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Un système finement régulé au niveau transcriptionnel :

Chapitre 4 : Mécanismes de dégradation des pourritures blanches :

4. Limitations de l’efficacité des enzymes de dégradation de la biomasse

4.1 Un système finement régulé au niveau transcriptionnel :

4.1.1 Régulation des gènes codant des enzymes lignolytiques :

Les champignons de pourriture blanche sécrètent des enzymes lignolytiques régulées

par la présence de carbone et d’azote dans l’environnement. La diminution d’un de ces

deux éléments engendre une augmentation de la concentration intracellulaire en AMPc

qui joue un rôle central dans la régulation de la transcription des gènes lignolytiques

(Boominathan and Reddy, 1992; Li et al., 1994). En effet, les régions promotrices des

gènes de laccases, de LiP et de MnP possèdent toutes des séquences régulatrices

dépendantes de l’AMPc. Il existe aussi des séquences reconnues par la protéine

activatrice AP-2 qui est elle-même régulée par l’AMPc (Dhawale, 1993). Par conséquent,

lorsque les ressources nutritives deviennent limitantes, l’expression des gènes codant

pour les enzymes lignolytiques est augmentée. Chez P. chrysoporium, l’activité

lignolytique est abolie par de fortes concentrations en azote, tandis que d’autres

champignons comme Lentinus edodes, Bjerkandera sp, Pleurotus ostreatus ne semblent

pas être affectés (Janusz et al., 2013; Kaal et al., 1993, 1995; Leatham and Kent Kirk,

1983).

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Cependant, d’autres éléments doivent être pris en compte comme le pH, la température

et la présence de micro-éléments (métaux, ions et espèces réactives de l’oxygène). Chez

P. ostreatus, les séquences promotrices des gènes de peroxydases

contiennent différents éléments de réponses liées à la température (HSE), aux métaux

(MRE), aux xénobiotiques (XRE) et à l’AMPc (CRE) pouvant être impliqués dans la

régulation de l’expression des gènes (Fernández-Fueyo et al., 2014). L’expression des

gènes codant les enzymes de dégradation est également dépendante du pH et de la

température (Dashtban et al., 2010). En effet, une grande majorité des gènes codant des

peroxydases voit leur expression fortement réprimée à des pH de 3 et de 8 ainsi que

pour une température de 10 °C (Fernández-Fueyo et al., 2014). Les éléments de

réponses aux métaux permettent de réguler l’expression des gènes codant pour des

peroxydases. En effet, les gènes codant les peroxydases mnp1 et mnp2 présentent des

MRE putatifs dans leurs séquences promotrices, lorsque du Mn

2+

est ajouté dans le

milieu de culture le nombre de transcrits augmente chez P. chrysosporium (Johansson et

al., 2002). A l’inverse, l’expression du gène codant la peroxydase mnp3 n’est pas régulée

positivement car elle ne possède pas de MRE. De plus, il existe des gènes de MnP qui

n’ont pas de MRE chez Trametes versicolor mais dont l’expression est augmentée en

présence de Mn

2+

suggérant l’existence d’autres mécanismes de régulation (Johansson et

al., 2002). Les processus de régulation doivent prendre en compte de nombreuses

variations environnementales, c’est pourquoi ils sont multiples et encore mal compris à

ce jour.

4.1.2 Régulation des gènes codant les enzymes permettant la lyse

des polysaccharides :

Les principaux facteurs permettant l’induction de la production des cellulases et des

hémicellulases sont l’abondance et la disponibilité des ressources carbonées (cellulose

ou hémicellulose). Cependant, il est important de noter que ces enzymes ne sont pas

produites en présence de sucres simples tels que le glucose ou facilement assimilable

(fructose). Cette régulation par les conditions environnementales s’effectue au niveau

transcriptionnel (Shida et al., 2016). Les études réalisées sur l’expression de ces gènes

ont menées à la découverte de plusieurs facteurs de transcription activateurs tels que :

Xyr1, Ace2, Ace3 et Hap2/3/5. L’inactivation de Xyr1 engendre une forte répression de

l’expression de nombreux gènes codant pour des cellulases et des hémicellulases.

Activateurs

Répresseurs

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Figure 27 : Mécanismes de régulation transcriptionnelle des cellulases et des

hémicellulases chez Trichoderma reesei (Shida et al., 2016).

Les principaux activateurs de l’expression des gènes codant des cellulases ou des xylanases sont

Xyr1 et Ace2. Ace3 affecte l’expression de Xyr1. De façon plus générale, le complexe Hap 2/3/5

permet de modifier la conformation de l’ADN afin de recruter Xyr1 et Ace2. A contrario il existe

des régulateurs négatifs sur lesquels les conditions environnementales jouent un rôle important.

En effet, les protéines Cre en présence de sucres métabolisables vont se fixer sur les séquences

promotrices des gènes de cellulases ou de xylanases empêchant leurs activations. Pac1 semble

quant à lui avoir un effet direct sur Xyr1 et Ace2 en réprimant leur expression. Enfin, il existe des

régulateurs globaux qui peuvent réguler négativement ces gènes, c’est le cas d’Ace1.

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Cette régulation se fait indépendamment de la source de carbone et de la molécule

inductrice chez Hypocrea jecorina (xylose, xylobiose ou α-sophorose) (Stricker et al.,

2006). C’est pourquoi, ce facteur de transcription est considéré comme le plus

important. A l’inverse, la répression de l’expression engendrée par l’inactivation d’Ace2

peut être contournée par la présence de molécules inductrices. Ace3 affecte l’expression

de Xyr1. De plus, la présence du complexe Hap2/3/5 serait essentielle dans la

modification du nucléosome permettant le recrutement de Xyr1 et d’Ace2, et par

conséquent dans la régulation des gènes de dégradation de la cellulose et de

l’hémicellulose (Wurleitner et al., 2003). Il existe aussi de nombreux facteurs de

transcription represseurs comme Ace1, Cre1 et Pac1. Les conditions environnementales

jouent également un rôle important dans le fonctionnement de ces répresseurs. En effet,

Cre1 et Pac1 sont respectivement sensibles à la source de carbone et au pH. En présence

de sucres facilement métabolisables (glucose), la phosphorylation des protéines Cre par

une caséine kinase II leur permet de se fixer au sein des régions promotrices des gènes

cibles afin de les inactiver (Cziferszky et al., 2002). Chez les champignons filamenteux, il

existe différentes voies de réponses aux variations de pH permettant la régulation de la

sécrétion d’enzymes et les gènes codant les cellulases et les hémicellulases n’y

échappent pas. Lors de la suppression de Pac1, la production de cellulase augmente

drastiquement ainsi que le niveau d’expression de Xyr1 et Ace2 (Shida et al., 2016). De

plus, Ace1 bien qu’il semble être un régulateur plus global est capable de réprimer les

gènes codant pour ces enzymes de dégradation (Figure 27).