale qui utilisent le franc CFA comme monnaie.

170 uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif devrait en tenir compte et donner une caution légale à cette pratique afin qu’elle constitue une source complémentaire de détection des difficultés à l'instar des procédures d’alerte prévues par le législateur OHADA. Bien sûr que de telles cellules nécessitent des financements importants, il appartiendra donc aux états membres dans le cadre des coopérations judiciaires avec les bailleurs de fonds de négocier des subventions, la sécurité des affaires s’en porterait beaucoup mieux si un tel projet se concrétisait.

Conclusion du Titre I

343. Même si les systèmes de prévention détection proposés par le droit français et le droit OHADA offrent une variété de techniques de détection, en revanche, ils n'impressionnent

171 guère quant à leur résultat. Et cela peut se comprendre, ces systèmes de prévention n'ayant pour vocation que l'information du débiteur en captivant son attention sur les difficultés existantes. Autrement dit, ils ne fournissent pas de solution une fois les difficultés détectées, cela n'étant pas leur raison d'être. Or dans la majorité des cas, les débiteurs bien qu'informés par les agents de détection ne donnent pas de suite aux informations reçues. A cette première insuffisance, il ya également la concurrence des sources complémentaires de détection qui bien qu'informelles dans l'ensemble, fragilisent d'avantage leur avenir. Les lacunes ainsi observées pourront à moins d'un remodelage du système dans son ensemble, perdurer en raison de l'interdépendance entre le système de prévention détection et le système de prévention traitement lequel à la différence du premier s'attaque aux difficultés en préconisant des solutions selon la situation et l'ampleur des difficultés du débiteur.

173

TITRE II: DES SYSTEMES DE PREVENTION RELATIVEMENT