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Wolbachia est un des endosymbiotes les plus répandus sur Terre qui infecte de

nombreux arthropodes et nématodes (LePage and Bordenstein, 2013; Makepeace and Gill, 2016). Les isopodes ne faisant pas exception, on estime à 60% la proportion d’espèces d’isopodes terrestres infectées par Wolbachia (Bouchon et al., 2008). Elle est également présente chez des espèces marines et dulcicoles tel que Sphaeroma hookeri et

Asellus aquaticus (Bouchon et al., 1998). Historiquement, Wolbachia a été découverte chez le

moustique Culex pipiens en 1929 par Hertig et Wolbach (1929). Elle a ensuite été observée chez les isopodes pour la première fois en 1973 chez le cloporte commun Armadillidium

Introduction générale

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vulgare (Martin et al., 1973), puis elle fut réellement identifiée en tant que Wolbachia qu’en

1992 par Rousset et al. (1992). L’association Wolbachia-arthropodes est un cas très étudié d’endosymbiose, en raison des multiples interactions qu’elle a pu établir avec de nombreux hôtes. Chez les isopodes terrestres, beaucoup d’études se sont notamment intéressées à l’impact de Wolbachia sur la physiologie et la génétique de l’hôte (Bouchon et

al., 2008).

Cette alphaprotéobactérie (ordre des Rickettsiales) est considérée comme un parasite de la reproduction (Stouthamer et al., 1999) puisqu’elle induit différents phénotypes sexuels ayant pour conséquence de favoriser les femelles infectées dans une population (Figure 5). Cela favorise sa transmission, car Wolbachia se transmet principalement par voie ovocytaire. Elle est présente majoritairement dans les cellules de la lignée germinale femelle, mais également dans les autres tissus tels que les hémocytes, les tissus nerveux et digestifs (Dittmer et al., 2014). De façon remarquable, Wolbachia est à l’origine d’un nouveau chromosome sexuel chez A. vulgare en transférant une partie de son génome dans le génome du cloporte hôte (Leclercq et al., 2016; Legrand et al., 1984).

Wolbachia est donc un puissant facteur du déterminisme du sexe chez les isopodes, allant

jusqu’à modifier le fonctionnement même des chromosomes sexuels du cloporte.

Mais Wolbachia n’est pas qu’un parasite de la reproduction, elle est aussi connue pour avoir des effets bénéfiques sur son hôte. C’est le cas par exemple chez le nématode

Brugia malayi où Wolbachia est nécessaire à sa fertilité et son développement larvaire (Taylor et al., 2005). Chez les insectes, Wolbachia fournit de la vitamine B à la punaise de lit (Cimex lectularius) (Hosokawa et al., 2010; Jiggins, 2016; Nikoh et al., 2014), protège son hôte

drosophile contre les infections bactériennes et virales (Gupta et al., 2017; Hedges et al., 2008; Teixeira et al., 2008), et elle est nécessaire à l’ovogenèse de la guêpe parasitoïde

Asobara tabida (Dedeine et al., 2001). Concernant les isopodes, le seul bénéfice connu de Wolbachia est une meilleure protection de l’hôte contre les agents pathogènes

(Braquart-Varnier et al., 2015). Wolbachia constitue donc un bon exemple de la transition d’un état parasitaire vers l’établissement d’une symbiose mutualiste avec son hôte (Weeks et al., 2007).

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Figure 5. Les différents phénotypes induits par Wolbachia. Wolbachia est connue pour induire quatre phénotypes étendus différents, tous favorisant les femelles porteuses de Wolbachia dans une population. Elle peut induire (1) la féminisation où un mâle génétique se développe en femelle, (2) la parthénogenèse thélytoque qui est une forme de parthénogenèse aboutissant à une descendance uniquement composée de femelles, (3) le male killing où la présence de Wolbachia a pour effet la mort ciblée des embryons mâles, et (4) l’incompatibilité cytoplasmique, ou isolement reproducteur post-zygotique, qui empêche les mâles infectés de se reproduire avec des femelles non infectées. Chez les isopodes deux de ces quatre phénotypes sont connus : la féminisation et l’incompatibilité cytoplasmique (adapté de Werren et al., 2008).

En protégeant son hôte contre certains virus et bactéries, Wolbachia agit directement sur la composition du microbiote de son hôte. Sa présence ne se limitant pas qu’aux cellules germinales, elle peut ainsi impacter l’entièreté du microbiote. La caractérisation du microbiote intestinal de Drosophila melanogaster a permis de mettre en évidence l’effet de Wolbachia sur la composition du microbiote tout au long du développement de la drosophile (Simhadri et al., 2017). Comparativement aux drosophiles asymbiotiques, la présence de Wolbachia altère l’abondance ainsi que la présence ou l’absence de certains microbes. Cependant, les auteurs n’ont pas observé d’interactions directes entre Wolbachia et les bactéries intestinales, l’impact de Wolbachia serait alors bien plus complexe qu’une interaction directe. Plus récemment, Dittmer et Bouchon (2018) ont aussi mis en évidence l’influence de Wolbachia sur la structure du microbiote d’A.

vulgare. Non seulement elle affecte la présence ou l’absence de certaines bactéries, mais elle

modifie aussi l’abondance de l’ensemble des communautés microbiennes du cloporte. Ainsi, les effets sur le phénotype de l’hôte ne sont pas seulement la résultante d’une dualité de Wolbachia avec son hôte, mais bien le résultat d’une interaction à trois niveaux

Introduction générale

34 intégrant l’endosymbiote, l’hôte, et le microbiote associé. Cet exemple démontre une fois de plus l’importance d’avoir une approche intégrative incluant l’ensemble de l’holobionte ainsi que son environnement, pour comprendre les associations hôtes-microbiotes (Brinker et al., 2019) (Figure 6).

Figure 6. L’interaction tripartite et ses effets sur le phénotype de l’hôte. Wolbachia interagit avec le microbiote de l’hôte de manière directe par compétition pour les ressources et l’espace, et probablement de manière indirecte en provoquant une réponse immunitaire accrue de la part de l’hôte. L’origine de l’hôte, son sexe, son mode de nutrition, les facteurs environnementaux, mais aussi les bactéries issues de l’environnement sont autant de facteurs qui vont interagir avec ce triptyque Wolbachia, Hôte et Microbiote (Dittmer and Bouchon, 2018). Le phénotype de l’hôte n’est pas seulement dépendant de son interaction avec Wolbachia, mais bien le résultat de tout un complexe multifactoriel (adapté de Brinker et al., 2019).