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Encadré 6. Les bases de données sur les Etats-Unis, Union Européenne et Canada

5.3. Une application aux réformes tarifaires en Corée

La République de Corée (i.e. Corée du sud) soutient son secteur agricole à un niveau particulièrement élevé. La structure tarifaire de la Corée, ainsi que le système de subventions à la production et à la consommation, en font un cas extrême particulièrement intéressant puisque ce pays est régulièrement "en tête" du classement de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) pour ce qui est du soutien au secteur agricole. En outre, c'est un acteur relativement modeste

sur le plan du commerce international, et il est possible de conduire des simulations de réforme de la structure tarifaire sans disposer d'un modèle du commerce mondial, nécessaire pour endogénéiser les prix mondiaux, exercice qui n'entre pas dans le cadre de ce rapport. On peut ainsi "rôder" sur le cas de la Corée, une méthodologie d'estimation des effets de la structure tarifaire en terme de bien-être et d'importations, ainsi que des simulations de réforme. De part la structure LINQUAD de la demande et de la construction de la méthodologie sous le logiciel GAMS, cet exemple est facilement reproductible pour peu que l'on dispose des informations sur les quantités produites et consommées, ainsi que d'élasticités-prix, en plus de la structure tarifaire.

L'intervention publique se compose principalement de prix élevés de production soutenus par des achats du gouvernement et des droits de douane fixés à un niveau très élevé. Une certaine libéralisation a récemment eu lieu dans quelques secteurs, et la Corée est maintenant un importateur significatif de graines oléagineuses et de céréales secondaires, par exemple. Cependant, la Corée a exposé seulement à contrecœur son secteur agricole aux dispositions de l'Accord de l'Uruguay Round sur l'agriculture (IATRC 1997). Elle a maintenu des droits de douane très élevés dans les secteurs du riz, de la viande, et des produits laitiers. De nombreux griefs des pays partenaires portent en outre sur des obstacles non tarifaires aux importations, y compris des barrières administratives (monopoles d'importation) et des restrictions sanitaires (IATRC 1994 ; Thornsbury et al., 1997).

La Corée aborde les négociations commerciales du millénaire en position d'accusée, tout en ayant une volonté de continuer à protéger un secteur agricole quelque peu archaïque par rapport à son secteur industriel pour des raisons d'impératifs politiques intérieurs. Les pays exportateurs insistent sur le fait que la politique tarifaire coréenne impose des coûts élevés d'alimentation aux consommateurs et augmente le coût de la main d'oeuvre pour son secteur manufacturier. En maintenant artificiellement des ressources dans l'agriculture, la politique agricole coréenne ralentirait également la croissance de l'économie coréenne entière. D'autres pays membres de l'Organisation mondiale du commerce se plaignent du fait que la Corée, tout en tirant bénéfice de l'ouverture des marchés tiers à ses exportations de produits manufacturés, impose des obstacles considérables à leurs exportations de produits alimentaires (Diao et al, 2001).

La position de négociation de la Corée dans le cycle de négociations en cours est d'accorder un poids important aux "préoccupations non commerciales" dans l'agriculture, telle que les objectifs de sécurité alimentaire (WTO 2000a). En effet, le gouvernement coréen souligne la nécessité d'assurer un approvisionnement suffisant en nourriture dans toute les situations du marché mondial. La Corée se positionne ainsi parmi les leaders du groupe des pays en développement et importateurs nets de nourriture (le groupe dit des "NFIDCs") qui insiste sur le fait que le cadre multilatéral devrait permettre à ces pays de maintenir un soutien important aux produits alimentaires de base. Ces revendications incluent par exemple l'exemption des réductions tarifaires pour ces produits au nom d'objectifs de sécurité alimentaire (WTO 2001b). Par rapport à ce groupe, la Corée privilégie plus que d'autres pays peut-être, l'autosuffisance comme le moyen de la sécurité alimentaire, même si elle reconnaît que celle-ci peut passer par d'autres moyens, en particulier l'échange international et la diversification des sources d'approvisionnement (WTO 2000a,b ; 2001b). Ainsi, malgré quelques concessions commerciales sous l'AAUR, la Corée poursuit globalement une politique tarifaire visant l'auto-approvisionnement dans des productions comme le riz. Une analyse des effets de la politique tarifaire suivie par la Corée est donc particulièrement intéressante puisque ces préoccupations d'autosuffisance alimentaire sont au centre des débats actuels à l'Organisation mondiale du commerce, l'Inde ayant par exemple proposé une "boîte sécurité alimentaire" regroupant des mesures commerciales non sujettes à obligation de réduction (WTO 2001a).

Le cadre analytique décrit dans les sections précédentes peut être utilisé pour examiner les coûts en bien-être et les implications sur les échanges de la politique tarifaire coréenne. L'évolution de ces coûts dans le temps permet d'évaluer comment les modifications de politique qui sont intervenues dans les années 90 se traduisent en terme de bien-être. En second lieu, la Corée fait partie d'un système marchand multilatéral qui se fonde sur la clause de la nation la plus favorisée, impliquant une certaine expansion du volume des importations. Nous pouvons, à l'aide du cadre analytique décrit ci-dessus, mesurer le degré de restrictivité de la politique tarifaire coréenne. Là encore, nous utiliserons de

effet une mesure des opportunités commerciales auxquelles les autres membres de WTO doivent renoncer du fait de la structure tarifaire coréenne.

Enfin, nous pouvons aussi utiliser ce cadre pour analyser comment la Corée pourrait rationaliser sa structure commerciale tout en préservant ses objectifs d'autosuffisance sur des produits de base qui semblent être une clé de voûte de sa position dans le cadre des négociations multilatérales.