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DES SYSTEMES DE PREVENTION-DETECTION FORTEMENT LACUNAIRES FORTEMENT LACUNAIRES

75. Les systèmes de prévention-détection se caractérisent par l'information qu'ils fournissent au débiteur en difficulté. Fondamentalement, la prévention-détection se réalise par l'information économique des dirigeants et des tiers sur la situation de l'entreprise et par l'existence de procédures de réaction aux difficultés de nature à permettre la continuité de l'exploitation. Elle a connu un essor considérable en droit français avec la loi du 1er mars 1984 qui a fait de la détection des difficultés l'un des points majeurs de la politique de prévention155. Cette dernière s'est traduite par le souci de donner aux dirigeants une meilleure information économique grâce à l'élaboration de nouveaux documents comptables et de leur diffusion dans l'entreprise156. A cette information comptable, il faut aussi ajouter le rôle de détection dévolu aux agents de détection internes et externes à l'entreprise que sont d'une part, le commissaire aux comptes, les actionnaires ou les associés ainsi que le comité d'entreprise, et d'autre part, le président du tribunal ainsi que les groupements de prévention agréé.

76. En droit de l'OHADA, la prévention-détection résulte exclusivement des dispositions de l'Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUDSCGIE). Dans cet ordre juridique, la prévention détection est essentiellement centrée sur l'alerte du commissaire aux comptes et l'alerte des associés ne joue qu'un rôle facultatif comme en droit français. Dans l'ensemble, la doctrine a adhéré de façon unanime à cette politique de prévention en insistant davantage sur l'information ici synonyme de détection. Elle doit être précoce157et spontanée mais non judiciaire158. Il s'agit donc à travers le système de prévention-détection de s'attaquer à la source des difficultés sans en attendre les manifestations159. La détection est un gage pour une meilleure prévention. Elle

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C. Saint Alary Houin, Droit des entreprises en difficulté, L.G.D.J . 2014, 9è èd., p.62; I. Rohart-Messager, La prévention -détection par les tribunaux de commerce, Gaz. Pal. Etude, Numéro spécial janvier 2010, n° 8-9 p.5,; M. Rouger, “La prévention des difficultés des entreprises au tribunal de commerce de paris”, in Le nouveau droit des défaillances des entreprises, Dalloz 1995, p.61.

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Y. Chaput, Droit de la prévention et du règlement amiable des difficultés, PUF, Droit fondamental, 1986, p. 35; Le Cannu, Prévention et règlement amiable, collection U, Armand Colin, 1985, p.69; A. Couret, N. Mervilliers, G.A. De Sautenac, Le traitement amiable des difficultés des entreprises, Droit Poche, Economica, 1985, p.25; « La détection précoce des difficultés des entreprises », Table ronde, Rev. proc. coll., 2010, n°1 p.49.

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F. Perochon, Entreprises en difficulté, 10è éd., L.G.D.J, n°41, p.45. 158 C. Saint-Alary.-Houin. op.cit., n° 95.

159 Le rapport Sudreau indiquait clairement l’objectif voulu par le législateur. Il s’agit de permettre aux personnes habiletés à le faire d’avoir « le droit de mettre en œuvre une procédure spéciale lorsqu’elles ont des éléments d’information concordants et sérieux laissant présager l’existence de difficultés qui peuvent être

48 doit servir de repère160, elle doit être une étape préalable à la prévention de la cessation des paiements, en ce qu'elle permet de faire l'état des lieux des difficultés161.

77. Toutefois, il faut se demander, à propos des systèmes de prévention détection si, les techniques prévues à cet effet, peuvent avoir une influence positive sur la prévention de la cessation des paiements. En effet la finalité majeure de leur institution se trouve là. Répondre par l'affirmative ne serait pas faire preuve d'objectivité. En effet, le constat est que les attentes placées dans ces systèmes de prévention se sont avérées décevantes. Cette contre performance du système s'explique en grande partie par de nombreuses imperfections. Plusieurs raisons expliquent cet échec dont deux principales.

78. D'abord, la difficulté majeure de ce système est qu'il ne préconise pas de solutions une fois les difficultés repérées par les agents de la détection. Se pose ensuite la difficulté d'appréciation des critères de déclenchement, et, enfin, l'absence de portée des techniques juridiques qui composent ces systèmes de prévention. L'ensemble de ces lacunes, en plus d'avoir contribué à l'affaiblissement des systèmes de prévention-détection, a provoqué leur manque d'attractivité actuel d’où l’inefficacité qui les caractérise (chapitre I). Pour pallier à ces carences observées, les dirigeants ont souvent recours aux sources complémentaires de détection (chapitre II).

lourdes de conséquences… », extrait du rapport Sudreau, in la réforme de l’entreprise, 2ditions 10-18, 1975, p. 177 et s.

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F. Perochon, ouvrage op.cit. n°28.

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Chapitre 1 : Le caractère inefficace des systèmes de prévention-détection

79. Le droit français et le droit OHADA présentent deux systèmes de prévention -détection au contenu varié et relativement différents. Mais dans l'ensemble la mise en œuvre des différents mécanismes de détection qui les composent repose sur un critère pratiquement identique à savoir la menace affectant la continuité de l'exploitation162. Ces mécanismes de prévention-détection, consistent à repérer en amont de la cessation des paiements tout indice susceptible d'enliser le fonctionnement de l’entreprise, il appartiendra ensuite au dirigeant de prendre les mesures nécessaires, afin de résoudre le plus tôt possible les problèmes relevés.

80. En aucun cas la détection ne fournit au débiteur les moyens de résolution des difficultés de l’entreprise. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique le faible ou l’absence de percée véritable des techniques de détection. Les agents de la détection que sont le commissaire aux comptes, le comité d'entreprise, le président du tribunal, les associés, les groupements de prévention agréées ne peuvent qu'informer le dirigeant, il revient à ce dernier de prendre les décisions ou non. Ils ne peuvent donc pas l'obliger à suivre ou à adhérer aux informations dévoilées.

81. Son attitude pourra toutefois lui être reprochée par le président du tribunal, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective. Comme les organes de détection sont perçus par les dirigeants comme une intrusion dans leurs affaires, on peut croire que le rôle des agents de la prévention est devenu pratiquement formel voire facultatif. Il en va ainsi de l'alerte des associés en droit OHADA qui revêt un caractère facultatif et limitatif163. Cela n'enlève en rien à l'intérêt de cette technique de détection, véritable innovation, dont le domaine est beaucoup plus large en droit de l'OHADA qu'en droit français.

82. On peut donc dire que les techniques de détection comportent en elles même les germes de leur insuffisance. Le succès de ces mécanismes juridiques dépend en effet de la volonté du débiteur. Ils ne produisent pas à proprement parler d'effet véritable sur le débiteur sauf à créer ou susciter une probable prise de conscience. Mais ce dernier n'est pas tenu de donner une suite aux informations qu'il a reçues. La problématique de leur efficacité se pose donc sérieusement tant en droit français où on note le caractère décevant du système de

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F. Perochon, op.cit. n° 49, p.48.

50 prévention détection (section I) qu'en droit de l'OHADA dans lequel l'insuffisance et les faiblesses des techniques de détection compromettent l'existence de la prévention dans cet espace juridique (section II).