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(a) UNE ADAPTATION

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L’adaptation fonctionnelle du cœur face à une surcharge de travail repose sur l’augmentation de sa masse. Elle s’appuie essentiellement sur l’hypertrophie de ses cardiomyocytes. Ces cellules différenciées du cœur perdent peu de temps après la naissance leur capacité de prolifération (Swynghedauw (1999)). Au niveau cellulaire, la majeure partie des cardiomyocytes adultes sont des cellules au stade terminal de différenciation et ainsi ne peuvent proliférer. Face à un stress, leur seule réponse sera de croître, rétrécir ou mourir. L’augmentation de la taille cellulaire s’accompagne (i) d’une modification de l’organisation des sarcomères : l’ajout de nouveaux sarcomères (respectivement en série ou en parallèle pour des surcharges de débit et de pression), (ii) d’une modulation de son cycle calcique comme d’un accroissement de la synthèse protéique. L’activation de la synthèse protéique est rapide et présente dès les premières minutes de la mise en place d’une contrainte de surcharge de pression. Elle est différée dans les surcharges de volume in vivo comme dans un cœur isolé.

L’élément primordial de cette adaptation repose également sur un remodelage qui récapitule le « programme des gènes fœtaux » pour rétablir un métabolisme du myocarde

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normal : l’actine squelettique, l’α-Skeletal Actin (α-SKA), la chaîne lourde de la myosine, la

β

- Myosin Heavy Chain (β-MHC) et l’Atrial Natriuretic Factor (ANF) (pour revue : Swynghedauw

(1999)). L’ensemble de l’expression de ces gènes imite le stade embryonnaire du cardiomyocyte.

L’hypertrophie dite « physiologique » se caractérise par une augmentation temporaire de la taille du cœur avec la pratique d’un exercice physique régulier, lors d’une grossesse ou de la croissance post-natale (Figure 17). Cette hypertrophie transitionnelle n’a aucun effet apparent sur la fonction cardiaque car hormis l’augmentation de la taille des myocytes aucun remodelage délétère n’accompagne cet état. Elle permet une économie d’énergie en normalisant le stress pariétal (Lorell and Carabello (2000)). On parle aussi d’hypertrophie compensée ou adaptée. Le remodelage du myocarde qui lui est généralement associé est concentrique. La paroi du cœur augmente mais sans augmentation de la masse. L’hypertrophie concentrique se reconnaît à l’augmentation de sa paroi ventriculaire et de sa masse avec un volume ventriculaire inchangé ou légèrement. Elle est le résultat d’une surcharge de pression (sténose aortique, hypertension artérielle systémique, sportifs de haut niveau) qui provoque une addition de sarcomères en position latérale et parallèle du cardiomyocyte. A ce stade, le rapport de l’épaisseur de la paroi sur le volume (inchangé) augmente (i.e. il n’y a pas de dilatation) entraînant une diminution du stress pariétal et le maintien de la fonction contractile. D’après la loi de Laplace, la charge en tout point du cœur correspond à la valeur suivante : (pression x rayon)/ (2 x épaisseur de la paroi) ; l’augmentation de la pression est contrecarrée par l’épaississement de la paroi. Cette normalisation du « stress » assure le maintien de la fraction d’éjection.

Cette adaptation présente des limites. En effet, l’apparition d’un déséquilibre entre les mécanismes d’adaptation et de nouvelles contraintes amène le myocarde à une incapacité de réponse aux besoins de l’organisme. On parle alors d’hypertrophie non adaptée, décompensée ou pathologique. L’hypertrophie dite « pathologique » s’accompagne d’un remodelage délétère avec l’apparition de fibrose et une dysfonction possible de ces cardiomyocytes en complément de leur hypertrophie (Figure 17). Cette hypertrophie est principalement excentrique. La masse cardiaque augmente ainsi que le volume de ses chambres. La paroi peut être identique, diminuée ou augmentée par rapport à la normale. L’addition de sarcomères se fait en séries et en longitudinale pour l’allongement du

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cardiomyocyte (Dorn, Robbins, and Sugden (2003)) et/ou un glissement des cardiomyocytes les uns sur les autres par la dégradation de la matrice extracellulaire (Spinale (2002a, 2002b)). Ce modèle d’hypertrophie se retrouve dans des conditions particulières comme après un infarctus du myocarde, une surcharge de volume (reflux tant aortiques que mitraux) mais également lors d’une anémie. Elle se retrouve au stade ultime de la transition de l’hypertrophie compensée à décompensée, couramment observée dans les modèles murins après une surcharge de pression (sténose ou TAC).

Coeur

Ventricule droit

Ventricule gauche

Hypertrophie physiologique Hypertrophie concentrique

Hypertrophie excentrique Exercice chronique, Grossesse • Hypertrophie des cardiomyocytes uniquement • Hypertrophie des cardiomyocytes • Fibrose • Dysfonction cardiaque possible

• Hypertrophie des cardiomyocytes • Fibrose

• Mort des cardiomyocytes • Dysfonction cardiaque probable

Figure 17 : Schéma du myocarde et les différents types d’hypertrophie qu’il peut développer.

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En addition de nouveaux sarcomères en série ou en parallèle, des changements phénotypiques des protéines du sarcomère ont lieu dans les cardiomyocytes au cours de l’hypertrophie. Les chaînes lourdes α de la myosine (α-MHC) sont remplacées par l’isoforme β-MHC (Lompre et al. (1979); Mercadier et al. (1981)). L’isoforme atriale des chaînes légères (ALC) se retrouve exprimée dans les ventricules (Morano et al. (1997)). Lors du développement de l’hypertrophie, chez de nombreuses espèces animales mais aussi chez l’Homme, l’actine α du muscle squelettique (α-SKA) augmente son niveau d’expression (Schwartz et al. (1986); Winegrad, Wisnewsky, and Schwartz (1990) ; Suurmeijer et al. (2003)). Par l’augmentation du nombre de sarcomères durant le processus hypertrophique, l’expression de la troponine T augmente (Z. Chen et al. (1997)) tout comme l‘α-SKA. Quant à la tropomyosine (Tm), des études récentes (Schulz et al. (2012); Schulz et al. (2013)) montre que son état de phosphorylation est un paramètre important dans l’établissement d’un phénotype hypertrophique. La réduction de sa phosphorylation permettrait l’instauration d’une hypertrophie compensée et de retarder le phénotype de cardiomyopathie hypertrophique.

Pour déterminer le stade hypertrophique d’un cœur, comme l’hypertrophie non adaptée, l’expression de l’ α-SKA ainsi que la transition de l’isoforme α vers la β-MHC sont étudiées.

(b)

REMODELAGE DE LA MATRICE EXTRACELLULAIRE, DU SYSTEME CIRCULATOIRE (POUR

REVUE : HOU AND KANG (2012)) ET DU METABOLISME

La matrice extracellulaire (MEC) se réorganise, de la fibrose se développe consécutivement à une accumulation de collagène lors du remodelage ventriculaire. Les membres du Système Rénine-Angiotensine-Aldostérone (SRAA) y participent activement (Weber (1997) ; Spinale (2002a)). Les collagènes de type I et III sont les protéines principales de structure qui composent la MEC cardiaque. Les fibroblastes, myofibroblastes et les cellules vasculaires les produisent. Leur dégradation, cruciale pour la croissance et le remodelage de la MEC, est possible grâce à l’activation des métalloprotéinases (MMPs). Leur activité est contrôlée par des inhibiteurs spécifiques, les TIMPs. Durant le remodelage

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cardiaque, l’équilibre de la balance MMP/TIMPs est indispensable. Lors de la phase précoce de remodelage, on observe une activation des MMPs tandis qu'à plus long terme les TIMPs sont augmentés. Ainsi la fibrose composée de collagènes s’accumule aux niveaux interstitiel et périvasculaire du cœur.

Cet événement est considéré comme une étape délétère du remodelage cardiaque associée à l’hypertrophie (T. G. Parker and Schneider (1991); Schellings, Pinto, and Heymans (2004)).

L’hypertrophie cardiaque s’accompagne d’un changement dans l’angiogenèse coronarienne. L’hypertrophie cardiaque physiologique est associée à une densité normale ou accrue de ses capillaires (Hudlicka, Brown, and Egginton (1992)). Par contre, lors d’une hypertrophie cardiaque pathologique, il y a deux stades dans la densité capillaire par l’angiogenèse coronarienne : elle est augmentée aux premiers stades de l’hypertrophie (Huo, Linares, and Kassab (2007) ; Kassab (2000); Kassab et al. (1993)) tandis qu’elle décroît aux derniers stades de l’hypertrophie cardiaque pathologique (Anversa, Ricci, and Olivetti (1986); Flanagan, Fujii, Colan, Flanagan, and Lock (1991); Hamasaki et al., 2000 ; Hudlicka et al. (1992) ; Karch et al. (2005); Shimamatsu and Toshima (1987)). Une coordination entre l’angiogenèse et la croissance du cœur est cruciale et représente l’élément principal de l’hypertrophie physiologique. La perturbation de cet équilibre conduit à une hypertrophie cardiaque pathologique et à une transition vers l’insuffisance cardiaque. Ce défaut vasculaire va favoriser, via l’hypoxie qu’il entraîne, des altérations structurelles (fibrose) et contractiles (Shiojima et al. (2005)).

Le remodelage cardiaque conduit à un changement de métabolisme vers un métabolisme glycolytique. Sa composition change avec l’apparition de myofibroblastes et les cardiomyocytes qui font face à une désorganisation de leurs sarcomères. Il a également des incidences sur la fonction cardiaque avec des altérations dans la prise en charge du Ca2+ et des dysfonctions diastoliques ou systoliques dues à un remodelage électrique.

Les voies de signalisation conduisant au développement d’une hypertrophie sont nombreuses. Elles interagissent entre elles et subissent des contrôles. Elles sont composées

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d’une cohorte d’enzymes à activité kinases et phosphatases. La modification de l’équilibre de ces activités enzymatiques entraîne une modification de l’expression et de la phosphorylation de facteurs de transcription aboutissant à l’observation d’un nouveau phénotype. Cette partie décrit succinctement les principaux éléments responsables de ce procédé d’adaptation.

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