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Rickettsiella, des bactéries pas si pathogènes

Les bactéries du genre Rickettsiella pourraient constituer un autre exemple de la transition d’un état parasitaire vers une symbiose mutualiste chez les isopodes. Ces bactéries appartiennent aux Gammaproteobacteria, elles sont connues en tant que

35 pathogènes chez un grand nombre d’arthropodes (Bouchon et al., 2011). Chez les isopodes, elles ont été identifiées chez plusieurs espèces d’isopodes terrestres et dulcicoles (Cordaux et al., 2007; Dittmer et al., 2016; Kleespies et al., 2014; Wang et al., 2007). Les individus infectés par Rickettsiella développent une maladie symptomatique ou « blue

disease », facilement identifiable dans les stades avancés de l’infection de par la coloration

bleutée de la face ventrale des individus infectés (Vago et al., 1970). La maladie se traduit aussi par un développement ralenti de l’hôte, et provoque dans la plupart des cas la mort de l’individu. Néanmoins, la virulence de la bactérie n’est pas aussi forte que pourrait l’être celle d’un virus ou un champignon. De même, des porteurs sains de bactéries du genre

Rickettsiella ont été identifiés dans plusieurs populations. Effectivement plusieurs souches

de Rickettsiella sont connues chez les isopodes (Kleespies et al., 2014), et certaines de ces souches pourraient ne pas être pathogènes. C’est notamment le cas pour le puceron du pois Acyrthosiphon pisum, où des bactéries du genre Rickettsiella protègent leur hôte contre les prédateurs en modifiant sa couleur (Tsuchida et al., 2010, 2014). Rickettsiella pourrait alors constituer un nouvel exemple de symbiote mutualiste chez certains isopodes.

Le parasite Rhabdochlamydia

La bactérie Rhabdochlamydia porcellionis est également un des pathogènes reconnus chez les cloportes. Ce parasite intracellulaire, proche des Chlamydiae, a été découvert dans l’hépatopancréas du cloporte rugueux Porcellio scaber (Drobne et al., 1999; Kostanjsek, 2004; Shay et al., 1985). Il présente un cycle développemental complexe découpé en trois phases : (1) une phase sous forme de corps élémentaires infectieux qui (2) une fois rentrés dans la cellule infectée, se développent en corps réticulés capables de se diviser et (3) de se différencier en corps intermédiaires. Ces corps intermédiaires vont finalement se différencier en corps élémentaires infectieux, pour être enfin libérés de la cellule grâce à l’éclatement de sa vacuole. Le cycle peut ainsi recommencer jusqu’à la mort de l’individu infecté. Il reste néanmoins beaucoup d’aspects de la biologie de cette bactérie à élucider, tant au niveau des voies de transmissions qu’au niveau de son évolution chez les isopodes (Bouchon et al., 2016).

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36 Candidatus Hepatincola et Candidatus Hepatoplasma, deux bactéries hépatopancréatiques

L’hépatopancréas des cloportes a longtemps suscité un fort intérêt pour la recherche de bactéries symbiotiques. Il est supposé que des bactéries symbiotiques de l’hépatopancréas produisent les enzymes nécessaires à la dégradation de composés lignocellulosiques, le composant majeur des parois végétales qui constitue la nourriture principale de beaucoup d’espèces d’isopodes terrestres (Zimmer, 2006). En plus de la bactérie Rhabdochlamydia porcellionis détaillée plus haut, deux bactéries hépatopancréatiques extracellulaires ont été observées chez plusieurs espèces d’isopodes terrestres : Candidatus Hepatincola porcellionum et Candidatus Hepatoplasma crinochetorum (Dittmer et al., 2016; Eberl, 2010; Fraune and Zimmer, 2008; Wang et al., 2007). La première appartient aux Rickettsiales alors que la seconde fait partie des Mollicutes (Wang et al., 2004a, 2004b). Ces deux bactéries semblent être des symbiotes facultatifs du fait de la présence d’individus non infectés dans les populations hôtes, et semblent exclusives puisqu’aucun individu bi-infecté n’a été identifié (Fraune and Zimmer, 2008; Wang et al., 2007). Fraune et Zimmer (2008) ont observé qu’en présence de Candidatus Hepatoplasma, la survie des individus infectés augmente dans des milieux pauvres en termes de qualité nutritive, notamment au niveau cellulosique. C’est pourquoi il a d’abord été supposé que cette bactérie aide à la production d’enzymes dégradant la cellulose. Néanmoins, l’analyse de son génome (Leclercq et al., 2014) montre que ce dernier ne possède pas de gènes codant des enzymes connues pour participer à la dégradation de la cellulose, et plus largement de la lignocellulose (Bredon et al., 2018; Zimmer, 2006). Des analyses de cophylogénie montrent que Candidatus Hepatoplasma a une histoire évolutive très ancienne avec les isopodes terrestres (Fraune and Zimmer, 2008). A contrario, Candidatus Hepatincola n’aurait colonisé l’hépatopancréas des isopodes terrestres que très récemment (Wang et al., 2007), et il a été observé qu’elle réduit la longévité des individus infectés (Fraune and Zimmer, 2008). Fraune et Zimmer (2008) ont donc émis l’hypothèse que Candidatus Hepatincola aurait envahi et pris la place de Candidatus Hepatoplasma dans certaines populations grâce à un mimétisme moléculaire. Il reste une grande part d’ombre quant au rôle et l’origine de ces deux bactéries. L’acquisition du génome de Candidatus Hepatincola et la comparaison de différentes souches de ces deux bactéries pourraient aider à comprendre leur histoire évolutive avec les isopodes.

37 D) Le virome des isopodes

Les virus sont présents dans l’ensemble des écosystèmes terrestres et aquatiques (Danovaro et al., 2008; Zablocki et al., 2014). Il existe une grande variété de virus infectant les trois domaines du vivant : les bactéries, les archées et les eucaryotes (Koonin and Dolja, 2013). Ils constituent ainsi une part importante de l’holobionte ; ils peuvent impacter la physiologie de leur hôte tout comme ils peuvent altérer la composition du microbiote dans son ensemble. Le virome d’un environnement englobe l’ensemble des virus qui y sont présents, incluant les virus d’eucaryotes et de procaryotes. Il est constitué d’une part importante de virus infectant les bactéries ou phages. Ces derniers peuvent avoir un fort impact sur la composition de l’holobionte en exerçant une pression sélective vis-à-vis des bactéries (Letarov and Kulikov, 2009; Reyes et al., 2012; Rodriguez-Valera et

al., 2009), et en affectant la virulence de certaines bactéries pathogènes (Boyd, 2012).

Les arthropodes sont les vecteurs de nombreux virus pathogènes touchant un grand nombre de plantes et d’animaux (Li et al., 2015; Nault, 1997; Rosario et al., 2018; Shi

et al., 2016). De nombreux virus sont également connus pour leurs effets létaux sur les

arthropodes, en particulier chez les crustacés (Bateman and Stentiford, 2017; Grandjean et al., 2019). Ces dernières années, beaucoup d’études ont révélé la richesse des communautés de virus chez les crustacés (Bistolas et al., 2017; Dunlap et al., 2013; Edwards and Rohwer, 2005; Gudenkauf and Hewson, 2016; Hewson et al., 2013; Rosario

et al., 2015), et pourtant, seule une infime partie du virome des isopodes a été caractérisée.

On connait à ce jour quatre familles de virus chez les isopodes : la famille des Cruciviridae, des Picornaviridae, des Iridoviridae et des Reoviridae (Bistolas et al., 2017; Johnson, 1983; Juchault et al., 1991; Loiseau et al., 2017). Ces deux dernières familles sont les plus impressionnantes du fait de leurs effets sur la physiologie de leur hôte.

Les iridovirus, les virus du cloporte bleu

Des trois familles de virus connues chez les isopodes, il en est une qui se distingue des autres par la couleur bleutée qu’elle confère aux cloportes infectés. Les Iridoviridae IIVs (pour « Invertebrate Iridescent Viruses ») de l’ordre des Megavirales, sont des virus à ADN qui infectent un large spectre d’invertébrés, allant des nématodes aux insectes, en passant par

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38 les mollusques, les annélides et bien sûr les isopodes (Williams, 2008). Les iridovirus caractérisés chez le cloporte commun A. vulgare appartiennent à l’espèce IIV31. Ils sont facilement détectables puisque les individus infectés renvoient une couleur iridescente bleue violette du fait de l’accumulation de virions, rangés de façon à réfléchir la lumière bleue ou violette dans le cytoplasme des cellules infectées (Federici, 1980; Loiseau et al., 2017; Smith and Williams, 1957). Les individus infectés présentent de plus des troubles au niveau du comportement alimentaire, mais aussi au niveau du comportement fouisseur et ils sont moins réactifs face à certains stimuli comme la lumière ou l’eau (Loiseau et al., 2017; Lupetti et al., 2013; Wijnhoven and Berg, 1999). L’infection est rapide, systémique (tous les tissus sont infectés sauf, curieusement, l’hépatopancréas) et les individus infectés meurent sept à huit semaines après le début de l’infection (Federici, 1984; Lupetti et al., 2013). Cependant, le mode de transmission de ce virus reste inconnu, il est supposé que l’infection pourrait se faire par simple contact, ou bien à cause des comportements du cannibalisme ou de coprophagie connus chez les cloportes (Cole and Morris, 1980).

L’OMV, le virus masculinisant

Il existe chez les cloportes un autre virus modifiant de manière impressionnante des caractères physiologiques. Il se nomme OMV (« Oniscoidea Masculinizing Virus ») ; c’est un virus proche de la famille des Reoviridae qui a été identifié chez Porcellio dilatatus, et potentiellement chez Armadillidium vulgare (Juchault et al., 1991). Ce virus en apparence inoffensif pour son hôte et peu infectieux, induit une masculinisation partielle des femelles génétiques. Les femelles infectées présentent la particularité d’être intersexuées, c’est-à-dire qu’elles présentent à la fois des caractères sexuels mâles et femelles. Le virus agit sur le cytoplasme des cellules épithéliales en mimant l’action de l’hormone mâle. De ce fait, seuls les organes sexuels externes sont touchés, les autres organes sexuels tels que les ovaires ne sont pas affectés. En général les femelles infectées sont asymétriques, présentant d’un côté un stylet copulateur mâle et de l’autre un orifice sexuel femelle. Malheureusement, ce virus n’a pas été observé depuis la publication de Juchault et al. (1991). Sa faible tolérance thermique (une température excédant les 27° degrés lui est létale), ainsi que son faible niveau d’infection pourraient être des facteurs limitants pour son succès invasif.

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2.3 Le microbiote digestif

La contribution du microbiote aux processus de digestion des isopodes terrestres et aquatiques n’est pas clairement établie. Zimmer (2002) a émis l’hypothèse que l’acquisition et le développement du microbiote digestif auraient rendu possible, ou tout du moins facilité la conquête des terres par les isopodes. Il met principalement en avant les bactéries hépatopancréatiques qui semblent avoir une histoire évolutive ancienne avec les isopodes, voire très ancienne pour certaines d’entre elles (e.g. Candidatus Hepatoplasma). Plusieurs études montrent que le microbiote digestif augmente la survie et la croissance des individus, ainsi que le succès reproducteur des femelles (Horváthová et

al., 2015, 2016, 2019; Kautz et al., 2002; Zimmer and Topp, 1997a, 2000). Il pourrait

apporter des nutriments à son hôte, réguler le pH de l’intestin, aider à la détoxification des aliments, au stockage de certains composés, et surtout, à la dégradation de la lignocellulose (Zimmer, 2006; Zimmer and Topp, 1997b). Dans ce dernier cas, le microbiote digestif pourrait jouer un rôle important, ce qui aurait contribué au succès colonisateur des isopodes terrestres. Il est d’autant plus intéressant de noter que certains isopodes aquatiques sont dépourvus de microbiote dans leurs tissus digestifs (Ray and Julian, 1952), soulignant l’importance de l’acquisition de ce dernier pour la conquête terrestre.

Le microbiote digestif s’établit tout le long du système digestif des isopodes. On y distingue deux types de microbiotes : un premier se trouvant dans l’hépatopancréas, et un second, beaucoup plus changeant, qui se loge dans l’intestin. L’hépatopancréas et l’intestin ne présentent pas les mêmes conditions en termes d’aérobie et de pH. Alors que l’hépatopancréas est anaérobique et acide, l’intestin est aérobique dans sa périphérie et anaérobique en son centre (Zimmer and Brune, 2005), avec un pH allant de 5 à 7 suivant la région de l’intestin étudiée (détaillé dans Zimmer, 2002). De ce fait, l’hépatopancréas est hostile pour un grand nombre de bactéries, alors que l’intestin moyen présente les conditions idéales pour le développement et la multiplication de la plupart des bactéries du sol. De plus, l’hépatopancréas filtre les particules dont la largeur est supérieure à 1 µm voire 40nm suivant les auteurs (Hames and Hopkin, 1989; Wood and Griffiths, 1988),

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40 empêchant ainsi l’entrée de nombreuses bactéries. Chez certaines espèces marines, l’hépatopancréas est même totalement dépourvu de bactéries (Besser et al., 2018; Kern et

al., 2013; King et al., 2010; Ray and Julian, 1952; Wang et al., 2007). Chez les autres

espèces, les communautés bactériennes hépatopancréatiques sont en général pauvres et peu abondantes. Wang et al. (2007) ont identifié des bactéries proches de Pseudomonas sp. (Gammaproteobacteria) dans l’hépatopancréas du cloporte semi terrestre Ligia oceanica, et des bactéries appartenant aux genres Rhodobacter, Burkholderia, Aeromonas et Rickettsiella dans l’hépatopancréas de plusieurs populations de l’isopode d’eau douce Asellus aquaticus. Chez les espèces terrestres, on trouve dans ce tissu en majorité les bactéries Candidatus Hepatoplasma et Candidatus Hepatincola décrites plus haut, ainsi que d’autres bactéries appartenant aux Rickettsiales, aux Gammaproteobacteria et aux Protéobactéries (Dittmer

et al., 2016).

L’intestin quant à lui abrite des communautés bactériennes riches et abondantes, dont le nombre varie de 300 à 700 millions de cellules par milligramme de contenu du tube digestif des cloportes (Zimmer and Topp, 1998a). Parmi les bactéries environnementales ingérées par les isopodes, seules quelques-unes pourront s’installer et proliférer dans l’intestin moyen. La plupart des bactéries ingérées sont digérées durant leur passage dans le tube digestif, tandis que d’autres ne sont que de passage et se retrouvent directement dans les fèces (Kostanjšek et al., 2006; Zimmer and Topp, 1998a). Les bactéries intestinales dépendant essentiellement de l’environnement, les variations inter et intra hôte sont donc importantes (Dittmer et al., 2014, 2016; Kostanjšek et al., 2002, 2004, 2006). L’établissement de relations durables entre des symbiotes intestinaux et les isopodes est limité par le renouvellement d’une partie des parois de leur tube digestif lors de la mue (Storch, 1987). Pourtant, des études ont identifié des genres bactériens absents de leur nourriture, ce qui suggère l’existence d’autres voies de colonisation (Hassall et al., 1987; Kostanjšek et al., 2002; Ullrich et al., 1991). Chez les isopodes terrestres, ces bactéries pourraient recoloniser l’intestin après chaque mue grâce à leur comportement coprophage. Les isopodes terrestres sont également connus pour consommer leur exuvie après la mue, ce qui faciliterait la recolonisation du tube digestif par ces bactéries (Kostanjsek et al., 2007). De ces symbiotes, un seul a été caractérisé à ce jour chez A. vulgare et P. scaber : Candidatus Bacilloplasma (Dittmer et al., 2016; Kostanjsek

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et al., 2007). Cette bactérie extracellulaire appartient aux Mollicutes (phylum des

Tenericutes), elle colonise la surface du tube digestif en s’attachant aux épines cuticulaires de la lumière intestinale. Seulement, son rôle et son mode de transmission restent encore inconnus. Les champignons et les protistes sont d’autres membres du microbiote intestinal connu. Présents en plus faible proportion que les bactéries, les champignons n’ont été identifiés que dans quelques études chez les isopodes (Federici, 1984; Kayang et

al., 1994; Kostanjšek et al., 2006; Kukor and Martin, 1986; Lichtwardt, 1986; Zimmer and

Topp, 1998a). Parmi eux, il a été observé dans le tube digestif d’isopodes des champignons appartenant aux genres Penicillium, Trichoderma, Fusarium, Cladosporium,

Aspergillus et Mucor. Quant aux protistes, seuls quelques protistes binucléés ont pu être

observés à la surface du tube digestif de Ligia italica et de Titanethes albus (Kostanjšek et al., 2006).

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3. La décomposition de la lignocellulose

La dégradation des végétaux est depuis longtemps un des grands challenges pour les êtres vivants, mais également pour la recherche et l’industrie. Les végétaux ne sont pas faciles à dégrader, car ils sont pauvres en azote et constitués de molécules complexes. Mis à part les quelques sels minéraux, sucres et protéines contenus dans les cellules végétales, les végétaux sont constitués à 90% de lignocellulose. Ce composé est le constituant principal de la paroi végétale des plantes terrestres, de ce fait il constitue une ressource abondante et renouvelable pour un grand nombre d’organismes (Cragg et al., 2015). La lignocellulose est aussi d’un fort intérêt pour la recherche sur les biocarburants et autres « bioproduits », car elle représente une ressource importante de matière première pour la production de produis biochimiques (Himmel et al., 2007; Madeira et al., 2017; Ragauskas, 2006).

3.1 Le processus de dégradation de la lignocellulose

La lignocellulose est un assemblage de cellulose, de lignine et d’hémicellulose (Figure 7). Ces trois composés sont assemblés dans des structures complexes et très récalcitrantes. L’organisation de la cellulose en couches de microfibrilles, la structure complexe de la lignine et la grande diversité et l’hétérogénéité de l’hémicellulose renforcent la protection de la lignocellulose face aux attaques enzymatiques (Bomble et al., 2017). Sa dégradation implique tout un cortège d’enzymes, qui vont se complémenter et agir en synergie tel un cocktail enzymatique. Ces enzymes se classent toutes parmi les « Carbohydrate-Active enzYmes » ou communément appelées CAZymes (Lombard et al., 2014). La base de données CAZy (http://www.cazy.org/) regroupe les enzymes connues capables de dégrader, modifier ou créer des ponts glycosidiques. Elles sont classées en 5 familles :

 Les « Glycoside Hydrolases » (GH) qui hydrolysent et/ou modifient les ponts glycosidiques

43  Les « GlycosylTransferases » (GT) qui créent des ponts glycosidiques

 Les « Polysaccharides Lyases » (PL) qui clivent de façon non-hydraulique les ponts glycosidiques

 Les « Carbohydrate Esterases » (CE) qui hydrolysent les esters des carbohydrates

 Les « Auxiliary Activities » (AA) qui sont des oxydoréductases qui agissent en combinaison avec les autres CAZymes

On peut également citer les « Carbohydrate-Binding Modules » (CBM) qui permettent à certaines CAZymes d’adhérer au substrat. Parmi ces familles, les GHs, les CEs et les AAs contiennent des enzymes dont l’activité contribue à la dégradation de la lignocellulose. Il est important de noter que toutes les CAZymes classées au sein de ces familles ne participent pas à la dégradation de la lignocellulose. On distingue trois grandes catégories d’enzymes dégradant la lignocellulose, regroupées selon leur activité enzymatique et leur substrat, et classées parmi les familles citées précédemment : les cellulases, les hémicellulases et les lignases (aussi appelées ligninases).

Figure 7. Exemple de configuration de la lignocellulose : le bois. A) Cellules végétales adjacentes. B) Les différentes couches de la paroi cellulaire : C1, C2, C3 représentent les couches de la paroi secondaire, P correspond à la paroi cellulaire primaire et LM à la lamelle moyenne. C) Distribution de la cellulose, de l’hémicellulose et de la lignine dans la paroi secondaire (adapté de Kirk and Cullen, 1998; Pérez et al., 2002).

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44 A) Les lignases

La lignine est un assemblage de tanins, ou plus précisément un hétéropolymère constitué d’unités de phénylpropane reliées entre elles par des liaisons carbone-carbone (C-C) et aryle-éther (C-O-C). Sa dégradation constitue une première étape importante dans la dégradation de la lignocellulose, car ce composé protège la plante contre les attaques enzymatiques (Argyropoulos and Menachem, 1997). La dégradation de la lignine implique de multiples réactions oxydatives et d’hydrolyse afin de dépolymériser les parties phénoliques et non phénoliques. La plupart des enzymes connues aujourd’hui pour dégrader la lignine sont issues des champignons lignivores et de plusieurs bactéries (Bugg

et al., 2011; de Gonzalo et al., 2016; López-Mondéjar et al., 2019; Pollegioni et al., 2015).

Ces lignases se regroupent toutes, au sein des CAZymes, dans la famille des AAs et peuvent être classées en deux catégories (Janusz et al., 2017) :

 Les LME (« Lignin Modifying Enzymes ») qui sont des enzymes capables de modifier directement la structure de la lignine. On retrouve parmi elles les lignines peroxydases (EC 1.11.1.14), les manganèses peroxydases (EC 1.11.1.13), les versatiles peroxydases (EC 1.11.1.16), les « dye-decolorizing » peroxidases (EC 1.11.1.19) et les laccases (EC 1.10.3.2)

 Les LDA (« Lignin Degrading Auxiliary ») qui assistent les autres enzymes dans la dégradation de la lignine. Parmi elles, on peut citer les « glyoxal » oxydases (EC 1.2.3.5), les aryles oxydases (EC 1.1.3.7), les glucoses déshydrogénases (EC 1.1.99.10) ou encore les cellobioses déshydrogénases (EC 1.1.99.18)