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Une croissance centrée sur la rente pétrolière

CHAPITRE IV : INSTITUTIONS, RESSOURCES NATURELLES ET CROISSANCE AU VENEZUELA ET CROISSANCE AU VENEZUELA

II. Une croissance centrée sur la rente pétrolière

Depuis la découverte des premiers gisements de pétrole au début du XXème siècle,

l’économie vénézuélienne a connu une évolution marquée par l’existence d’une importante

dualité dans les activités de production. D’un côté se trouve le secteur pétrolier, très intensif en

capital, vulnérable aux fluctuations mondiales et, depuis le début des années soixante-dix, sous

le contrôle de l’Etat. D’un autre côté, le secteur non pétrolier, où les lois du marché et l’initiative

privée ont longtemps été à la base même des processus productifs.

Dans ce sens, le graphique IV.2 décrit l’évolution du PIB réel total et de ses deux

grandes composantes. En premier lieu, nous constatons une forte accélération de la production

totale durant la période de la dictature militaire, notamment grâce à la mise en place

Source: Polity IV Project, Marshall et Jaggers (2004)

d’importants projets d’infrastructure et à une conjoncture internationale favorable. Par contre les

trois décennies de stabilité démocratique (1958-1991) sont marquées par une certaine

stagnation ou ralentissement du taux de croissance du PIB total, et ceci malgré un

accroissement assez important des activités dans le secteur non pétrolier. En ce qui concerne

la croissance du secteur pétrolier, celle-ci connaît une rupture majeure vers le milieu des

années soixante, période durant laquelle la première entreprise d’Etat dévouée à l’exploitation

du pétrole est créée et le pays adhère à l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole; cette

décroissance tend à s’accélérer au fil du temps, ainsi en 1985 le taux de croissance du secteur

par rapport à l’année 1941 n’est que de 36% alors que vingt ans auparavant en 1965 ce même

taux était proche de 130%.

Graphique IV. 2. Produit intérieur brut total et par secteur d’activité (1942-2004)

-50% 0% 50% 100% 150% 200% 250% 300% 19411943194519471949195119531955195719591961196319651967196919711973197519771979198119831985198719891991199319951997199920012003 Année T a u x d e c ro is s a n c e

PIB total PIB pétrolier PIB non pétrolier

1942-1957 1958-1991 1992-2004

A partir de 1992 le ralentissement de la production totale est beaucoup plus important

malgré une légère reprise des activités dans le secteur pétrole, notamment à cause de la

Sources: Banco Central de Venezuela, Baptista (1997), calculs de l’auteur Les variables son transformées en logarithmes et normalisées à zéro en 1941 Les PIB pétrolier et non pétrolier sont pondérés par leur poids relatifs dans le PIB total

contraction du secteur non pétrolier, qui atteignit des niveaux d’activité comparables à ceux

enregistrés en 1980.

Il semble évident que le ralentissement du taux de croissance du PIB réel, observé à

partir de la fin des années soixante-dix (graphique IV.2), a été amorcé au début de la décennie

par la contraction continuelle du secteur pétrolier et le ralentissement postérieur de l’activité

productive dans le secteur non pétrolier. De même, nous constatons que cette contraction des

activités liées au pétrole a entraîné une réduction progressive de sa contribution dans la

production totale (tableau IV.1), passant de 48% pour la période 1942-1957 à 27% pour la

période 1992-2004.

Tableau IV. 1. Contribution sectorielle dans le PIB total

Période Secteur pétrolier Secteur non pétrolier

1942-1957 48% 52%

1958-1991 36% 64%

1992-2004 27% 73%

En regardant plus en détail l’évolution du PIB du secteur pétrolier et les fluctuations du

prix réel du pétrole (graphique IV.3), nous observons que la réduction progressive de la

production dans le secteur, débutée en 1970, est suivie de très près par une augmentation

soutenue de son prix dans les marchés internationaux ; en correspondance avec les politiques

de défense du prix du pétrole menées par les pays membres de l’OPEP (coefficient de

corrélation significatif et égal à -0.58).

A contrario, avant la nationalisation des hydrocarbures au début des années

soixante-dix, la stratégie menée par les multinationales et les investisseurs privés visait plutôt

l’accroissement de la production (coefficient de corrélation significatif et égal à 0.84), tel fut

également le cas durant la période 95-97, lors d’une ouverture partielle du secteur en question

aux capitaux internationaux.

Sources: Banco Central de Venezuela, Baptista (1997), calculs de l’auteur

Graphique IV. 3. Evolution de la production et du prix réel du pétrole (1942-2004) -100% -50% 0% 50% 100% 150% 200% 250% 300% 19411943194519471949195119531955195719591961196319651967196919711973197519771979198119831985198719891991199319951997199920012003 Année T a u x d e c ro is s a n c e

Prix du pétrole PIB pétrolier

1942-1957 1958-1991 1992-2004

1970

ρρρρ = 0.84 ρρρρ = -0.58 ρρρρ = -0.23

Un autre agrégat macroéconomique étroitement lié aux fluctuations du prix du pétrole

est le taux de change réel. En ce qui concerne les régimes de taux de change mis en place au

pays, le Venezuela adopta un régime fixe qui demeura assez stable jusqu’en 1982, à partir de

ce moment des dévaluations continuelles se succédèrent et des régimes plus ou moins

flexibles furent partiellement suivis (crawling peg, flexibilité parfaite, flexibilité administrée et

actuellement contrôle de change).

Dans ce sens, à partir du graphique IV.4, nous constatons une première dépréciation

du taux de change réel au début des années soixante lors d’un écroulement considérable du

prix du pétrole, ainsi qu’une certaine stabilisation, voir même une appréciation de la monnaie

nationale, lors de la forte hausse des prix au milieu des années soixante-dix. A partir de 1981,

la chute continuelle du prix mondial du pétrole et la subséquente réduction des recettes fiscales

poussa les autorités à dévaluer progressivement la monnaie nationale jusqu’au début des

années quatre-vingt-dix.

Sources: Banco Central de Venezuela, Baptista (1997), calculs de l’auteur Les variables son transformées en logarithmes et normalisées à zéro en 1941

Graphique IV. 4. Evolution du taux de change réel et du prix du pétrole -100% -50% 0% 50% 100% 150% 200% 19411943194519471949195119531955195719591961196319651967196919711973197519771979198119831985198719891991199319951997199920012003 Année T a u x d e c ro is s a n c e

Prix du pétrole Taux de change réel

1942-1957 1958-1991 1992-2004

1981

ρρρρ = 0.37 ρρρρ = 0.25 ρρρρ = -0.14

Par opposition, la période de plus grande instabilité politique (1992-2004) est

caractérisée par une appréciation réelle du bolivar, provoquée par les mesures d’ancrage du

taux de change nominal visant à contrecarrer la hausse très marquée des prix enregistrée vers

le milieu des années quatre-vingt-dix (taux d’inflation de 103.2% en 1996), alors que le prix du

pétrole ne cessait de décroître. Cette évolution, à première vue paradoxale, s’explique par le

programme d’ajustement du gouvernement Caldera (1993-1998, deuxième mandat) : La

Agenda Venezuela, dans lequel une restructuration des finances publiques, du système

financier et du système de change visait à rétablir les principaux équilibres macroéconomiques.

Une question fondamentale est celle de l’existence de syndrome hollandais, tel

qu’avancé par une grande partie de la littérature sur les pays riches en ressources naturelles.

Dans le cas du Venezuela, cette hypothèse semble difficilement expliquer dans son ensemble

le processus de croissance suivi par le pays. Premièrement, le ralentissement de l’économie

vénézuélienne n’a eu lieu qu’après des années de croissance, justement centrée sur

l’exploitation pétrolière. Deuxièmement, les augmentations du prix du pétrole ne se traduisent

Sources: Banco Central de Venezuela, Baptista (1997), calculs de l’auteur Les variables son transformées en logarithmes et normalisées à zéro en 1941 Taux de change réel = (taux de change nominal X IPC Etats-Unis) / (IPC Venezuela)

Une augmentation (diminution) du taux de change réel indique une dépréciation (appréciation) réelle

pas, a priori, en une appréciation de la monnaie nationale (graphique IV.4, corrélations positives

ou peu significatives), à l’exception du début des années quatre-vingt. Troisièmement, tel que

signalé par Pineda et Sáez (2004), la réduction des activités productives dans le secteur

pétrolier au milieu des années quatre-vingt (graphique IV.2) n’a pas entraîné une expansion du

secteur non pétrolier des biens échangeables.

En règles générales, l’évolution de la croissance au Venezuela durant la période

1942-2004 est caractérisée par les éléments suivants:

- Augmentation soutenue des activités dans le secteur non pétrolier de 1942

jusqu’à la récession de la fin des années soixante-dix.

- Maximisation de la rente pétrolière basée sur la défense des prix internationaux

et la dépréciation de la monnaie nationale à partir de l’instauration de la

démocratie et de l’adhésion du pays à l’OPEP, tel qu’illustré par la diminution

observée dans le niveau de production du secteur pétrole.

- Détérioration accélérée de l’activité productive après les événements

sociopolitiques de 1992.

En vue du cadre institutionnel changeant et des implications, a priori, observées sur

l’ensemble de l’économie, nous enrichissons notre analyse en portant maintenant un regard

plus formel sur l’évolution et les sources de la croissance au Venezuela. Dans la prochaine

section notre démarche s’amorce par la formalisation théorique et le calcul comptable de la

productivité globale des facteurs (PGF).

III. Les sources de la croissance dans un contexte de

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